Aller au contenu principal

Actualités

Dieu sauve… ?

Jacques NEIRYNCK . 01 février 2025

Une image animiste de Dieu 

Donald Trump est réputé pour ses déclarations fracassantes, qui n’ont rien à voir avec la réalité et qui prônent des comportements absurdes, tel guérir du Covid en avalant de l’eau de Javel. Il semble cependant que l’une d’entre elles soit révélatrice, car elle ouvre la voie à une compréhension du personnage. Il a dit : « Dieu m’a sauvé pour que je sauve l’Amérique. » 

Elle décèle l’image que Trump (et plus de la moitié des Américains) se font de « Dieu » : il s’agit d’un Dieu archaïque, animiste qui influe sur le cours des éléments en violation des lois naturelles. Il aurait détourné la trajectoire de la balle qui visait à tuer le président élu des États-Unis. Et il l’aurait fait parce qu’il s’engage pour sauver l’Amérique, qu’il s’implique directement dans la géopolitique. D’où l’inévitable conviction que l’Amérique est le parti du bien.

On peut réellement supposer que l’homme le plus puissant de la Terre cultive ce double fantasme et qu’il a été élu précisément parce que la majorité des Américains y adhèrent. Il s’agit d’une régression typique de la veine populiste. 

Aujourd’hui le même fantasme tente de plus en plus d’esprits. Vladimir Poutine se fait filmer cierge en main en compagnie du patriarche Kirill qui, en plus d'être le chef de l'Église russe, est un personnage incontournable du paysage politique, avec ses déclarations de soutien à l'invasion de l’Ukraine : il n’hésite pas à bénir les armes et missiles. De même, les théocraties islamiques se croient investies de la défense du bien contre l’Occident, siège du mal. Concrètement cela signifie que dans le combat entre les États-Unis, la Russie, Israël, la Chine et les pays islamistes, chacun se prétend investi d’une prescription divine ou historique, qui dissimule des appétits bien matériels et qui lui donne tous les droits, y compris celui de ne pas respecter les lois internationales.

Il n’est pas surprenant que des attitudes religieuses aussi archaïques perdurent. En revanche, il est contradictoire d’en faire la manifestation du christianisme, qui aurait dû plutôt constituer une sortie de l’animisme. On en a un écho dans le passage de Luc 13,4, trop peu cité : ces dix-huit personnes sur qui est tombée la tour de Siloé et qu'elle a tuées, croyez-vous qu'elles fussent plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Un bâtiment ne s’effondre pas pour punir ses occupants selon la volonté d’un esprit invisible, mais tout simplement parce que la stabilité de la construction selon les lois de la physique n’est pas respectée, si l’on tient compte de ce que nous savons aujourd’hui de science sûre. C’est un phénomène naturel, qui n’a aucune signification spirituelle.

Sommes-nous indemnes de cet héritage animiste ? Nos prières n’ont-elles jamais une tendance à la transaction ? Sont-elles un effort pour accepter les faits ou pour tenter de les infléchir ? Si les chefs d’états démocratiques et les pires tyrans s’y livrent, c’est parce qu’ils savent qu’ils rejoignent une opinion commune.

Crédit photo
Image par Gerd Altmann de Pixabay
Image