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Dimanche 6 août 2023 – Transfiguration du Seigneur 2 P 1, 16-19 ; Mt 17, 1-6

Avez-vous vécu un moment d’intense relation à d’autres ou à l’autre, dans une intimité rayonnante, hors du temps, comme une touche d’éternité ? Ce moment ne résonne-t-il pas comme une invitation amicale, fraternelle, parentale, à cheminer sans stress et sans orgueil vers les hauteurs, à entrer joyeusement dans l’intimité de l’autre ? Nous entraînant à penser « pourvu que cela dure ».

Ainsi « Jésus prend avec lui Pierre, Jacques, et Jean son frère » pour les emmener à l’écart. Il n’y aurait de révélation profonde, vraie que pour qui est retiré sur « une haute montagne » hors des bruits, des routines, des réseaux sociaux, du quotidien. Là où se révèle toute splendeur, enveloppée de nuages passagers qui effleurent les cimes en pleine lumière.

Cette transfiguration de Jésus pourrait paraître comme une parenthèse, ou un fantasme intemporel, dans les évangiles. Ce n’est ni une nouveauté, ni une singularité. Elle est en fait annoncée et vécue différemment dans la bible. Que ce soit chez le prophète Malachie, ou dans le livre de l’Exode qui nous dit :« Son visage (celui de Moïse) était rayonnant parce qu’il avait conversé avec Dieu », et qui nous raconte aussi le mont Sinaï, la blancheur, la lumière et la nuée de laquelle Dieu appela Moïse. De même les témoins de cette transfiguration sont trois comme Aaron et ses fils avec Moïse, nombre nécessaire pour la validité du témoignage antique. Nous sommes bien dans l’accomplissement de la loi et des prophéties dont Moïse et Élie sont porteurs dans ce récit. Et cette vision de Moïse et Élie s’entretenant avec Jésus peut s’interpréter comme un « passage de relais à Jésus », selon les termes de Colette et Jean-Paul Deremble dans Jésus selon Matthieu, héritages et rupture.

Pour Pierre, comme pour les juifs de l’époque, cette vision des « anciens » est peut-être aussi comme une caution que Jésus est bien le messie, inscrit dans l’histoire du peuple juif sans césure. Voilà qui est rassurant. Et du coup, il y a ce souhait que cela dure en établissant un campement, comme pour nous dans ces moments de plénitudes où l’instant, le présent surpasse tout en unissant passé et perspectives dans une même « joie ».

 

Et voilà que le ciel se couvre paradoxalement d’une « nuée lumineuse », annonciatrice de la parole de Dieu. La révélation vaut par la lumière sortant de l’ombre. Comme la vérité germe dans le doute. On ne sait si les disciples tombent face contre terre, à cause de la révélation « Celui-ci est mon fils, le bien-aimé », ou parce que dans la nuée toute voie est divine et oblige à se prosterner. L’important est que cette parole devient source de témoignage pour les autres et guide pour toute notre vie, comme Pierre nous le décrit dans l’épître de ce dimanche.

 

Puis pour ces témoins la réalité fait place à la vision et succède à la parole céleste. Comme face à l’aveugle, « Jésus … les toucha et leur dit : "Éveillez-vous et soyez sans crainte». Comme dans une guérison les disciples sont ramenés à la vie et à descendre de la montagne. Et la transfiguration n’existe pas sans ce rappel à une réalité concrète où il faut s’engager dans le monde sans tambour ni trompette autour de nos visions révélatrices. 

 

Aujourd’hui, qui nous prend et nous emmène sur la montagne ? Qui nous éveille à notre responsabilité de baptisé dans le Christ ? L’actualité de cet été nous interroge sur le devenir des églises fermées et la manifestation d’une trentaine de baptisés « radicaux » qui a fait annuler un concert pourtant agréé par le curé et l’équipe paroissiale. Ces églises souvent construites sur le haut du village ne devraient-elles accueillir que des « cultes » comme le proclame ces intégristes ? La montagne est ouverte à tous les curieux, comme à tous les vents. De même les églises ne peuvent qu’être ouvertes sur le monde, et le tabernacle et sa lumière si faible soit elle, largement visibles à tout entrant. N’est-ce pas vouloir se prendre pour Dieu que de refuser que toute voix ne puisse raisonner dans ces églises ? Y compris un chant de Johnny ! La maison de Dieu n’est pas de pierre, mais de chair comme la transfiguration nous le montre. Toute sacralisation d’un édifice pourrait nous conduire à l’idolâtrie. Profitons de cette période estivale pour entrer dans la joie dans nos églises ouvertes, que ce soit pour un temps de repos, de fraîcheur, de lecture, d’échanges, de découverte, autant que de prière.

Et il faut toujours se rappeler que, selon le mot de Christian Bobin : « On peut fort bien, par temps clair, entrevoir Dieu sur le visage du premier venu. »

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