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Dimanche 13 octobre 2024 – 28e dimanche du temps ordinaire – Sg 7, 7-11 ; Mc 10, 17-30

Comme ils paraissent insignifiants les commentaires convenus des conseillers en placements religieux lorsque l'on lit attentivement les trois textes de la liturgie de ce jour ! Un peu dérisoire même la recherche de répartition optimisée entre nos avoirs financiers, intellectuels et spirituels face à une parole aussi décapante.

Pas d'échappatoire possible. Pas étonnant alors que le dialogue entre ce jeune homme de bonne volonté mais tellement conformiste et Jésus se solde par un échec.

Pierre Bourdieu en avait fait le constat lucide : être sans raison d'être voué à la mort et ne pouvant s'y résoudre, l'homme n'existe que par le rôle que lui assigne la société. Si c'est vrai, pourquoi alors ne pas jouer ce rôle le mieux possible, comme le jeune homme de l'Évangile, avec le souci des autres, du bien commun, de la justice ? C'est déjà pas mal.

Sauf que cela n'apporte aucune garantie, aucune assurance. Les « avoirs » (argent, savoir, culture, prestige) ne feront jamais oublier la fragilité de l'être, l'angoisse qui nous ronge devant notre finitude certaine. Dans Guerre et Paix, c'est au moment de mourir sur le champ de bataille que le prince Bolkonski en prend enfin conscience. Bien vu mais trop tard. 

La seule chose qui nous reste, une fois débarrassés de tous nos avoirs, c'est ce que nous sommes, rien que cela, rien d'autre. Pas terrible effectivement, pas de quoi pavoiser. C'est pourtant la seule richesse que le voleur ne peut nous ravir nous rappelle l'évangéliste Matthieu (Mat 6, 19-21).

C'est cela la « pauvreté » à laquelle Jésus appelle son questionneur inquiet : consentir à n'être que ce que nous sommes, sans chercher à nous cacher derrière toutes les fausses sécurités de nos avoirs ; quand bien même ils sont moralement bien utilisés, ne pas croire que l'on peut se rassurer à bon compte.

Mais, étrange découverte, pourtant déjà perçue par le livre de la Sagesse, cette fragilité acceptée, cette insécurité assumée porte immédiatement en soi sa récompense : une vie plus fructueuse, plus intense, plus authentique ici et maintenant, tout de suite. Une qualité d'être qui surgit immédiatement vis à vis de soi-même et des autres ; un surgissement dynamique et joyeux : la vie quoi ! la vraie, la nôtre, pas celle à laquelle la société ou les religions nous assignent.

Elle est plus coupante qu'une épée à deux tranchants la parole de Dieu : pas de compromis, d'échappatoires, de faux semblants possibles : fais ta propre joie, vis ta propre vie en te passant de tous tes avoirs parce que c'est cette vie-là qui est vraiment la tienne.

Qu'y a-t-il de plus subversif, de plus naturellement insupportable ? Mais c'est pourtant la condition essentielle pour être authentiquement vivant.

« Choisis la vie ! » (Dt 30) Chiche ?

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