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Dimanche 31 décembre 2023 – La Sainte Famille – Luc 2, 22-40

De prime abord à la première lecture des textes de ce jour, j’ai vu et entendu la détresse d’Abraham et de Sara qui se voient mourir sans enfants et qui, grâce à Dieu, auront une descendance innombrable. Et puis Luc nous raconte ce jeune couple qui vient présenter le fils premier né conformément à la loi juive. Plus que le rituel, Luc marque l’importance des rencontres avec Syméon, et Anne, des personnes justes et religieuses, capables d’un regard visionnaire. Ils attendent avec constance et conviction « la consolation d’Israël » et « la délivrance de Jérusalem ». Et Luc tient à noter la sagesse de ces anciens qui leur permet de discerner dans cet enfant le messie.

Pour les évangélistes Luc et Matthieu qui s’adressent aux juifs, aux grecs, aux premières communautés chrétiennes, il faut inscrire Jésus, dès sa naissance, dans le projet divin, et en même temps dans l’histoire de l’humanité. Avec la circoncision et cette présentation au Temple, Jésus est ancré dans la vie juive, dont justement le Temple est le cœur. Luc note bien que tout ceci se fait dans le respect de la Loi – Loi que Jésus n’a pas voulu abolir mais accomplir, mettant en avant plus l’esprit de la Loi que sa stricte observance.

Mais de sainte famille il n’est pas question.

Alors pourquoi l’Église nous propose-elle de fêter « la sainte famille » avec ces textes ? Cette famille restreinte, Jésus, Marie et Joseph, devrait-elle être un modèle pour toutes les familles ? Aujourd’hui en occident, la famille nucléaire (papa, maman et enfants sous le même toit) ne représente que 2/3 des familles. Et quid des structures familiales bien différentes en Afrique ou ailleurs dans le monde ?

Dans ces textes, plusieurs paroles ou mots ressortent : alliance et confiance, descendance et filiation, consolation et délivrance. Et si la sainteté de la famille était là ?

La famille n’est-elle pas le lieu de l’alliance entre parents, entre parents et enfants : « Parent un jour, parent toujours », quelle que soit sa structure, éclatée, recomposée, monoparentale ; ailleurs, en Afrique par exemple, les oncles, les tantes participent à l’éducation ; frères, sœurs, cousins, cousines, peuvent être élevés sous le toit de la grand-mère, lui rendant des services, dans une sorte de partage.

Comme pour Abraham, Sara, Joseph, ou Marie, Luc note l’importance de chercher et de trouver la confiance en Dieu à travers l’écoute des envoyés ou par une vision. En famille nous savons l’importance que joue la confiance, que l’on soit séparé ou non. C’est elle qui permet le soutien et la solidarité, une alliance aux limites sans cesse dépassées entre membres d’une même famille. Cette Alliance est incarnée dans notre humanité par la filiation. Nous savons l’importance d’avoir une descendance, de vivre de bons rapport père-fils, mère-fille et collatéraux. L’organisation de « cousinades », de rassemblements familiaux intergénérationnels témoignent de notre attachement à notre filiation. Enfin la famille n’est-elle pas le lieu des meilleures consolations ? Comme le messie est appelé « le consolateur d’Israël », la famille peut permettre de donner un second souffle, aux malades, aux isolés ou aux exclus au travail ou à l’école. Elle peut remettre « sur le bon chemin », faire renaître les rapprochements après la discorde. Ainsi la consolation est délivrance, libératrice. Comme Anne attend le messie pour la délivrance de Jérusalem (occupée par les Romains), nous savons aussi que la famille est faite pour émanciper, faire grandir, et rendre adulte. 

À travers ces mots alliance, descendance, délivrance l’espace même de la famille s’élargit considérablement. On peut mieux accepter les attitudes déstabilisantes, telle que celle de Jésus quand à 12 ans il dit à ces parents : « Ne saviez-vous pas qu’il me faut être aux affaires de mon Père ? », et plus tard : « Qui est ma mère, qui sont mes frères ?» Khalil Gibran (poète libanais) nous dit : « Vos enfants ne sont pas vos enfants […] Ils viennent par vous mais pas de vous. » Bien sûr la famille n’échappe pas aux défauts de notre humanité : rejet, violence, inceste, mais elle peut, quand la droiture prime, être réparatrice et porter tant de joies. Ne restons pas attachés d’abord à une structure familiale, mais sachons que nous faisons une sainte famille, quand nous respectons les valeurs et les attitudes qui la font vivre dans la paix et dans la joie.

Crédit photo

jean louis mazieres - www.flickr.com
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