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Dimanche 10 avril 2022 – Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur – Lc 23, 1-49

Le préambule de la célébration se déroule hors de l’église et commémore l’accueil triomphal de Jésus à Jérusalem. L’évangile de l’office lui-même est celui de la Passion, lu à la fin de la Liturgie de la Parole. La succession des deux textes enseigne la versatilité des foules : Jésus est d’abord acclamé comme le Messie politique qui libèrera Israël de l’occupant romain puis dénoncé à celui-ci lorsqu’il refuse ce rôle. La vraie libération est spirituelle et non politique. La guerre que nous vivons en est l’illustration.

La Passion elle-même représente le nœud des évangiles. Tout y mène et tout en découle. Il faut donc l’entendre à juste titre. Selon une certaine interprétation traditionnelle, Jésus de Nazareth doit mourir pour expier la faute d’Adam. C’est la logique des religions de l’époque : la faute d’un seul empoisonne toute sa lignée, affectée d’un péché originel que les individus n’ont pas commis mais dont ils sont justement châtiés selon une logique de vendetta. Le Père exige une victime de choix, son propre Fils, pour apaiser sa colère : l’Incarnation n’avait pas pour mission d’élever mais de relever, de progresser mais d’expier, d’écrire mais d’effacer.

Autant cette interprétation fut évidente voici deux millénaires, autant elle n’est plus recevable de nos jours, dans des sociétés qui ont banni jusqu’à la possibilité juridique de la peine de mort. A fortiori lorsque celle-ci est infligée par une torture inhumaine et spectaculaire pour instiller la terreur dans la population. Une telle gestion barbare de la faute et de l’expiation dépeint un Dieu cruel, justicier implacable d’une humanité soumise à sa domination absolue. Or, la véritable marque du christianisme a remplacé cette conception : le pardon en est la griffe, sans limite, sans procès, sans vengeance.

La Passion doit être discernée d’abord pour ce qu’elle fut dans l’Histoire. La Crucifixion fut la honte du Droit romain, destinée à répandre la terreur dans les peuples dominés et les esclaves. Elle résume les violences des puissants à l’égard des opprimés. Elle est décrétée par un seul homme, Pilate, qui cumule tous les pouvoirs et qui n’a qu’un seul objectif, assurer la domination de Rome sur une province lointaine, fut-ce par le meurtre d’un innocent.

Jésus de Nazareth a assumé le destin des opprimés pour signifier que leur écrasement n’est pas le fin mot de l’Histoire, mais qu’il ouvre une perspective de libération ultime dans une autre dimension que nous pouvons à peine imaginer, celle de la Résurrection. Telle est la signification du Salut : ce n’est pas le rachat, l’acquittement, le relèvement d’une humanité abaissée mais sa montée dans un avenir apaisé.


Jacques Neirynck

Crédit photo
Rameaux © falco @ Pixabay - Domaine public
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