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La première communauté johannique.

Chère Roselyne, notre groupe de l'Haÿ les Roses s'est interrogé sur la nature de la première communauté johannique, et ses relations avec les autres premières communautés chrétiennes. C'est Jean Zumstein qui nous tend la perche pour cette question dans ses pages 21 et 22, sous le titre "Les exclus de la synagogue". Nous nous situons après la destruction du Temple en 70, avec les grands massacres perpétrés par les romains contre les juifs après leur soulèvement. Zumstein évoque cette première communauté johannique comme composée de "chrétiens d'extraction juive" qui sont exclus des synagogues par les pharisiens qui possèdent le nouveau pouvoir religieux. Cela nous questionne car nous avons vu l'an passé avec St Paul que cette question de l'accès des païens à la foi avait été épineuse plus de 20 ans plus tôt et avait été tranchée à Jérusalem vers l'an 48. Ce qui dit Zumstein laisse penser que ce sont les chrétiens de Jérusalem qui avaient quand même gardé les observances juives forment la première communauté johannique. Or ces chrétiens de Jérusalem qui avaient quand même gardé les observances juives formaient une communauté autour de Jacques. Y a-t-il eu un passage de l'un à l'autre, de Jacques vers Jean? Et quid des communautés pauliniennes à cette même époque ? Quelle influence ont les lettres de Paul sur la communauté johannique à cette époque ? Quels liens pouvaient avoir toutes ces communautés ? Peut-être pas beaucoup du fait des très grandes distances, et aussi du fait de possibles restrictions de circulation par les romains dans le contexte post-insurrectionnel. Merci pour ton éclairage.

Créé par : Bourguignon Michel

Date de création :

Commentaires

Posté par Roselyne

jeu 23/10/2025 - 09:42

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Merci de cette excellentissime question, à laquelle je ne suis pas sûre que l'on sache répondre précisément aujourd'hui !
J'essaie de commencer (prudemment) par le commencement. Autour de 52, à Jérusalem, Paul obtient la reconnaissance de Jacques et de Pierre pour un baptême des païens sans circoncision préalable. Lui, il l'avait déjà largement fait, mais pour les autres, la pilule était dure à avaler, surtout pour les chrétiens de Jérusalem autour de Jacques et un peu plus. L'incident d'Antioche montre que Pierre naviguait à vue (Ga 2,11). En tout cas, vers la Grèce et la partie occidentale de l'Empire, les païens devinrent majoritaires dans les Eglises chrétiennes bien avant la fin du siècle. En 58/59 Paul supplie les chrétiens de Rome issus des deux côtés de "s'accueillir mutuellement" (Rm 15, 7) et se bat plus contre un antijudaïsme romain que contre la suffisance des juifs !
Mais c'est la partie occidentale de l'Empire. A l'ouest, notamment en Syrie (Matthieu, les communautés johanniques), les juifs sont beaucoup plus nombreux, en tout cas plutôt majoritaires dans les groupes chrétiens. La reconfiguration du judaïsme après 70 comme judaïsme rabbinique centré sur la Torah en hébreu, et excluant tous les déviants (et pas seulement les chrétiens) rend la situation difficile. Et cela durcit énormément le conflit des chrétiens (surtout venus du judaïsme) avec la synagogue. C'est le cas des communautés de Matthieu et de celles de Jean qui, l'un et l'autre et eux seuls, emploient le mot aposunagôgos, exclu de la synagogue.
Cette situation de conflit n'empêche pas qu'à la base chrétiens et juifs vont jusqu'au milieu du 2ème siècle partager la vie quotidienne, et souvent fêter ensemble le sabbat puis le dimanche. Ce sont, hélas, souvent les intellectuels qui durcissent les traits et donnent des belles raisons à la haine (Mt 23 ! hélas). Mais à certains endroits, surtout si les pouvoirs romains s'en mêlent, et selon les conditions locales, la délation se met à faire des ravages, et on entre dans ce que les évangélistes décrivent comme une persécution.

La grosse question est celle des relations entre ces différents groupes. Ceux de Matthieu, ceux de Jean, et en Asie mineure où les Eglises de Jean vont aller s'installer plus tard, ceux des successeurs de Paul (Colosse, Ephèse). On ne sait pas : des groupes fermés sur eux-mêmes, autour de leur apôtre éponyme ? Il est clair que les groupes de Jean ont été très identitaires et fermés sur eux-mêmes, et que le chapitre 21 témoigne du moment tardif (90 - 100), où, minés par les querelles internes (les 3 lettres en témoignent), ils vont se rallier à la "grande Eglise", qui commence à se mettre en réseau en se réclamant de Pierre. 
Mais tout cela se fait très lentement, les distances sont immenses, les apôtres itinérants vont dans les communautés qu'ils connaissent (école de Paul, école de Jean, école de Matthieu) ; des lettres commencent à s'échanger (plutôt au début du 2ème s., voir 2 Pierre 3, 15-16 qui s'élève contre une lecture sauvage de Paul). Il faut attendre le milieu et au-delà du 2ème s. pour qu'apparaissent des échanges épistolaires entre épiscopes/évêques (responsables d'Eglises). La correspondance d'Ignace d'Antioche vers 115/117 est très avant-gardiste. C'est au début du 3ème s. que de plus gros blocs d'Eglises se constitueront avec des rencontres (synodes !) d'évêques locaux sous la houlette du plus "gros" d'entre eux ! Rappelez vous L'invention du christianisme. 
Il ne faut pas rêver d'une Eglise sortie toute constituée de la tête de.... Jésus ? Pierre ? Paul ? Pendant très longtemps, on a plutôt une pluralité de petites Eglises partout dans l'Empire, qui se multiplient par la base, avant de commencer à s'unir. La merveille, c'est qu'elles ont toutes le même Seigneur (voir déjà 1 Co 1, 2 : "avec tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom du Seigneur, le leur et le nôtre" °.

Ceci dit, et pour vous consoler, il y a des parentés frappantes entre certains textes des successeurs de Paul (Colossiens, Ephésiens) et l'évangile selon Jean (haute christologie, préexistence)... Certains ont parlé d'un "creuset éphésien" ! La preuve reste à faire.

Posté par Bertrand Puel (visiteur)

mer 29/10/2025 - 12:10

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La question des premières communautés chrétiennes est passionnantes car ces communautés ont pour base, la mémoire de Jésus Christ, la et les personnalité(s) avec lesquelles elles ont cheminé, ainsi que leur environnement politico-culturel et cela nous conduit à et aux Églises d'aujourd'hui qui ont en commun le premier et le second Testament. Merci pour cette question du groupe d'Haÿ les roses et la réponse de Roselyne qui montre que les exégètes et le historiens ont encore beaucoup de choses à découvrir.
Il me semble que dans le deuxième Testament il y a une place particulière pour les Évangiles qui annoncent la Bonne nouvelle de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus Christ, tout est centré sur des témoignages (de premier ou de deuxième rang) sur Jésus et que à partir de Paul on entre dans la phase de la compréhension sur Jésus, avec la lumière de l'Esprit avec des réflexions mobilisant l'intelligence et la sensibilité de leurs auteurs, les dons de l'Esprit.
C'est la raison pour laquelle j'attache aux Évangiles et particulièrement à celui de Jean qui est à la fois le plus spirituel et donnant le plus de témoignages historiques une valeur particulière.

Posté par Roselyne

ven 31/10/2025 - 19:14

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Monsieur, 

Je trouve étrange le ton de votre discours : vous agressez de fait (même si vous vous en défendez) des gens dont vous décidez d'avance qu'ils sont les stricts et raides défenseurs d'une orthodoxie dogmatique et d'une organisation ecclésiale que vous représentez comme un bloc sans nuance traversant les siècles depuis près de 2000 ans, et rejetant ou ignorant systématiquement tout ce qui dévierait d'une ligne (que d'ailleurs vous ne définissez pas).
 Pour ma part, je ne demande jamais aux personnes qui s'inscrivent sur ce forum un certificat de baptême, d'appartenance à telle ou telle confession chrétienne, à telle ou telle religion ou une attestation d'athéisme. Je me situe dans la tradition chrétienne la plus large possible, celle qui reçoit de trois millénaires des Ecritures juives, puis chrétiennes, que toutes les lectures et exégèses de la terre n'ont pas suffi à épuiser ! Qui ont pu être utilisées pour le pire parfois, mais dont il m'apparaît qu'elles ont été aussi des phares pour des vies entières de chrétiens d'une haute spiritualité et d'une haute exigence humaine et morale, et elles le restent pour tout un peuple de simples croyants dont je fais partie. 
Et je crois que ce trésor doit être lu, labouré, travaillé, médité et remâché avec toutes les personnes de bonne volonté qui le souhaitent pour étayer leurs choix de vie, éclairer peut-être leurs joies et leurs peines, et les aider à réparer de leur mieux le pan de monde et d'histoire qu'elles traversent. 
Je professe avec Grégoire le Grand que l'Ecriture grandit avec ses lecteurs. Et je ne distingue pas dans ses lecteurs ceux qui émargent à telle ou telle Eglise, à tel ou tel courant spirituel ou philosophique, et ceux qui voyagent en électrons libres, pourvu qu'ils soient tous des chercheurs de Dieu !

Posté par Bruno Delorme (visiteur)

dim 02/11/2025 - 13:59

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Il ne s'agissait nullement, dans mon courrier, d'agresser qui que ce soit, mais de mettre en lumière un ensemble de positions propres à un "dispositif", au sens sociologique, de type ecclésial.
Et vous-même n'êtes pas directement en cause.
Mais c'est l'ensemble des positions des Eglises que j'interroge, et cela au regard de faits contemporains qui me semblent plutôt inquiétants, notamment pour ces dernières.
C’est une pénible vérité qu’il faut rappeler : les institutions, religieuses ou laïques, ne retiennent jamais les leçons de l'Histoire !
Lorsque je vois déferler sur le net tous ces nouveaux gurus qui se prévalent de ce qu'eux-mêmes appellent de manière emphatique : "la voie christique" et l'influence grandissante qu'ils ont sur les esprits, je ne me dis pas comme vous que l'important est d'être un "chercheur de Dieu" et d’afficher une ouverture d’esprit conjuguée à la tolérance religieuse.
Car contrairement à vous, ces personnes ne cherchent rien. Elles ont trouvé !
Et elles le proclament haut et fort!
Et ce sont ces pasteurs autoproclamés ou ces gurus qui détiennent péremptoirement « la Vérité », la leur, tout d’abord, et celle des religions comme le Christianisme, ensuite. Les deux n’en faisant qu’une.
De ce point de vue, ne vous y trompez pas, chère Madame : personnellement, je suis de votre côté, et défends des positions comme la vôtre!
Mais, en face de vous, se trouvent des personnes qui professent une vérité "christique" totalement imprégnée de leur expérience personnelle, et elles étendent chaque jour davantage le règne de l’émotivisme au détriment de l’intelligence, que celle-ci soit de la raison ou de la foi.
Ces nouveaux gurus christiques se fichent éperdument de vos recherches et de votre modestie, et ils affirment sans complexe avoir trouvé "la Vérité". Et cela contre les démarches comme la vôtre, à base de réflexion théologique, de tentatives complexes de compréhension de la foi, de travail intellectuel qui exige le temps long et de références textuelles très érudites. Ces personnes ne s'embarrassent rien de tout cela et font fi de toute prudence, comme de tout effort intellectuel qu'elles vouent aux gémonies!
Or, je constate que, comme beaucoup de théologiens ou de clercs, vous n'avez pas pris la mesure de cette menace grandissante et que vous campez sur vos positions, sûre de votre bonne foi, à défaut d’être dans votre bon « droit ».
Ne faudrait-il pas plutôt penser, comme nous y invitent un certain nombre de sciences humaines qui en font régulièrement l'hypothèse, que les Églises, une fois de plus, se font rattraper par ce qu'elles ont rejeté à leurs marges, et qui pourrait un jour bientôt les dépasser, les submerger, voire causer leur disparition ?
Cette hypothèse, qui relève un peu du catastrophisme je l'avoue, n'est pas dénuée de pertinence lorsqu'on regarde et qu'on ose regarder la réalité médiatique et numérique en face.
Et je n'évoque évidemment pas, pour le moment, les possibilités tout aussi catastrophiques qu’une certain intelligence, qualifiée de manière oxymorique d’ « artificielle », pourrait provoquer lorsqu'on l'appliquera au monde des religions et à la sphère des spiritualités...

Posté par Roselyne

lun 03/11/2025 - 21:04

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Oui, les aspirations spirituelles actuelles en tout genre sont fortes et ne trouvent pas de réponse dans la proposition traditionnelle de l'Eglise catholique (encore que !), davantage peut-être chez certaines Eglises évangéliques, et elles sont la proie des gourous multiples, influenceurs et tik-tokeurs porteurs du pire parfois !
Mais, pour ma très modeste part, je m'efforce d'une part de dire à ceux qui ont suffisamment de possibilités rationnelles et de jugement critique et raisonnable : réunissons-nous, développons et utilisons ensemble ces capacités pour trouver un chemin plus solide dans les Ecritures transmises, méditées, analysées, partagées au fil des siècles et toujours propres à ouvrir des  perspectives nouvelles et à inviter au témoignage,
d'autre part, restant par fidélité première dans l'Eglise catholique, de travailler à y faire connaître au mieux cette plongée dans  l'Ecriture, qui est pour moi le remède ultime contre l'abrutissement spirituel.

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