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Frère Jacques ne dort pas !

Jacques Gaillot a été un évêque atypique dans cette Église qui pose Christ Jésus au centre, venu pour tous sans distinction, qui dans l’histoire a beaucoup insisté sur le rôle des femmes, la protection des plus faibles, le respect de la Loi et la nécessité de son interprétation. J’ajouterai l’axe Matthieu 25 qui est le cœur de toute sa tradition juive et de la nôtre ; ce texte pose une non-idéologisation, le primat de la personne en interaction avec les autres, tous différents, en somme l’établissement d’une fraternité vraie.

Bien sûr Jacques ne s’embarrassait pas des structures, des institutions et de leurs impératifs, pris d’abord par la douleur crue de celui que se tenait face à lui. Reste qu’un chrétien ne peut pas dormir tranquille alors que des hommes, des femmes, des familles entières sont prises dans une précarité radicale, sans possibilité de travailler et que leurs enfants ne parviennent pas à vivre une scolarité stable. Le pape François, qui a reçu Jacques, a encouragé « l’accueil inconditionnel » et en même temps a mis des bémols sur cet accueil des migrants, incitant chaque paroisse à accueillir… une famille. Il serait intéressant de faire le bilan, en France, de cette proposition somme toute bien raisonnable. Si nul ne peut accueillir « toute la misère du monde », on peut et doit agir là où la vie devient… invivable.

Le combat de Jacques Gaillot a croisé celui de l’Abbé Pierre, de Joseph Wresinski, et de bien d’autres dans les siècles, hommes et femmes qui ont « rendu manifeste » la raison d’être de l’Église. Cet homme a été évincé du siège épiscopal d’Évreux et assigné au diocèse de Partenia pour avoir « divisé son diocèse », dénoncé par ceux que dérangeaient les options qu’il défendait, pourtant au nom de l’évangile. Il souhaitait être « un parmi d’autres », ce qui est le propre du chrétien, et il y est parvenu. Et, s’il n’a pas toujours été prudent dans ses arbitrages, il reste un homme intègre qui, à sa manière, a pris l’évangile au sérieux. Que deviendra ce diocèse de Partenia riche de nombreux fidèles ? Les autorités de l’Église vont-elles encore arbitrer pour l’abandon d’un nouveau pan du Peuple de Dieu ? Qu’il sache que, sans jamais renoncer à lui-même, ses membres sont bienvenus dans le réseau étendu de la Conférence des baptisé.e.s.

La question des femmes en Église préoccupait Jacques. En militant pour elles, comme une simple évidence, il travaillait pour l‘Église tout entière, en toute tranquillité, et cela sous le pontificat de Jean-Paul II, qui interdisait jusqu’à l’évocation de cet item.

La question palestinienne est, du point de vue de tous les experts et diplomates, bien plus complexe que ce que Jacques semblait en percevoir dans ces différentes prises de position. Reste qu’il n’est humainement pas acceptable qu’un peuple mène une telle existence, entouré de pays « frères », dont certains territoires étaient eux aussi palestiniens. Les problématiques israélo-palestiniennes ont besoin d’être abordées, par toutes les parties, de manière bien plus rationnelle qu’elles ne le sont. Ces dernières années, la situation politique en Israël, en guerre dès avant sa création, ne fait qu’aggraver encore la situation. Mais dans ce pays, devenu d’extrême droite et quasi théocratique, on peut manifester, dire haut et fort ses désaccords : un espoir pour un autre avenir est donc toujours là. La contribution des amis de Jacques pourrait bien être de s’investir dans un retour de la démocratie et de l’équité, de l’avènement de la laïcité, pour une issue qui soit favorable à toutes les parties. La vie doit primer.

Jacques Gaillot a été un bâtisseur de liens, n’hésitant pas à aller bien au-delà des parvis. La CCBF y est très sensible, elle qui rassemble et veut donner visibilité à ceux qui, à cause et grâce au Christ, participent de la base de l’Église en extension, ouverte à tous et soucieuse de justice.

 

Crédit photo
René Peertermans. GNU Free Documentation License. https://en.wikipedia.org/wiki/en:Creative_Commons
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