Cet article, dont Jacques Neirynck nous propose un large extrait, est paru le 20 septembre, dans le quotidien Le Temps, en réaction à la publication par un groupe de chercheurs de l'Université de Zurich qui avait collecté plus de mille accusations d'abus sexuel impliquant le clergé suisse.
La Suisse vient de découvrir l’équivalent du rapport Sauvé en France, une énumération des délits sexuels par des membres du clergé. Au même moment un article est paru dans le quotidien Le Temps dont voici une large extrait :
[…] Au point où nous en sommes, j’ai l’impression que notre Église se retrouve comme au temps de la Renaissance (XVe-XVIe siècles), avec la même nécessité de réformes radicales. Et voici que le pape François a lancé l’idée d’un synode, sur le thème « communion, participation et mission », après une vaste consultation des Églises et communautés chrétiennes à travers le monde. De ces remontées inédites de la base catholique, il ressort en effet un urgent besoin de profonds changements, à l’instar de ce qu’exigeaient les chrétiens au 16e siècle.
Les protagonistes de ce synode auront-ils la sagesse de réviser certaines doctrines concernant la gouvernance de l’Église ? Comme le souhaite le pape, va-t-on tordre le cou à un certain cléricalisme qui continue de provoquer des dégâts dans la gestion de nos communautés, par exemple dans les relations prêtres-laïcs ? Aura-t-on la fraternité suffisante pour assimiler l’apport des autres Églises chrétiennes dans la recherche d’une authentique unité qui respecte les légitimes diversités ? Osera-t-on intégrer pleinement les femmes dans les ministères d’Église, y compris ordonnés, malgré le poids d’une longue tradition fort contestable ? À l’instar de la tradition la plus ancienne, qui régit les Églises d’Orient – y compris catholiques –, aurons-nous le bon sens de remettre en question l’obligation universelle du célibat pour les prêtres de l’Église latine ? Il ne s’agit pas de soupçonner le célibat en soi, car il peut être un beau charisme au service du ministère d’un prêtre heureux. Il s’agit de permettre un libre choix qui devrait contribuer à assainir une certaine ambiance ecclésiastique devenue délétère. Dans ce contexte, ne doit-on pas revoir une certaine morale sexuelle à la lumière des découvertes reconnues des sciences humaines, mais sans disqualifier le témoignage si précieux des familles et des couples chrétiens en faveur de l’amour fidèle et durable dans une civilisation occidentale si fragile sur ces points ?
Personnellement, j’estime que le principal enjeu immédiat du synode réside dans la décentralisation de l’autorité à l’intérieur de notre Église. Il faut en finir avec le centralisme romain qui a si souvent confondu unité et uniformité. Nous devons rendre aux Églises régionales, sans mettre en danger la communion catholique, une juste autonomie de réflexion et de décision. Cette culture de la confiance et de la subsidiarité permettra de trouver, dans des contextes variés, des solutions plus adaptées pour résoudre les problèmes actuels, y compris ceux qui tournent autour des abus, qu’ils soient sexuels ou d’autorité…
Claude Ducarroz, prêtre du diocèse de Fribourg en Suisse