Mercredi 1er novembre 2023 – Fête de la Toussaint – Mt 5, 1-12a
Serions-nous tous des saints ? Le mot Toussaint ne répond pas à cette question ; il pourrait plutôt signifier « tous saints », que « tous les saints », selon l’interprétation la plus traditionnelle. Selon l’interprétation habituelle, l’Église catholique désire honorer ce jour tous les défunts qui ont accédé à la vie éternelle, connus ou inconnus, c’est-à-dire canonisés ou non. La plupart des saints du calendrier appartenait à des ordres religieux, qui ont entrepris et soutenu la cause de la canonisation, tandis que des défunts ordinaires, tout aussi saints dans leur vie, ne l’ont jamais été parce que leur famille n’en éprouvait pas l’intérêt. La plupart d’entre nous canonisent instinctivement leurs parents, dont ils ont éprouvé l’amour, incarné dans des gestes concrets, des soucis, des sacrifices.
La Toussaint précède d’un jour la commémoration de tous les fidèles défunts fixée au lendemain, le 2 novembre. Dans l’esprit des fidèles la distinction entre les deux journées n’est pas évidente, puisque les fleurs sont apportées aux tombes plutôt le 1er novembre, comme si tous les morts étaient des saints, comme si le deuil n’est supportable que par la croyance au salut pour tous. Cela indique qu’il n’y aurait pas deux catégories de défunts, dont l’inférieure serait en quelque sorte privée de paradis.
Les protestants ne pratiquent pas de culte des saints, car l’origine de la Réforme a clairement été la controverse au sujet des indulgences, dont Martin Luther dénonça le trafic. On peut donc pratiquer le christianisme sans être accroché ni à une formalisation de la sainteté par une procédure judiciaire comportant l’exigence de miracles, ni à la multiplication des intercesseurs pour gagner des grâces particulières, qui elle est un héritage visible du paganisme.
On ne répond à ces controverses que par une interprétation de la sainteté. Est-elle à proportion d’une vie de prières, de renoncements, de sacrifices ? Ou bien est-ce ce que définit l’évangile du jour consacré aux huit Béatitudes dans la version de Matthieu tandis que Luc, plus sobre et plus attaché aux sources, n’en énumère que quatre ?
Les Béatitudes présentent un idéal de vie chrétienne qui ne se fixe pas sur la pratique religieuse mais sur un style de vie : les pauvres, les doux, les affamés, les affligés, les cœurs purs, les artisans de paix, les persécutés, les calomniés. Tous ceux qui sont malheureux aux yeux du monde et qui sont au contraire proclamés bienheureux. Tous ceux qui échouent selon les apparences et qui réussissent selon une autre vision.
Laquelle ? Dans la tradition de la Toussaint cette justice est dispensée dans un autre monde, dont on ne précise pas les contours. Selon la religion populaire, ce fut longtemps au « Ciel », localisé quelque part à la verticale, comme l’ « Enfer » l’était dans les profondeurs du globe. Aujourd’hui nous sommes davantage informés du cosmos et la vie éternelle est entourée de plus de circonspection et de respect. Nous ne savons pas ce qui nous attend, ni ce que nos proches éprouvent. Nous nous refusons à les répartir dans les catégories de sauvés et de réprouvés. Nous pratiquons cette miséricorde qui n’est pas l’apanage exclusif du Seigneur.