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Dimanche 6 mars 2022 – 1er dimanche de Carême – Lc 4, 1-13 

Depuis décembre nous sommes habitués, avec l’évangile de Luc, à voir et entendre Jésus entouré d’une foule qui le suit et accompagné de ses disciples. En ce premier dimanche de carême nous revenons au début de sa vie publique, après son baptême dans le Jourdain par Jean Baptiste. Ici, il nous est présenté seul ; il est au désert, dans ce lieu d’épreuves spirituelles avec leur lot de doutes comme les ont vécues le peuple de Dieu dans l’AT. Les auteurs nous indiquent que nous sommes ainsi toujours portés et accompagnés dans notre pleine humanité, placés devant la fragilité que procure la solitude, ce face à face avec soi-même.

Et dans cette solitude Luc précise que « Jésus ne mangea rien pendant 40 jours », référence au jeûne de Moïse. Ainsi on retrouve cette expérience du manque posée comme bienfaitrice dans les béatitudes. Y a-t-il un discernement possible et vrai sans expérience du manque, ou du besoin essentiel ?

Et dans ce temps de retour sur soi, un nouveau personnage s’invite : Satan, le maléfique, le diviseur comme le nomme Matthieu. On l’imagine plus à côté de Jésus que face à face comme ont pu l’être les pharisiens. Il ne s’agit pas d’une diatribe, d’une conversation, mais d’une tentation, d’une tentative de séduction manipulatrice visant à prendre le pouvoir sur Jésus, à mettre la main sur lui. Tout est disposé, par ce diable, pour que Jésus perde son « être » de fils de Dieu pour le remplacer par un « avoir » séduisant.

Ainsi le diable s’adresse à Jésus « fils de Dieu », qualité tout juste révélé à son baptême. Si tu es fils de Dieu… tu peux tout faire. – T’es même pas cap ! », comme entendu en récré. Tentation de devenir magicien, gourou, d’exercer un pouvoir par sa capacité à faire illusion. Réponse de Jésus qui choisit de donner sa dignité au fils de Dieu en acceptant l’humilité d’accepter la condition humaine.

Et emmené toujours plus haut sur la montagne, lieu des révélations divines, Jésus est soumis à la tentation du pouvoir. Avoir à soi tout ce que l’on peut embrasser du regard, à condition de donner la primauté à la puissance temporelle, au besoin de possession des espaces, et de soumission des autres. Celui qui voit son pouvoir dans la prosternation des autres devant lui est à l’opposé de ce que Jésus réalise en relevant toujours celui ou celle qui s’abaisse devant lui pour être guéri, donc vivant. Celui qui prétend « dénazifier » est en fait le nazi. « C’est celui qui le dit qui l’est ! » Comme nous le disions entre gamins.

Et enfin transportée au sommet du temple de Jérusalem, lieu saint, la lutte est dramatiquement posée au plus élevé la vie spirituelle. C’est l’ultime provocation, la volonté de faire chuter Jésus, de l’inciter à se jeter en bas, afin qu’il se fracasse. Mais, Fils de Dieu, qu’a-t-il à craindre ? Son Père le sauvera. Quel fils de riche ne serait-il pas facilement sorti du commissariat par son notable de père ?

Quelques points marquants de ces tentations. Elles couvrent, crescendo, tous les domaines de notre vie : l’économie, le politique et le spirituel. Elles se caractérisent par des injonctions ou demandes de soumission : ordonne, prosterne-toi, jette-toi en bas. La réponse ou le positionnement de Jésus n’est jamais un compromis, mais une résistance, un refus sans concession de rentrer dans le jeu du tentateur. Et c’est à ce prix que la tentation n’a pas la moindre chance de succès. Il est aussi frappant de voir que la tentation comme le refus de Jésus s’appuient sur une référence à l’Écriture. Comme si nous étions dans une lutte parole contre parole. Ce qui fait penser que ce n’est pas tant la parole qui compte que l’acte, l’acte du refus ou de guérison sans contrepartie, la relation en vérité qui prend l’autre pour ce qu’il est. Un homme, debout, seul devant un char, peut en arrêter la progression. De belles et sincères paroles, l’appel au droit et de nombreuses pétitions ont-elles autant d’effet ?
 

Vianney Danet

Illustration offerte à notre méditation

Crédit photo
La Tentation de Jésus au désert. Le Miroir de l’humaine condition, École française du XVe siècle.
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