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Louis Michel Régnier

Les chiffres sont implacables. La France compte moins de 12 000 prêtres diocésains, dont la moitié âgés de plus de 75 ans. En 2024, moins de 4 300 seront en activité. La pénurie est encore plus marquée en milieu rural.

Aujourd’hui, des paroisses peuvent compter jusqu’à 90 clochers. Leurs territoires s’étendent, jusqu’à rendre très difficiles les déplacements des fidèles et des rares curés.

Pourtant, la messe dominicale, au cours de laquelle les catholiques commémorent le sacrifice du corps et du sang de Jésus, demeure un acte essentiel de la foi chrétienne. « Mais aujourd’hui, particulièrement en campagne, les communautés chrétiennes de village ne peuvent plus célébrer l’eucharistie chaque dimanche », reconnaît le père Louis-Michel Renier, doyen honoraire de la faculté de théologie de l’université catholique d’Angers.

Dans ces conditions, « pourquoi les fidèles ne se réuniraient-ils pas pour célébrer la Parole, chaque dimanche, dans un lieu de proximité ? », interroge le prêtre.

Il rappelle que le Concile Vatican II, en 1963, « a étendu les modes de présence du Christ ». S’il est présent dans le sacrifice de la messe et dans les sacrements, il l’est aussi, précise la Constitution sur la Sainte liturgie, « dans sa Parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on lit les Saintes Écritures ». Présent encore, quand les fidèles sont rassemblés. N’est il pas écrit dans l’Évangile : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ? »

Mais l’épiscopat français affiche une grande prudence sur ces célébrations sans prêtre. Dans les années 1990, l’expérience des Adap (Assemblées dominicales en l’absence de prêtres) a été abandonnée à la demande de Rome.

« À partir de ce moment-là, on a lentement perdu la proximité avec les fidèles. On est passé au « tout eucharistique » ou rien », regrette le théologien François Wernert. Célébrer la parole dimanche dévaloriserait- il l’eucharistie ? « Cet argument ne tient pas », estime Louis-Michel Renier. Ces « célébrations dominicales de la Parole » maintiendraient un lien vivant entre les membres de la communauté, y compris avec ceux qui peinent à se déplacer. « Il est urgent que les gens se retrouvent pour partager leur foi. »

 

Est-il trop tard ?

 

Ces rencontres suivraient le déroulé de toute célébration : accueil, textes de la Bible, action de grâce, envoi. Elles doivent pouvoir s’articuler à l’eucharistie, célébrée au lieu central de la paroisse. Cela nécessite de former des laïcs pour en assurer la présidence. Les Équipes d’animation pastorale (EAP), composées de cinq à six personnes, pourraient tenir ce rôle, en s’inspirant du modèle des laïcs qui assurent les funérailles.

La CCBF (Conférence catholique des baptisé-e-s francophones), les CMR (Chrétiens en monde rural) et les Fiches dominicales soutiennent ce projet. Alors que l’on va dans le mur, l’Église aurait-elle du mal à changer de modèle ? Certains diocèses, comme celui de Périgueux (cf. L'Eglise ne se réduit pas à un clocher), réfléchissent activement à la place des laïcs.

N’a-t-on pas trop tardé ? « Il n’est jamais trop tard quand on est habité par l’espérance, répond le père Renier, mais je crains que ce soit quand même un peu le cas. »

F. V

Propos recueillis par François VERCELLETTO, publié dans le journal Ouest France, le 21/05/2018

Auteur

François VERCELLETTO