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Feuille de route n°9 (juin, juillet, août 2022)
 
Chers amis,
Nous voilà aux portes de l’été, avec un mois de juin qui, pour beaucoup, risque d’être très chargé.
Je vous propose tout de même une lecture comme à l’habitude, en pensant aussi que vous pourrez reprendre pendant l’été tel ou tel article sur lequel vous n’avez pu vous attarder.
Ma proposition est la suivante : en tenant compte de l’été qui ne facilite pas les rencontres, mais peut-être tout de même le temps de lecture, nous lirons ensemble les deux chapitres proposés jusqu’au 15 septembre. Certains articles doivent être travaillés en groupe, d’autres sont de l’ordre de l’information, et contribuent à constituer pour chacun de nous une « culture chrétienne » !

Deux chapitres à lire 18 et 19, p. 576 à 630
Nous arrivons à l’époque des Pères de l’Eglise et des premiers grands débats doctrinaux. C’est là que se forge la pensée chrétienne.
Avec d’abord les Pères apologistes, de la fin du premier à la fin du deuxième siècle, et le questionnement déjà si présent dans le Nouveau Testament autour de l’identité de Jésus Christ.
Car il s’agit bien de répondre à la question : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? », et d’y répondre en dialogue avec la mentalité commune et la pensée courante de l’époque en monde romain très marqué par les philosophies grecques.

Chapitre 18 :
C’est essentiellement ce chapitre formé de trois articles qui fera l’objet de votre travail. Arrêtez-vous notamment sur les deux premiers articles :
Je fais plus que vous recommander le premier article de ce chapitre, Les premiers débats doctrinaux, de Clément de Rome à Théophile d’Antioche.
Il faut le travailler ensemble.

Bernard Pouderon avec une clarté et une pédagogie remarquables montre comment les controverses successives autour de la  personne de Jésus ont fait avancer la réflexion, dans un long tâtonnement et des propositions multiples.
Les débats, déjà présents dans les textes des évangiles et de Paul, s’amplifient.
Sur une ligne de crête, la pensée chrétienne progresse en écartant successivement ce qui lui paraît inacceptable. D’une part l’idée d’un homme élu de Dieu, justifié par ses vertus. Ou, au contraire l’idée que le Christ ne serait qu’une modalité de Dieu. Faut-il aussi considérer que le Christ qui est uniquement divin a pris simplement l’apparence d’un être humain ?
Mais faut-il aller jusqu’à parler d’un « autre Dieu » ?
Ainsi la foi chrétienne ne fige pas la personne de Jésus Christ dans un dire normatif, mais donne plutôt des balises pour penser plus avant. Une christologie s’élabore qui maintient l’unicité de Dieu, tout en tenant un Fils pleinement homme, qui sera dit « Dieu » également, tandis que l’Esprit cherche encore sa place…
Personnellement, je n’avais jamais lu d’exposé aussi clair sur ces questions difficiles et parfois rebutantes pour nos esprits aujourd’hui plus volontiers « narratifs » que conceptuels…
Mais qui ont été au fondement de toute la dogmatique ultérieure, jusqu’à nous.

A nouveau le bel article de Marie-Laure Chaieb sur le Père de l’Eglise, qu’on aurait dû toujours lire et relire dans le christianisme, Irénée de Lyon, et sa vision éblouissante d’une Incarnation voulue de toujours à toujours par un Dieu amoureux des humains.
Irénée fait face au défi gnostique, qui met à mal la grande tentation des chrétiens : croire que le monde est matériel est mauvais et qu’il faut à tout prix s’en échapper. Une tentation qui n’a pas disparu….hélas ! Irénée au contraire affirme la foi en un Dieu unique et bienveillant, dont la bonté se manifeste en premier lieu dans la création, et vise à rejoindre tous les êtres humains.
Ainsi, même s’il n’y avait pas eu le péché, l’Incarnation aurait eu lieu, pour que l’être humain puisse entrer dans l’image et la ressemblance parfaite de Dieu que lui offre le Christ. Chacun, se laissant travailler et parfaire par l’Esprit de Dieu peut progresser en perfection. Et entrer dans la vie même de Dieu.
« Contre tout déterminisme, contre tout élitisme, Irénée affirme avec force le caractère universel du salut proposé à tout humain et à tout l’humain ».

La question de fond que ces articles soulèvent est pour moi la suivante : ce foisonnement de pensée, d’essais, d’erreurs, d’avancées et de reculs, qui a caractérisé la rencontre du tout premier christianisme avec le monde gréco-romain doit être pour nous un aiguillon.
Il doit nous pousser à sans cesse reprendre à notre tour la question : Qui est-il celui-là ? Evidemment la question du mal vient aussitôt…comme celle du « salut » de l’humanité.
A notre tour et à chaque génération, il faut tenter de proposer une réponse toujours imparfaite et toujours partielle, et de rendre crédible notre réponse pour le monde et la culture dans lesquels nous vivons.
Comme le dit Bernard Sesbouë, il s’agit de prendre en charge à notre époque le travail désormais bi-millénaire du « c’est-à-dire », guidé par les balises qu’ont posées les chrétiens des premiers siècles.

Sandrine Caneri ne m’en voudra pas si je dis que l’article sur la constitution du Canon du Nouveau Testament a un intérêt d’un autre ordre. Il montre avec beaucoup de nuances à quel point la fixation du Canon des Ecritures a été lente au cours des trois premiers siècles et même par la suite. Cela nous donne à réfléchir sur cette notion de Canon, à la fois nécessaire, car il faut des repères, et pourtant ouverte à la réappropriation nécessaire à chaque époque de l’Ecriture.

Je vous laisse lire les Eclairages qui sont davantage de l’ordre de connaissance, la visite curieuse de ces nombreux groupes gnostiques et de leurs livres, témoins d’un dialogue constant du christianisme avec les propositions grecques. Pourquoi ne pas admettre  qu’aujourd’hui aussi le christianisme en dialogue avec d’autres pensées religieuses et d’autres religions, avec les aspirations de la société contemporaine aussi, puisse prendre des formes et des expressions très différentes de ce dont nous avons trop l’habitude ?
Vous y trouverez aussi des éléments pour comprendre la genèse de la dévotion  mariale…

Chapitre 19 :  Quatre grandes figures de penseurs au tournant du troisième siècle.
Clément d’Alexandrie, Origène du côté grec, Tertullien et un peu plus tard Cyprien du côté latin.
Il s’agit davantage d’une première introduction aux intuitions de ces penseurs étonnants que d’avancer plus dans la connaissance de leurs œuvres. Il y faudrait des mois.
Ils révèlent la richesse de la pensée chrétienne, en dialogue avec l’immense culture grecque chez Clément d’Alexandrie ; autrement chez Origène qui adopte les procédés de lecture et d’interprétation des grammairiens grecs de l’école d’Alexandrie, et, à la suite du juif Philon, les adapte aux textes bibliques.
Origène, pour lequel une lecture purement littéraliste (et donc fondamentaliste) de la Bible est un « blasphème » ! En termes imagés, il demande à chacun d’enlever l’écorce amère de l’amande, puis de briser la coque…pour découvrir les mystères de la sagesse et de la connaissance de Dieu. Lire l’Ecriture ne peut se faire sans un travail sans cesse renouvelé (voir encadrés p. 522-523).

Enfin deux pères latins :
Le rigoriste et toujours surprenant Tertullien, à la fois odieux et fascinant, une figure complexe qui a influencé le christianisme occidental…
Plus tard, Cyprien de Carthage, à partir de 248, confronté à la persécution, en dialogue parfois tendu avec l’évêque de Rome, Etienne, sur la question de la réintégration de ceux qui avaient apostasié sous la persécution de Dèce, il est surtout le premier penseur d’une ecclésiologie de la communion et de l’unité. Malgré des formulations parfois excessives (et datées), il fut le grand penseur de l’Eglise locale réunie autour de son évêque et en communion avec les autres, qui influença l’ecclésiologie du concile Vatican II.
 
Je vous souhaite à tous de belles découvertes, et un été paisible, lumineux et bienfaisant,
Et je reste à votre disposition tous ces mois d’été sur le forum d’Après Jésus !

Roselyne

Le site de la Conférence change de visage, mais le Forum Après Jésus l'invention du Christianisme animé par Roselyne Dupon-Roc reste accessible dans sa version précédente.

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