Nous connaissons tous depuis notre jeunesse cette histoire, mais on nous la racontait en nous disant que Dieu, pour éprouver la fidélité d'Abraham, lui demandait de sacrifier son fils unique. Cela nous paraissait horrifiant mais à l'époque cela collait bien avec ce Dieu tout-puissant qui voyait la moindre de nos fautes et savait tout ce que nous pensions, le Dieu de la peur de Jean Delumeau. En lisant ce texte avec les mots hébreux, nous découvrons que Dieu n'a pas demandé à Abraham de lui immoler son fils, mais de monter sur la montagne avec lui . L'objet de l'holocauste n'est pas précisé. Cela change tout ! Et pourtant encore récemment nous avons entendu cette histoire lue et interprétée par des prêtres comme on le faisait autrefois. Et ce n'est pas un cas unique de traduction inexacte dans la Bible. Les progrès de l'exégèse ne semblent pas modifier les interprétations courantes... Comment les prêtres sont-ils formés à la lecture et à l'interprétation de la Bible ? Arrivera-t-on à faire bouger cet immobilisme mental ?
Créé par : Groupe de Bordeaux
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Je comprends très bien votre…
Je comprends très bien votre indignation, et votre demande qu'on permette aux chrétiens de connaître l'autre lecture possible de l'hébreu, évitant que Dieu demande à Abraham d'immoler son fils en holocauste !
Mais il faut aussi être lucide sur le fait que cette lecture n'est apparue comme possible que très tard, il a fallu attendre Rabbi Levi ben Gershim au 14ème s. pour que cette lecture soit proposée.
Cela signifie que la lecture la plus évidente est bien l'offrande du fils en holocauste, et qu'elle s'est imposée pendant une vingtaine de siècles au moins. Toute la tradition judéo-chrétienne l'a affrontée et a tenté de comprendre... D'autant plus que, dans la suite du texte, l'ambiguïté, si ambiguïté il y a eu, est largement levée, car on ne lie pas un enfant pour lui faire offrir une holocauste ! Autrement dit, la lecture lénifiante nous fait plaisir, mais elle ne tient pas vraiment la route !
Ceci pour dire, non pas que la lecture de Gershim soit fausse, mais qu'il faut comprendre aussi et surtout la lecture qui s'est massivement imposée. Et d'abord comme une interdiction du sacrifice des enfants (le premier-né du roi), qui, quoi qu'on en dise, existait dans certains peuples environnants et avait existé en Israël au 7ème s. Et cette interdiction permet de lire aussi une véritable transformation de la représentation qu'Abraham se fait de Dieu. Renoncer à un DIeu qui veut des sacrifices, à un DIeu de colère, et contempler le Dieu de la promesse, Dieu de la vie et de l'alliance avec l'humanité qu'il veut bénir !
L'enseignement biblique qu'il faudrait donner à tous les prédicateurs (et vous avez mille fois raison sur ce point) n'est pas un hébreu qui restera toujours discutable, mais bien le fait que le Dieu qui réclame la mort d'Isaac (comme celui qui réclame la mort de Jésus) n'est qu'un faux dieu, une idole païenne, fantasme peut-être de la violence humaine.
Il faut qu'ils comprennent qu'il s'agit de convertir leur image de Dieu et de le prêcher aux chrétiens ! Qu'ils détruisent l'idole qui veut du sang, de la culpabilité et de la réparation, et qu'ils reconnaissent le Dieu de la vie et de l'alliance, dont Jésus dit clairement : "il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants !"