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Marcher ensemble vers les hommes et les femmes de ce temps !

Article paru dans l'hebdomaire La Vie le 10 octobre 2023 :

Conférence catholique des baptisés francophones : « Une culture synodale ordinaire et concrète : c’est possible ! »

Auteurs : Paule ZELLTICH présidente de la CCBF et Guy LEGRAND membre du CA.

Ce Synode a été précédé de deux consultations des baptisés, pour l’Église universelle et continentale. L’instrumentum laboris qui précède cette assemblée générale du Synode donne sous forme de questions les grandes lignes de la session des évêques. Quelques laïcs, en France choisis par les évêques, sont associés à la réflexion. Le pape tranchera.

À chaque étape préparatoire, la CCBF a rendu toutes les initiatives présynodales concrètes et accessibles à tous. Avec son réseau et ses groupes locaux, elle a repris les questionnaires pour que tous les baptisés puissent s’en saisir. Dans sa démarche, elle a pris deux engagements publics : transmettre intégralement les contributions reçues, les diffuser largement aux contributeurs, aux évêques français et au Vatican. Précautions utiles car, au niveau diocésain, on a souvent constaté que la diversité des contributions a été lissée. Parfois même, les conclusions étaient quasiment rédigées avant la fin des travaux. Le document transmis, dénaturé, masquait des réalités locales, démobilisait les participants.

La CCBF et ses groupes, à la suite du rapport de la Ciase et de la constitution de commissions de travail par les évêques de France, ont produit un document : « Pour une gouvernance en dialogue ». Il se présente comme un antidote à la tentation, toujours présente, de l’immobilisme. Il recense, à partir de l’existant, des propositions réalistes, relevant de la compétence des évêques et des laïcs, possibles à mettre en œuvre dans les diocèses, ici et maintenant, sans recourir à Rome. Il s’agit de mettre en place les conditions d’une culture synodale ordinaire et concrète : c’est possible !

Il existe dès à présent de réelles marges de manœuvre inexploitées, qui ne remettent en cause ni la doctrine ni la discipline de l’Église. Cet espace, dont les baptisés peuvent déjà se saisir, est celui de la gouvernance, à partir de nos communautés de vie en Église : prendre en compte les compétences, la représentativité réelle, l’égalité entre les sexes dans l’affectation des responsabilités, la pratique de la subsidiarité et de la concertation. Dans cette configuration, plus stimulante que la consultation des cooptés, l’évêque s’inscrit pleinement dans son rôle.

La CCBF a aussi diligenté une enquête sociologique sur les baptisés, très nombreux à se dire catholiques, mais éloignés des institutions ecclésiales, dans lesquelles ils ne se reconnaissent plus. Ils sont tout autant l’Église que les 2 % à 6 % de « messalisants » ; il importe de ne pas l’oublier. Ce travail a pointé : le désintérêt massif des jeunes pour ce qui leur est proposé, le modèle « rien sans le prêtre » intenable et qui génère des contradictions entraînant la désertification cultuelle et le refus d’ouvrir les églises rurales à ceux qui voudraient y prier ensemble, le reflux délibéré d’une vie ecclésiale vers les villes.

Tout cela laisse peu de place à la diversité, pourtant marque de l’Église ; le repli identitaire d’un clergé, souvent issu d’un même milieu, de communautés nouvelles, charismatiques ou traditionnelles, souvent intolérant à la diversité, notamment spirituelle, est source de clivages. Ce clergé remplit-il le rôle, qui lui revient par délégation, inscrit dans la charge de l’évêque ?

Cette enquête a mis en évidence le sentiment que les autorités ecclésiales sont souvent focalisées sur un modèle d’organisation anachronique et énergivore, parfois plus occupées par leur clergé que par l’ensemble des baptisés. L’Église est « para todos » donc fraternelle, déclare le pape François de manière récurrente. Ainsi ce Synode doit aller à l’essentiel de la mission : être présents et disponibles à tous.

« Marcher ensemble vers les hommes et les femmes de ce temps » est un slogan à réaliser. Parce que cela est insécable de sa vocation, l’Église ne peut être indifférente aux réalités concrètes du monde. Selon la tradition la plus ancienne, elle est pour tous comme le sont les évêques, sinon il y a rupture.

Cela induit mécaniquement des dysfonctionnements et des abandons massifs de baptisés. Une place prépondérante est encore laissée, voire donnée, à des mouvements et communautés charismatiques, parfois identitaires ou fanatiquement indifférents à autrui, dotés de spiritualités et de théologies « approximatives ». Pourtant ils étaient tous en première ligne aux JMJ 2023. Une énergie et trop de temps sont passés à maintenir un cadre de pensée révolu, sans souci de tous ceux qui sont ailleurs.

Face aux défis à relever, l’Église de France peut-elle émerger avec seulement des prêtres et des communautés autrefois nouvelles ? Le nombre des baptisés formés et inemployés est en certains lieux considérable. Sans remettre en cause le rôle du prêtre, on constate des théologies qui n’aident plus à penser, des certitudes assénées au mépris d’un savoir avéré. Cela ne répond pas aux attentes de ceux qui sont à rejoindre ; pour eux, l’Évangile reste un message altruiste, toujours nouveau, dans un monde travaillé par d’innombrables questions. Au nom du baptême et du sacerdoce commun des baptisés, il est urgent de se souvenir que l’Esprit est donné à tous et excède l’Église.

Qu’attendre alors du Synode des évêques sur la synodalité ? Les baptisés ont produit une riche réflexion. En dépit du « secret pontifical » qui couvrira les débats ou peut-être grâce à lui, nous pouvons espérer que les délégués serviront toute l’Église-peuple-de baptisés et non pas les intérêts de leurs organisations respectives. Il est essentiel que ce Synode ne soit pas qu’une confrontation de lobbies ecclésiaux qui cherchent à faire prévaloir et prospérer leurs intérêts propres.

Rééquilibrer les trois pôles de légitimité que sont le magistère garant de l’unité, les théologiens en charge de l’intelligence de la foi et les baptisés, tous responsables du témoignage concret de l’Évangile est une visée réaliste et conforme à l’esprit des écritures. Y parvenir est affaire de foi et de bonne volonté.

Publié avec l'aimable autorisation de LA VIE

Les assises de la CCBF. Il est encore temps de participer !


Du 14 au 15 octobre prochain se dérouleront au collège Saint-Nicolas (19 rue Victor-Hugo 92130 Issy-les-Moulineaux) les assises du réseau de la CCBF, ouvertes à toutes et à tous. Plus d’informations sur ICI

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