Dimanche 27 août 2023 – 21e dimanche du temps ordinaire –Mt 16, 13-20
« Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », répond Simon, fils de Jonas, à la question de confiance que Jésus pose à ses disciples de sur lui-même : « Qui dites-vous que je suis ? »
Dans ce passage, Simon franchit l’étape décisive du risque de croire : il reconnaît en Jésus le Fils de Dieu. Cette reconnaissance d’identité se fait dans une période troublée par le légalisme et le ritualisme qui aveuglent le grand public comme les proches quant au mystère de cet homme Jésus, venu engendrer à une vie nouvelle, critique des modes anciennes : « et leurs yeux furent empêchés de le reconnaître ».
Cette compréhension et cette transformation de Simon, dont les yeux s’ouvrent, au point de reconnaître en Jésus « le Fils du Dieu vivant », Jésus l’attribue à l’action de Dieu qui continue de se faire présent dans l’histoire de l’humanité : « Ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. »
Et pour marquer l’événement de sa naissance à sa nouvelle nature spirituelle, dont Dieu est la source, Jésus, que Simon rejoint dans sa nature divine, lui donne un nouveau nom : « tu es Pierre », traduction grecque du nom araméen Kepha. Et Pierre, en vrai disciple, sera le premier à annoncer l’Évangile aux juifs, proclamant la révélation reçue.
Dans ce sens de pierre vivante il contribue à l’assemblée de la communauté nouvelle que Jésus ne cesse pas de construire avec ses disciples.
S’adressant à la personne de Pierre, Jésus ajoute : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église et la puissance de la mort n’aura pas de force contre elle. » En effet, « tous mangèrent la même nourriture spirituelle et tous burent le même breuvage spirituel ; car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait : ce rocher c’était le Christ » (1 Co 10,4). Insaisissable : "IL" nous met en mouvement vers une quête sans relâche, pour aller au-delà de ce que les yeux voient. « C’est votre avantage que je m’en aille ; en effet, si je ne pars pas, le paraclet ne viendra pas à vous. » (Jn 16)
Mais croire n’est pas édifier un rempart, mais sortir de son espace clos : laisser les autres et le monde venir à sa rencontre, donc marcher dans l’incertitude…
C’est Michel de Certeau qui parlait de la foi comme un travail du désir, revenant à se laisser « altérer » par la rencontre du dissemblable, de l’étranger perçu comme l’empreinte même de Dieu : l’Autre, l’insaisissable. « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli… » (Mt 25).
Le qualifiant comme « seulement un voyageur », il définit ainsi le mystique : « Est mystique celui ou celle qui ne peut s’arrêter de marcher et qui, avec la certitude de ce qui lui manque, sait de chaque lieu et de chaque objet que ce n’est pas ça, qu’on ne peut résider ici ni se contenter de cela. Le désir crée un excès. Il excède, passe et perd les lieux, il fait aller plus loin, ailleurs. Il n’habite nulle part, il est habité. »[1]
Puissions-nous nous aider à vivre la révélation, non comme obéissance à un ordre prédéterminé mais comme expérience continue et inépuisable de rencontre et de vie avec Dieu, soi-même, les autres et la création… Continuer, ensemble, en « pierres vivantes » d’Église, à regarder aujourd’hui devant nous, en marche vers Celui qui nous précède.
[1] Michel de Certeau, La fable mystique (tome I), Gallimard, 1982