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« C'est le cœur qui sent Dieu, et non la raison. Voilà ce que c'est que la foi : Dieu sensible au cœur, non à la raison. » Pascal l’a bien exprimé : la foi est un sentiment, une intuition, une grâce, qui n’a pas besoin de se fonder sur un raisonnement, une formulation ou un enseignement pour fonder une vie. Ce don n’a pas être exprimé : le judaïsme s’abstenait de nommer le divin car c’eût été se l’approprier et le limiter. En lui attribuant quoi que ce soit de particulier, on dément l’inverse. De même, sa représentation par une image ou une sculpture est interdite par le Décalogue tout comme dans l’Islam, car elle ouvre le champ à la superstition et au paganisme.
En revanche, le dogme explicite une croyance, qui est un reflet de la foi selon les conceptions propre à une époque. Dans l’Église catholique romaine, les deux Credo en constituent des résumés datant des quatre premiers siècles. Le Symbole des Apôtres comporte l’article « est descendu aux enfers » (pas l’Enfer) qui renvoie à la conception de la survie dans l’Antiquité, une existence crépusculaire à laquelle étaient réduits tous les défunts et qui n’a plus de sens actuellement. Dans le Symbole de Nicée, l’article « engendré non pas créé, consubstantiel au Père » porte la trace des controverses théologiques du quatrième siècle, où les empereurs, Constantin et Théodose, annexèrent le christianisme en religion d’État pour sacraliser leur pouvoir politique chancelant. Selon cette conception militaire, il fallait comme ciment national un credo identique, rédigé par un concile aux ordres du pouvoir. Les hérétiques devaient être réprimés comme dissidents de l’État. Qui peut le comprendre aujourd’hui ?
Ces deux articles et bien d’autres sont énigmatiques pour un esprit contemporain, qui ne peut les réciter que du bout des lèvres avec autant de restrictions mentales. Il en est de même de dogmes les plus récents. « Au terme de sa vie terrestre, l'Immaculée Mère de Dieu, Marie toujours Vierge, a été prise corps et âme dans la gloire céleste. » C'est en ces termes que le pape Pie XII définissait en 1950 le dogme de l'Assomption de la Vierge. En 1870 fut proclamé le dogme de l’infaillibilité pontificale. Tous les deux suscitent maintenant plus de questions qu’ils n’en résolvent.
Les dogmes n’informent pas la pratique essentielle de la foi, qui doit se traduire par des actes : « Il en est ainsi de la foi : si elle n'a pas les œuvres, elle est morte en elle-même. » (Jacques 2,17). Jadis un chrétien se devait d’adhérer aux dogmes pour se fondre dans l’unité de l’Église. Aujourd’hui ils deviennent pierres d’achoppement, car ces textes datant de l’Antiquité ne formulent pas la foi de ce siècle, qui devrait s’intégrer dans une vision de l’Univers bien changée. 

Faut-il pour croire, pour se dire chrétien, adhérer sans réserve à un texte ? Ou bien suffit-il de réciter machinalement un Credo qui soulève des interrogations à chaque article ? Est-ce un rite formel ou bien l’expression d’une conviction profonde ? Il existe maintenant d’autres versions du Credo, les unes constituant de simples variantes, d’autres exprimant le message de Jésus plutôt que le récit en termes mythologiques de son existence. Dans les deux versions catholiques, Jésus naît et meurt sans rien exprimer entretemps. 

Le lectionnaire sur le site de la CCBF propose diverses versions de Credo contemporains, dont voici un échantillon : 
« Avec nos limites, nos différences, et au-delà de nos doutes,
Nous croyons en Dieu, source de vie,
Nous croyons qu'Il nous aime mieux et plus qu'un père et qu'une mère,
Nous croyons que le véritable visage de son amour est Jésus, tel que les évangiles nous rapportent sa vie et sa mort,
Nous croyons que l'événement de la mort et de la résurrection de Jésus ouvre une espérance infinie dans l'histoire des hommes,
Nous avons reçu le témoignage de la Foi, de personnes vivantes qui l'avaient elles-mêmes reçu d'autres vivants, et nous voulons aujourd'hui le transmettre à nos enfants.
Dans cette lignée nous voulons être une Église ouverte à tous les hommes, plurielle et solidaire.
Nous croyons en l'Esprit de Dieu, force d'amour en nous pour la vie du monde. »

Pour demeurer crédible, pour ne pas susciter le rejet, la foi authentique doit s’exprimer dans le langage de l’époque. Feindre des croyances mine la foi. Ne serait-ce pas la raison la plus profonde de la déchristianisation des peuples les peuples les plus riches ? 

Or ceux-ci pratiquent aussi une solidarité concrète, par une législation qui prévoit le soutien national des plus fragiles et l’aide internationale au développement. Ces politiques généreuses, d’inspiration authentiquement chrétienne, sont combattues par le populisme, qui se réfère souvent à une religion réduite aux croyances les plus incertaines, fondées sur le rejet de l’autre.

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Si la foi est accueil de la vérité révélée par Dieu Un et Trine, la croyance est au contraire une expérience religieuse encore à la recherche de la vérité absolue et donc privée de l'assentiment à Dieu qui se révèle.
La première des trois vertus théologales, qui fait que le croyant adhère aux vérités révélées de Dieu et transmises par son Église.


Raymond Aron (Paris 1905-Paris 1983)
Je ne sais si je crois en Dieu. Mais, tout au moins suis-je sûr, grâce à l'histoire qui me recueille, de croire en ceux qui de tout temps et partout ont cru en Lui.
Ce que je crois, Grasset
Raymond Aron (Paris 1905-Paris 1983)
Toute foi nouvelle commence par une hérésie.
Ce que je crois, Grasset
saint Augustin (Tagaste, aujourd'hui Souq Ahras, 354-Hippone 430)
Crois et tu comprendras ; la foi précède, l'intelligence suit.
Sermons, 118, 1
Si non potes intelligere, crede ut intelligas. Praecedit fides, sequi

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