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Dimanche 19 décembre 2021 – 4e dimanche de l’Avent – Lc 1, 39-45

Parmi tous les passages des Évangiles, il y en a peu qui soient aussi captivants, au point d’avoir inspiré une foule de tableaux, dont le plus célèbre est celui de Léonard de Vinci. Alors que Marc développe une annonce à Joseph et que les deux autres évangélistes n’en parlent pas, Luc est le seul à rédiger cette annonce à Marie. De la sorte le plus lettré des quatre évangélistes suit la tradition antique des biographes d’hommes célèbres, qui sont tenus d’inventer un récit de l’enfance pour y déceler l’annonce de la vie adulte. Comme il rédige dans les années 80, il est impossible qu’il ait pu tenir cette information de Marie elle-même. Dès lors, il ne faut pas s’arrêter à l’image ou même à la lettre du texte. Luc et Matthieu ont recueilli une tradition orale exprimée selon les conceptions de l’époque. Le texte de Luc doit être lu et médité pour ce que son auteur a voulu signifier, en rédigeant un conte merveilleux et édifiant. Jésus de Nazareth, vraiment homme, est né d’un couple humain comme nous tous.

L’Annonciation ouvre l’ample récit de l’Incarnation qui se fermera sur la Résurrection. L’une et l’autre sont des mystères dont nous ne pourrons jamais percevoir pleinement la nature et le sens. Que s’est-il réellement passé ? Pourquoi ce récit d’une naissance singulière ? Personne n’en sait rien, au point que les hypothèses les plus extrêmes ont germé, y compris celle d’une naissance illégitime hors mariage, qui aurait fait de Jésus de Nazareth un paria et qui expliquerait ultérieurement son attention privilégiée à tous ceux rejetés par la société. À l’époque déjà circulaient des ragots. Dans l’évangile de Jean (8.41), ses adversaires disent : « Nous ne sommes pas, nous, nés de la prostitution ! »

Nous vivons à une époque où la Science exclut la matérialité d’une naissance virginale. Il est vain d’entrer dans la controverse à ce sujet, car Luc n’utilise les images de son temps que pour affirmer la fidélité de Dieu aux promesses du Premier testament. La transcendance s’incarne pour signifier que l’homme est le fruit d’un projet divin et que le temps est advenu d’accéder pleinement à ce destin. L’humanité représentée par Marie s’ouvre à ce dessein, sans réserve, portée par un souffle venu d’ailleurs. Ce message de l’ange est l’antidote de celui que le serpent fait à Ève dans la Genèse, mais le premier est promesse de vie alors que le second l’était de mort. Le premier est l’expression de la foi et le second de la crédulité. Marie corrige Ève.

Ce passage de l’évangile constitue le prologue de l’aventure chrétienne avec sa grandeur et sa faiblesse. Représentante de l’humanité, Marie adhère à ce projet alors qu’elle ne jouit ni d’une formation théologique, ni d’un statut particulier dans la société : elle doit faire confiance aveuglément. Une petite paysanne, à peine sortie de l’adolescence, portée par la foi d’Israël a accepté le risque d’une aventure qui sera exaltante mais aussi douloureuse. En ce dimanche, nous sommes tous invités à la rejoindre dans son acquiescement confiant à ce qui nous dépasse tous et que nous comprendrons de plus en plus. En particulier, que la Révélation a d’abord été transmise à une femme de même que la découverte de la Résurrection.


Jacques Neirynck

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