Dimanche 13 février 2022 – 6e semaine du Temps – Luc 6, 17.20-26
Il y a de multiples façons de recevoir les paroles de Jésus tout au long des évangiles.
Pendant longtemps j’ai entendu ce discours souvent intitulé « les béatitudes » en Luc 6 comme une malédiction. « Noir, c’est noir : il n’y a plus d’espoir ! ». Cette mélodie résonnait et m’accablait. J’avais l’impression de cocher toutes les cases qui démarraient par « malheur pour vous » : sans problème d’argent et donc riche, ne manquant pas de relations, plutôt appréciée et heureuse. J’éprouvais une culpabilité mêlée de tristesse, celle de l’homme riche qui demande à Jésus comment obtenir la vie éternelle et repart car il ne peut se défaire de ses richesses terrestres pour suivre le Christ.
Cette façon binaire de présenter l’accès ou non au royaume, en alternant les « Heureux vous… », « Malheur pour vous… » me renvoyait aussi aux tableaux du jugement dernier : d’un côté les bénis, portés par les anges vers les cieux lumineux et de l’autre celui des maudits qui basculent en enfer dans de terribles souffrances. Il y aurait donc les bons et les mauvais ?
Mais cette lecture ne s’accordait pas avec la figure de Jésus qui vient relever, rendre libre tout homme de ce qui l’entrave. Alors oui la richesse, l’abondance, la réussite peut enfermer sur son propre bonheur et rendre aveugle à toute détresse .Ce n’était donc pas une malédiction divine mais une mise en garde salutaire !
Et puis ces « Heureux êtes-vous » n’étaient pas un saupoudrage de consolation pour l’au-delà mais plutôt l’affirmation inconditionnelle de l’amour de Dieu pour les plus souffrants dès maintenant, une justice divine inversée par rapport à celle des hommes. Pas des paroles en l’air, nous le savons, puisque Jésus va emprunter ce chemin de souffrance, solidaire dans sa chair sur la croix de toute l’humanité blessée, mais une parole forte qui permet de se tenir debout, d’avancer malgré l’adversité.
La traduction de André Chouraqui en ce sens est plus parlante : « En marche les humiliés, affamés, pleureurs... votre salaire est grand au ciel… Jubilez, dansez ! »
Avril 2015 – Un prêtre en équateur lors de la veillée de Pâques s’adresse à une foule de métisses, les parias de ce pays : « La résurrection, c’est la libération ! Elle est pour vous, relevez la tête ! » Timidement quelques têtes se redressent. À la fin de la messe, le chef de village prend la parole : « Je vous attends tous, demain à 7h pour cultiver le champ communautaire. »
Seigneur, que ta parole se fasse pour nous tous efficace comme elle l’a été ce jour-là pour tous ces bénis de la Cordillère des Andes.