Mardi 1er novembre 2022 – Fête de la Toussaint – Mt 5, 1-12a
La Toussaint est sans doute la plus généreuse de toutes les fêtes carillonnées, car elle concerne les hommes et plus précisément ceux d’entre nous qui sont décédés. Elle rappelle qu’en dehors des saints canonisés, parce qu’ils ont fondé un ordre, été pape, évêque ou théologien, il y a tous les autres entrés dans la béatitude céleste sans s’être fait remarquer de leur vivant. Ils ou elles ont simplement vécu en accomplissant leur devoir d’état, médecin ou boulanger, père ou mère de famille. Ce sont ce que l’on appelle des bonnes personnes, car elles sont toujours de bonne humeur, ne revendiquent rien, sont toujours disponibles, ne se plaignent jamais, pardonnent spontanément les offenses qu’elles semblent ne même pas remarquer. La sainteté n’est pas un parcours du combattant requérant des vertus héroïques ; c’est l’exercice quotidien de vertus domestiques. Elle est à la portée de tous par la pratique des béatitudes qui font l’objet de l’évangile de ce jour.
Elles sont au nombre de huit dans l'Évangile selon Matthieu et de quatre dans l'Évangile selon Luc où elles sont suivies par quatre condamnations. Matthieu écrit un poème lyrique sur le bonheur d’être, dans la vie de tous les jours. C’est le contrepied du Décalogue qui énumère dix condamnations, c’est le cœur du Second Testament, c’est son progrès.
Chacune des Béatitudes présente une situation dans laquelle la personne décrite ne serait pas considérée par le monde comme « bénie », et pourtant Jésus déclare qu’elle est vraiment bénie, et d’une bénédiction plus authentique que toute bénédiction que le monde est capable de lui offrir. Le mot habituellement traduit en français par « béni » ou « heureux » est dans le texte grec « μακαριος » dont une traduction serait : « celui qui possède une joie intérieure incapable d’être affectée par les circonstances qui l’entourent. »
Un saint se caractérise donc plus par son bonheur, que par son ascèse, ses macérations ou son appartenance à une chapelle quelconque : c’est le contraire de ceux que stigmatise Charles Péguy : « parce qu’ils n’aiment personne, ils croient qu’ils aiment Dieu. »
Dès lors, nous, les catholiques devons-nous poser une question insistante : possédons-nous l’exclusivité du comportement « béatifique » ? Tout d’abord le possédons-nous incontestablement ou bien sommes-nous en pratique parfois et trop souvent rancuniers, amers, aigris, querelleurs, avides ? En supposant que nous soyons de ces bonnes personnes décrites plus haut, que pensons-nous alors des autres qui sont dans d’autres confessions ou même dans d’autres religions ?
Il y a certainement des réformés, des anglicans, des orthodoxes et même des musulmans, des boudhistes, voire des incroyants qui pratiquent les Béatitudes. Ce sont donc aussi des saints. Et la célébration du jour n’est pas seulement celle de Tous-les-saints (chrétiens), mais celle du Tous-saints, du salut universel à portée de main.