Dimanche 13 mars 2022 – 2e dimanche de carême – Gn 15,5-12.17-18 ; Lc 9, 28b-36
C’est la crise ! Dans les versets qui précèdent le passage de l’évangile de Luc qui nous occupe aujourd’hui, Jésus commence à préparer ses disciples à ce qui l’attend : « Il faut que le Fils de l’Homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit mis à mort et que, le troisième jour, il ressuscite. » Après la belle profession de foi de Pierre « tu es le Christ de Dieu », dans laquelle on entend l’écho de l’ardente espérance du peuple juif, quelle déception ! Et un peu plus loin : « qui veut sauver sa vie la perdra ; mais qui perd sa vie à cause de moi, la sauvera. » On imagine que les disciples sont perturbés. Jésus annonce qu’il sera défiguré par l’incompréhension et la violence humaine.
Nous sommes aussi dans la tourmente : après la pandémie de Covid, la guerre en Ukraine fait peser sur l’Europe et le monde la menace de souffrances, de tragédies individuelles et collectives, de mort, et sa cohorte de malheurs.
Il est écrit que Jésus emmène trois de ses disciples, Pierre, Jacques et Jean, dans la montagne, pour prier. Que s’est-il passé réellement, cela reste un mystère. Le récit met en relief une expérience indicible, un moment fugitif, effrayant, déterminant pour ces trois disciples. Pendant qu’il prie, Jésus devient « autre » à leurs yeux, transfiguré, resplendissant, il s’entretient avec deux importants prophètes, Élie et Moïse, une nuée les couvre, une voix se fait entendre : « Celui-ci est mon fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le. » Un moment d’éternité. À l’instant où Pierre voudrait retenir ce moment en construisant des tentes pour Élie, Moïse et Jésus, il n’y a plus que Jésus seul.
Ils ont vécu une expérience fondatrice, une vision brève mais fulgurante qui va nourrir leur espérance, leur force de vivre, malgré les épreuves, apportant la preuve que ce n’était pas un mirage, un éblouissement passager mais une véritable rencontre.
C’est maintenant le temps de redescendre de la montagne, comme les disciples, de rejoindre le quotidien et de vivre de cette conviction nouvelle gravée dans le cœur. Le temps du chemin de conversion s’ouvre.
Il nous est probablement arrivé, à chacun.e d’entre nous, de vivre des moments qui ont fait basculer nos vies, si clairs, si forts, d’une si grande évidence de l’amour, ou de la présence de Dieu que le temps, le doute, les épreuves n’en effacent pas la trace, 10 ans, 20 ans, 50 ans… plus tard.
La conversion n’est pas l’œuvre d’un instant, si beau, si fort soit-il. Elle est à vivre dans la durée, le carême est là pour nous le rappeler. Écoutons davantage ce que le Christ nous dit.
Christine Tasset