Dimanche 1er mai 2022 – 3e dimanche de Pâques – Jn 21, 1-19
L’évangile de Jean se termine par cette 3e apparition de Jésus ressuscité. Nous nous retrouvons « en ce temps-là » au bord du lac de Tibériade, en ce même lieu fondateur en Luc, celui de l’appel des disciples. Leur pêche infructueuse devient miraculeusement d’une abondance inespérée sur l’indication de Jésus ; alors une relation de confiance s’installe entre Jésus et ses futurs disciples. Ici un simple « suis moi » est adressé à Pierre, chez Luc « laissant tout, ils le suivirent ».
Jean situe cette pêche miraculeuse après la résurrection. Le discours est plus intimiste, aucune foule ne suit Jésus pour obtenir des guérisons. Il y a aussi plus de distance entre Jésus et ses disciples qui mettent du temps à reconnaître ce Jésus ressuscité. Il y faut des signes, des échanges personnels, et le souvenir d’un vécu partagé pour accéder à une reconnaissance, à une vision du ressuscité. Jésus est à la fois même et autre.
Pas de regard tourné vers le ciel ou de visage prosterné vers le sol, mais une attente où l’on voit les disciples, encore désemparés, retourner au boulot, reprendre les gestes qu’ils savent faire, peut-être pour éviter de gamberger sur leur infortune. Tout passe d’abord par une humanité simple, une relation, une écoute, une confiance à l’Autre. L’acceptation de jeter les filets de l’autre côté, d’aller ailleurs, de faire autrement est un signe de conversion. Et dans cette reconnaissance du ressuscité, il y a ce rôle essentiel du partage, non pas des idées, mais du pain, du poisson, du repas pris en commun, qui fait communion avec l’Autre.
À noter également que c’est Jean qui suggère à Pierre : « C’est le Seigneur. » De même que les apôtres sont informés et interrogés par les femmes sur le tombeau vide. Il n’y a pas de découverte individuelle du ressuscité. Et comme me l’a dit une de mes petites filles à propos de cet évangile : « Tout le monde sait que cet homme sur la rive est Jésus mais personne n’ose le questionner. » Est-ce par peur d’avoir « faux » ? Ou les signes, le partage du poisson et du pain, et le témoignage de l’un à l’autre suffisent -ils ?
Donc tout est chair chez le ressuscité qui, en Jean, invite : « venez manger ». La résurrection n’enlève pas la faim, elle la transforme en besoin de partage et de fraternité. Elle n’est pas extérieure à nous. Elle se rend visible par notre être tout entier en relation à l’Autre. C’est en vivant de tout cela que nous pouvons voir en Jésus Christ le ressuscité survivant de l’humiliation, de la haine, de la violence, et de la mort.
Aujourd’hui la guerre en Ukraine est proche, avec ses souffrances, ses violences, et ses morts, et chez nous, ses réfugiés témoins de ces atrocités. Rappelez-vous, rappelons-nous le film « joyeux noël », le récit d’un Noël de 1914, dans les tranchées. Je cite : « les troupes alliées, qui avaient été inondées de propagande décrivant les Allemands comme des barbares, ont commencé à se joindre au chant qui a conduit les deux parties à tendre la main pour communiquer. » « Le visage de l’ennemi prit la forme de celui d’un homme, peu différent de celui du camarade qu’il soit français, anglais ou allemand. »
Alors huit jours après la Pâque orthodoxe, si soldat russes et ukrainiens, laissant leurs armes, sortant des chars et des bunkers, se tendaient la main, partageaient un repas, une cigarette ! N’aurions-nous pas une lumière de résurrection ? Fugace peut-être mais témoin de la possibilité d’une conversion de l’humaine condition à « la vie en vrai », possible à chaque fois que chacun considère l’autre comme aussi sacré que lui-même, au lieu de sacraliser un territoire, un édifice, une idéologie. Conversion vers la vie à laquelle nous sommes éternellement appelés !