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Prendre tout synode au sérieux

Jacques NEIRYNCK . 05 février 2022

L’étymologie du substantif synode renvoie au grec et se traduit par la « marche ensemble », formule omniprésente dans le débat qui ne peut susciter aucune objection dans sa symbolique, mais qui n’implique non plus rien de concret. Jusqu’à présent, un synode catholique est un organe consultatif permettant aux évêques de se rassembler afin de réfléchir. Ce n’est pas le lieu d’un dialogue entre clergé et laïcs. C’est une assemblée composée uniquement de clercs, hommes célibataires nommés par le Vatican. Elle n’a pas de pouvoir de décision. Ce n’est en rien une forme de parlement représentant l’ensemble des fidèles.

On parle aussi beaucoup de synodalité, terme qui mérite d’être précisé. La synodalité est présentée comme un processus afin de discerner la volonté de Dieu pour l’Église de ce temps, en impliquant la totalité des baptisés. Il existe même un synode sur la synodalité : le Conseil Ordinaire du Synode des Évêques a décidé de prolonger jusqu’au 15 août 2022 le délai pour la présentation à la Secrétairerie Générale du Synode des Évêques les synthèses des consultations de la part des Conférences épiscopales. Ensuite, l’épiscopat décidera seul de ce qu’il agrée dans ces propositions.

Cependant, dans certaines Eglises réformées, le terme synode a une tout autre signification. Puisqu’il n’y a pas d’évêque, chaque communauté élit une assemblée comportant, par exemple, autant de pasteurs que de laïcs. Celle-ci possède tous les pouvoirs, y compris celui de désigner en son sein un exécutif chargé d’appliquer les décisions qu’elle prend. En contraste avec les synodes catholiques actuels, cette institution réformée pratique le concept de démocratie. Tous les pouvoirs ne sont plus concentrés entre les mains d’une personne, évêque ou curé.

L’Ancien Régime politique ne pratiquait pas la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), qui s’est imposée dans le monde civilisé durant les deux derniers siècles. Ce système d’équilibre et de contrôle mutuels a démontré ses avantages. Or, pour accomplir sa mission spirituelle, l’Église catholique constitue aussi une institution humaine, qui doit prendre continuellement des décisions en matière de gestion de son personnel, de ses finances, de ses bâtiments, mais aussi dans l’expression de la foi, dans les formes de la liturgie, dans les règles de la morale.

L’expérience récente a dévoilé que la concentration de tous les pouvoirs dans le clergé – et particulièrement les évêques – n’était ni efficace, ni réaliste. Ce régime autoritaire a autorisé la dissimulation systémique des crimes pédophiles et des abus spirituels. Un évêque isolé, cerné par la pénurie de clergé, aura tendance à minimiser le crime d’un prêtre pédophile et à le maintenir en fonction, même au contact de jeunes. Un irréalisme analogue se manifesta au niveau le plus élevé lorsqu’en 1968, le pape Paul VI publia l’encyclique Humanae Vitae, à l’encontre de l’avis exprimé par la commission qu’il avait lui-même nommée. La règle de proscription de la contraception artificielle ordonnée dans l’encyclique resta lettre morte, car de fait inapplicable.

Dans le monde développé, la démocratie est devenue un réflexe : les gouvernements tiennent le plus grand compte des mouvements de l’opinion publique. L’Église catholique devrait respecter cette coutume dans une part importante de son fonctionnement. C’est une étrange illusion de s’imaginer que l’Esprit-Saint serait disponible pour pallier les erreurs de gestion d’une structure humaine.

Dès lors prendre au sérieux ce qu’est un synode implique deux conditions indispensables : il doit être élu et pas nommé ; il doit disposer d’un pouvoir réel de décision. Au niveau d’un diocèse, il assumerait ainsi le rôle d’un législatif tandis que l’évêque et le clergé remplirait celui d’exécutif des décisions prises. Si ces deux conditions ne sont pas réunies, la synodalité est une dérision : elle met en place des assemblées qui ne représentent que celui qui les a nommées et leurs débats resteront au niveau académique. Or, le plus important dans leur fonction serait d’aller rechercher ceux qui se sont éloignés de l’Église, d’écouter les raisons de leur distanciation, en les incitant à participer au processus d’élection.

En 1789, les États Généraux, réunis à l’initiative du roi, se sont constitués en Assemblée Nationale en mettant un terme à l’absolutisme. Ce fut le départ d’une période laborieuse. Le clergé de l’Église catholique est placé maintenant devant le même défi : abandonner le pouvoir monopolisé par le clergé et le remettre à tous les fidèles, prêtres, religieux et laïcs, hommes et femmes à égalité. Une telle mutation présente des risques qui doivent être courus, car ils sont moindres que celui d’en demeurer au statu quo.

Il s’agit donc d’une réforme majeure qui doit être entreprise sans hâte ni tergiversation. Si elle ne l’est pas, les maux systémiques de l’Église catholique persisteront. Si elle l’est, des questions subalternes, ne touchant ni le dogme, ni la morale, se résoudront spontanément. Une assemblée comportant autant de femmes que d’hommes, majoritairement des personnes mariées, acceptera naturellement la possibilité du mariage des prêtres, puisque les Églises catholiques de rite oriental l’appliquent. De même la question de l’ordination des femmes ne posera pas de difficulté majeure. De la sorte l’Église catholique occidentale se rapprochera en toute humilité des Églises orthodoxes, anglicanes et réformées.


Jacques Neirynck

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Crédit photo. assemblée © Peggy_Marco @ Pixabay- Domaine public
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