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« La fête du Christ-roi dimanche dernier nous a, une fois de plus, laissés sans voix ; mais nous ne pouvions pas rester sans rien dire, faire comme si tout allait de soi. Il y a trop de non-dits autour de cette « fête », qui nous empêcheront de mener à bien le chemin synodal proposé par François », expliquent les auteurs de cette tribune fort éclairante.

Dans l’élan de Vatican II, nous sommes invités à sortir d’une foi et d’un système ecclésial qui s’étaient blindés en pouvoir religieux et sociétal débouchant sur un système institutionnel omnipotent : le cléricalisme. Comment en sortir ? En dénonçant et en abrogeant en amont la lettre encyclique « Quas primas » de Pie XI (Institution d’une fête du Christ-Roi), dernier soubresaut en 1925 d’une longue période d’absolutisme catholique. Il faut lire ce texte pour découvrir avec stupéfaction combien le Christ y est présenté de fait comme un souverain à idolâtrer à qui tout serait soumis et permis.

Non, l’Église n’est pas, comme l’affirme ce texte, une « société parfaite » (§20) – cherchez l’erreur ! Non, le Christ n’a pas les pleins pouvoirs « législatif » (§10), « judiciaire » (§10), « exécutif » (§10) en tout et sur tous, encore moins les évêques sur leurs troupeaux. Non, le Christ ne règne pas sur nous, sous prétexte « qu’il nous a rachetés » (§9). Non, « Les chefs d'État ne sauraient refuser de rendre en leur nom personnel, et avec tout leur peuple des hommages publics, de respect et de soumission à la souveraineté du Christ » (§13). Non, le Christ ne menace pas de « supplices » (§10) et de « châtiments les plus terribles » (§21) ceux qui ne lui seraient pas soumis, « sujets de son empire » (§22). Non, le Christ n’est pas un roi « au sens propre » (§5), en excluant un sens « métaphorique » (§4). Non, il n’y a pas pour cette royauté, comme l’affirme ce texte, un « droit de commander pour les uns » (§14) et un « devoir d’obéir pour les autres » (§14).  

Comment appelle-t-on un tel régime religieux radical qui voudrait voir le monde sous la coupe de son leader et qui terroriserait ses adeptes avec un tel fanatisme ? Malheureusement, c’est bien suite à de telles dérives christologiques, exprimées encore 40 ans avant le Concile Vatican II, suite à de tels chantages à l’affectif, mitonnés d’une pastorale de la terreur (l’enfer en ligne de mire), que se sont trouvés motivés et justifiés depuis des siècles et jusqu’à aujourd’hui toutes sortes d’abus spirituels hiérarchiques (hierus-> prêtre et archie -> pouvoir). Abus commis par des détenteurs d’une aura divine, d’une autorité sacrée auxquels tout peut sembler permis, porte ouverte à des manipulations systémiques des consciences et des corps.  

Aujourd’hui, suite à l’avalanche ininterrompue de scandales-de-pouvoir, y compris commis par des évêques, notre foi de fidèle est submergée, et la vérité à laquelle nous nous étions fiés est jetée à terre. Il nous faudrait donc avoir le ressort et le courage de déclarer le despotisme de « Quas primas » expressément hors-la-loi, hors Évangile. Cette Encyclique continuera sinon en filigrane, avec ses fantômes, à cautionner toute sortes de dérives et de scandales d’autorité. Il ne nous suffit plus d’avoir remisé aux oubliettes le sens, tel qu’initialement prévu, de la fête qu’elle instaure, d’en avoir détourné la raison d’être jusqu’à la façon dont nous l’envisageons aujourd’hui. Il nous faut en annuler les motivations premières (cf. les affirmations ci-dessus), c’est-à-dire annuler radicalement le texte lui-même. Des relents de celui-ci, ses effets pervers, continueront sinon d’influencer le subconscient et les postures ecclésiales en surplomb. 

Il faut oser affirmer que l’Eglise est malade de « Quas primas », un mal qui occasionne des ravages et fait voler en éclat l’invitation que nous pouvons offrir d’entrer dans le Mystère pascal. Foi et confiance vont de pair, cependant lorsque la confiance est détruite la foi l’est également. L’impérialisme et l’intransigeance absolues du Christ de « Quas primas » n’a d’autorité que pour ceux qui veulent s’y référer en vue de leurs propres fins, qui veulent l’instrumentaliser pour une emprise sur la société. « Christ » n’est la chasse gardée d’aucun pouvoir humain, encore moins des Églises ! Supprimer officiellement « Quas primas » des textes de référence de l’Église catholique est un préalable incontournable, une condition sine qua non du succès d’un Synode pour une Église synodale.


Alain & Aline Weidert, Chalvron/Vézelay

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