Dimanche 28 juillet 2024 – 17e dimanche du temps ordinaire – Jn 6, 1-15
Jésus monte dans la montagne avec ses disciples. Une foule nombreuse, témoin des signes qu’il a faits sur les malades, vient vers lui. Il interroge Philippe, le mettant à l’épreuve (v. 5) : « D’où achèterons-nous du pain pour qu’ils mangent[1] ? » Réponse pragmatique de Philippe : deux cents deniers ne suffiraient pas ; réponse factuelle d’André : un enfant a ici cinq pains d’orge et deux poissons[2], une bagatelle face aux besoins d’une telle foule… (v. 7-9)
Jésus demande alors aux disciples de faire s’allonger les personnes présentes (v. 10) – par groupes de quelques dizaines de personnes, précisent Marc (Mc 6, 39) et Luc (Lc 9, 14). Puis il prend les pains, et « ayant rendu grâce [il les] transmet de l’un à l’autre pour les personnes installées pour manger[3], de même aussi en partant des poissons, autant qu’ils voulaient[4] » (v. 11). Que s’est-il passé ? Sûrement pas une multiplication de manière surnaturelle du pique-nique de l’enfant pour nourrir une foule ! Je suis tout à fait certain qu’il n’y a jamais eu un moment où Jésus a ainsi outrepassé les lois de la création. Alors ? C’est de la foule elle-même que provient le pain pour la nourrir à satiété.
Reprenons le récit pas à pas. D’abord, Jésus demande que les gens s’allongent de façon organisée. Les hommes s’installent. Il prend ensuite les pains et il rend grâce. Il exprime ainsi sa reconnaissance pour ce qui vient de se passer : la foule ne se structure plus par rapport à un maître qu’elle suit, mais trouve au contraire en son sein une organisation. Enfin, il « transmet de l’un à l’autre pour les personnes installées pour manger4 » (v. 11) les pains et les poissons, faisant ainsi circuler le pique-nique de l’enfant au sein d’une foule organisée pour une réunion conviviale. Geste que je comprends comme une invitation pour chacun à sortir ses provisions, et à les partager pour un repas convivial. Et, ‘miracle’, cette invitation est comprise par les personnes allongées : tous mangent à satiété, et il y a des restes ! Jésus apporte ainsi une réponse à la question qu’il a posée à Philippe.
Cet épisode est présent dans les quatre évangiles, signe de son importance. Leurs auteurs nous y proposent un enseignement sur la dynamique de la manifestation des potentialités d’une foule, et sur la façon de l’accompagner dans ce mouvement, qui peut avoir des effets « miraculeux ». En ce qui concerne la foule : ne pas suivre une personne – ou un groupe – qui a une parole d’autorité, et ce quelle que soit la qualité et la fécondité de cette parole, mais au contraire s’organiser pour permettre en son sein l’émergence d’un discernement collectif, dans des groupes qui interagissent entre eux de façon constructive. Il revient aux personnes dont l’autorité est reconnue de ne jamais demander à quiconque, ici à la foule, de les suivre, mais au contraire d’accompagner pour permettre de manifester les richesses qui sont en eux, ici celles de la foule. Enseignement d’actualité s’il en est, dans l’Église et dans la société !
[1] Traduction Chouraqui
[2] Son pique-nique, dirait-on aujourd’hui, ce d’autant que le mot grec traduit ici par poisson a pour sens « petit plat de poisson »
[3] Le verbe grec utilisé dans ce verset a pour sens « être couché sur un lit de table »
[4] Traduction au plus près du grec