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Il est urgent, en ce nouveau millénaire, d’élaborer une authentique mythologie en prise avec la planète mondialisée.

Autour d'un phénomène ordinaire, le mythe rassemble des croyances qui lui inoculent une force singulière ; l’ensemble des mythes fondent une mythologie, qui suggère une ou plusieurs répliques aux questions métaphysiques pérennes du type « pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ? », « d’où viens-je et où vais-je ? », qui sont par nature sans réponses vérifiables. On ne peut donc les évoquer que dans le cadre d’un récit imaginé.

Les figures de l’Ancien Testament, Adam ou Noé, sont de telles figures mythologiques, au même sens qu’Ulysse ou Œdipe. Une foisonnante mythologie mariale a élaboré la figure de Marie, mère de Jésus, dont on ne sait pratiquement rien. Ces personnages bibliques font partie de la création littéraire et devraient être présentées comme telles, alors que trop d’homélies y renvoient à contresens, comme si elles étaient historiques.

Le genre littéraire mythologique constitue un moyen de faire percevoir du spirituel dans un récit matériel, de l’invisible sous le visible, du sens sous le chaos. Cette tentative est d’autant plus efficace qu’elle reproduit la réalité quotidienne sans en décoller tout à fait. Mais quand cette réalité change, le mythe est fragilisé.

Ainsi il ne reste plus rien de la mythologie romaine parce que la société a complètement muté au début de l’empire : ce qui était conçu par et pour une société agricole ne pouvait plus rien évoquer pour une mentalité urbaine ; la conversion au christianisme des premiers siècles se déroula dans les villes de l’époque et les campagnes demeurèrent étymologiquement païennes (de paganus campagnard). Dès le premier siècle la mythologie de l’Olympe n’était plus crédible au bénéfice de celle du christianisme. Voici quatre siècles, Jupiter pouvait encore inspirer des opéras baroques ; dès le XIXe il devint objet de dérision dans des opérettes.

Est-ce que la mythologie d’inspiration chrétienne est encore instrumentale pour le millénaire qui vient ? On n’évoque jamais cette question mais on ne peut douter de la réponse. L’incapacité actuelle d’élaborer une authentique mythologie en prise avec la planète mondialisée pèse dans la déréliction des Églises chrétiennes, prisonnières d’une mythologie dépassée.

C’est sans doute son mythe central qui est le plus mal ressenti : le Fils de Dieu sacrifié pour apaiser la colère du Père, irrité par le péché originel, un autre mythe fondateur devenu totalement incompréhensible. Dans un État de Droit contemporain, il n’existe ni vendetta séculaire, ni culpabilité collective, ni réparation par substitution. René Girard a définitivement démystifié le rite sacrificiel. La messe n’est plus compréhensible selon cette conception.

Or, les éléments d’une mythologie contemporaine sont disponibles : le Big Bang pour la création de l’Univers, l’évolution pour celle de la vie et de l’homme, le Progrès pour l’Histoire. Il existe aussi une foule de mythes subalternes qui déclinent ces grands thèmes dans le concret : le régime démocratique serait l’aboutissement de l’Histoire et seul à garantir la prospérité et la paix, sauf que la Chine constitue une fâcheuse dérogation à ce mythe ; le catastrophisme climatique est le mythe fondateur du mouvement écologiste qui commence à patiner. En revanche le mythe de la Nature bienveillante reste vivace face aux OGM : c’est la survivance du mythe antique de la Déesse Terre, dite à nouveau Gaïa.

Le défi de la transition climatique indique de quelle mythologie nous avons besoin dans l’urgence. Dès 2015, Laudato si en a constitué l’amorce. Face au mythe catastrophiste, il faut bâtir le mythe d’un nouvel Âge d’Or, d’une planète apaisée et durable.

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