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Curé de campagne

Reportage

Il est 6h 45, ce jeudi d’avril . La lumière du presbytère vient de s’éteindre. Casquette vissée sur la tête, veste beige ornée d’une petite croix, bréviaire entre les mains, l’abbé Yves Poilvet défie la fraîcheur matinale et se rend à la basilique de Quintin, petite paroisse au sud-ouest de Saint-Brieuc. «Chacune de mes journées commence par la méditation de l’Évangile devant le Saint Sacrement », confie-t-il .

Une heure après «ce cœur à cœur avec Dieu», l’abbé est de retour chez lui pour le petit-déjeuner. Pain grillé, beurre, confiture, café au lait… il parcourt rapidement le journal. Incontournable. «Si on veut être proche des gens, il faut être au courant de ce qui se passe dans le pays… »

«Une nouvelle Église»

 

Voilà douze ans que ce prêtre de 74 ans est curé de Quintin. Le secteur géographique dont il a la charge est immense : trois paroisses, quinze clochers, 19 000 habitants. Et les journées sont particulièrement démentielles. «Quand on aime, rien ne coûte…», tempère-t-il .

Comme tous les jeudis, l’abbé Poilvet se rend à Plœuc-L’Hermitage. Le jour du marché, quelques paroissiens pousseront sûrement la porte de sa permanence. Tous les ans, il parcourt 20 000 kilomètres au volant de sa Clio blanche. Même s’il ne compte pas son temps et ses déplacements, l’abbé Poilvet ne possède pas de dons d’ubiquité : autour de lui, des équipes de laïques assurent le maintien d’une vie paroissiale.

Une organisation qu’Yves Poilvet ne veut pas voir comme un pis-aller. «Le but n’est pas de faire comme avant, quand il y avait un prêtre par paroisse, mais différemment. Soit on pleure sur le passé, soit on essaie de faire face. il faut inventer une nouvelle Église qui ne peut plus être centrée sur le clergé. »

Le curé de Quintin n’a pas la langue de bois et fustige l’égoïsme d’une partie de ses ouailles qui n’ont toujours pas compris l’évolution de ces dernières années. «On n’est pas des prestataires de services, martèle-t-il . Si on en écoutait certains, il faudrait être là chaque fois qu’ils ont besoin de nous. Ce n’est plus possible. Aujourd’hui, le prêtre doit faire des choix. »

Au fil des ans, de plus en plus de laïcs se sont engagés. une vraie fourmilière au service de Dieu. «Quand l’Église vous demande un petit coup de main, on y laisse le bras, sourit Pierre-Michel Connen, membre de l’équipe d’animation paroissiale de Plœuc-L’Hermitage. Mais on le fait volontairement. » L’abbé Poilvet renchérit : «Les laïcs ne sont pas les boys du curé. Mais des chrétiens immergés dans leur paroisse. De les voir se démener comme cela , ça me booste. Je ne peux pas rester sur ma chaise sans rien faire. »

«sans complexe »

18 h30. Les cloches de la basilique annoncent la messe du soir à toute volée. «Même s’il n ’y aura pas grand monde, c’est important, sourit l’abbé. C’est la marque d’une Église visible, sans complexe. C’est montrer que des chrétiens se réunissent. Qu’ils existent. » 19 h. Itemissa est .

L ’abbé Yves Poilvet ferme la basilique. Sa journée marathon n’est pas terminée pour autant. Une réunion de préparation au mariage l’emmènera allègrement vers les 22h30. Éprouve-t-il de la fatigue ? «Parfois, j ’ai quand même 74 ans. » Du découragement ? un sourire traverse son visage : «la plus petite des étincelles est plus puissante que les ténèbres les plus profondes. »

Joël BIGORGNE.

Cet article a été publié dans le journal Ouest-france le 21/05/2018.

Auteur

Joël BIGORGNE.