La croyance, forme infantile de la foi, se dépasse ou se crispe à l’âge adulte. Pour l’enfant, les événements adviennent par la magie de volontés supérieures, parents visibles, esprits invisibles et d’autant plus irrésistibles. Pour beaucoup d’adultes cela continue d’être de même.
Le concept de loi naturelle, qui remonte à trois ou quatre siècles, n’est pas perçu par tous les croyants. Pour beaucoup d’adultes, la figure du divin est celle d’un ordonnateur tout puissant, auquel la Nature se plie dans tous les sens, respect ou violation de ces lois. On peut l’influencer par la prière de demande, par des sacrifices, par des pèlerinages. Cet invisible se manifeste quelquefois par des apparitions, contestées d’abord par la hiérarchie puis approuvées, qui font ensuite la fortune de villages reculés.
La croyance se manifeste dans la foi sous la forme irrationnelle du Credo quia absurdum : puisque je ne comprends pas, c’est une manifestation de la transcendance, incompréhensible par définition. Le divin ne serait pas tout-puissant, s’il ne pouvait violer à titre d’exception perceptible les lois de la Nature puisqu’il les a lui-même promulguées. Dans la tradition historique, cette toute-puissance fut la représentation au surnaturel du pouvoir d’un monarque absolu. Au-dessus du roi, il n’y avait que Dieu. Même si le monarque est devenu constitutionnel, le Seigneur ne l’est point pour marquer sa distance avec l’humain.
Beaucoup d’homélies s’inscrivent dans cette vision en relatant un récit évangélique de miracle comme s’il s’agissait d’un reportage. Jésus marche sur un lac, multiplie les pains et transforme l’eau en vin. Beaucoup d’adultes croient que telle est la substance de la foi. Ils se cramponnent à des mythes faussés, comme l’enfant qui croit que le loup parle vraiment au Chaperon rouge. Une apparition de la Vierge, même contestable et démentie, constitue un fondement indispensable à la croyance qui se prend pour la foi. La transcendance est sommée de se manifester, c’est-à-dire de se désavouer, pour asseoir sa réalité.
Purifier le foi des croyances résiduelles revient à répudier les restes de ce paganisme, au milieu duquel le christianisme a pris naissance et dont il a forcément emprunté des mythes, des rites, des conventions. Exemple : à l’époque, la justice coutumière acceptait la culpabilité collective, la vendetta et le sacrifice compensatoire. Tout naturellement cela a engendré les mythes du péché originel, des limbes et du sacrifice de la Croix. Mais aujourd’hui la paléontologie enseigne que le monogénisme, la descendance de tous les hommes d’un seul couple, est contredit par les données de la géologie et que le mythe du péché originel n’a aucune relation avec la réalité. Les limbes des enfants non baptisés ne sont plus un article de foi. La messe perd son sens de répétition d’un sacrifice. Ainsi au fil des siècles la société civile a élu les avancées les plus fondamentales du christianisme et c’est elle paradoxalement qui en prescrit maintenant l’obligation aux Églises.
La foi se situe aux antipodes de la croyance, car elle n’exige pas des preuves sensibles. Elle est confiance
sans retour et sans condition, même au milieu des doutes. Elle engage concrètement à l’action dans la vie de tous les jours. Elle contemple les rites comme des symboles. En même temps, elle supporte les errances de la croyance sous l’appellation de religion populaire.
Les réformes pendantes dans l’Église catholique ne concernent que des détails d’organisation : ordination d’hommes mariés et de femmes ; acceptation des divorcés remariés et des homosexuels ; érection de synodes. Il y a plus important : une interprétation de la foi libérée de la croyance, une foi crédible.