Comme vous, j’ai beaucoup de mal à adhérer à l’interprétation psychologisante bien classique de ce texte. « Son courage à renoncer à une paternité qui serait possession du fils » et en ferait un « craignant Dieu », « ajusté au Dieu de la vie » (p.297) : ce langage me paraît un peu exalté pour décrire une attitude normale pour des parents ordinaires, consistant à amener ses enfants à voler de leurs propres ailes. Même si Térakh exerçait une forme de domination sur ses fils, il n’a pas empêché Abram de le quitter et en tout cas, sauf à considérer qu’Abraham avait de gros problème vis-à-vis d’Isaac, je ne vois pas ce qui justifie le test de la ligature dans ce domaine. Ce récit a de mon point de vue plus à voir avec ce qui est explicite, à savoir la confiance d’Abraham en Dieu, et celle-ci va de pair, avec sa nécessaire conversion de la représentation qu’il s’en fait. C’est cela qui est problématique chez Abraham : quelle est la nature de cette foi qui se trompe de Dieu ? C’est bien cela qui justifie un tel drame avec les ambiguïtés que le récit contient. Et bien sûr c’est en cela que ce récit nous concerne. comme vous le soulignez : quelle est notre conception de la paternité de Dieu ? quelle est notre relation avec lui ?
Créé par : Claude Laval
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Merci de vos remarques, avec…
Merci de vos remarques, avec lesquelles je suis tout à fait en accord.
Un mot cependant, non pas pour défendre Wénin, mais pour souligner qu'il touche tout de même quelque chose de juste, il y a tout de même ce sentiment (impression, retour sur soi ?) d'Abraham qui perçoit que le don d'un enfant peut devenir le lieu d'une réussite personnelle. Oui, c'est le voeu et le soin de tout parent de conduire ses enfants à devenir des femmes et des hommes libres et adultes, mais il ne faut pas sous estimer peut-être la tendance à une certaine mainmise, et parfois la revendication plus ou moins exprimée d'une "reconnaissance" !
Est-ce à cela qu' Abraham a compris qu'il devait renoncer, de cela qu'il devait se dépouiller ?
Evidemment cela ne conduit pas à la mise à mort d'un enfant... heureusement !
Bien entendu, il s'agit d'une représentation terrible de Dieu (ou de la divinité), elle nous paraît insupportable. Et je crois vraiment que le texte (qui combat dans une "couche" précédente la tentation du sacrifice d'enfant) fait vraiment suivre à Abraham le chemin d'un retournement intérieur, d'un autre dépouillement, qui est de se défaire de l'idée d'un dieu qui veut la mort, qui veut du sang, pour affirmer que Dieu au contraire veut la vie.
Il faut cependant accepter que le texte ait été relu comme une épreuve qu'Abraham doit surmonter (et donc avec l'idée que DIeu pourrait faire cette demande épouvantable) ; les paroles de l'ange du Seigneur vont dans ce sens : une vérification de l'obéissance d'Abraham.
Je le supporte mal, mais je peux comprendre que cela ait tellement (et sinistrement) influencé la pensée chrétienne, confrontée à la mort de Jésus.