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Auteur
Jean-François BOUTHORS

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C’est sous le signe de la gratuité que Christoph Theobald, jésuite, ouvre le livre qu’il consacre à la vocation. Ce n’est pas rien au moment où dans l’Église, on parle volontiers de la « crise des vocations », entendue d’abord comme vocations religieuses ou presbytérales, et où l’on pense essentiellement aux problèmes que pose cette crise.

La vocation, rappelle C. Theobald, c’est un don gratuit de Dieu… Pas une affaire d’efficacité, d’organisation… Partant de là, avant de qualifier la vocation, l’auteur propose de réfléchir à la manière dont Dieu appelle. On reconnaît dans cette première partie du livre la dynamique ignatienne des exercices spirituels. Chaque lecteur pourra y trouver matière à une interrogation personnelle sur la manière dont il est lui-même à l’écoute à la fois de la voix intérieure et de la Parole de Dieu.

Mais avant même de parler de vocation chrétienne – il n’est pas encore question d’appel particulier selon des figures ecclésiales déterminées – Christoph Theobald propose à son lecteur de s’interroger sur la « vocation humaine », clairement évoquée par Vatican II. Dieu appelle tout homme à se demander comment il va vivre l’unique vie qui est la sienne. Le théologien apporte ici, dans un langage accessible à tous, une réflexion anthropologique éclairante sur la manière dont chacun peut répondre à cette question, sur ce qu’il trouve devant lui pour l’éclairer, sur les conditions d’une réflexion libre, et sur ce que dit l’Écriture à ce sujet. C’est dans cette vocation humaine que s’inscrit la vocation chrétienne, celle de tout baptisé. Vatican II pose d’ailleurs clairement que l’Église offre sa « sincère collaboration (…) pour l’instauration d’une fraternité universelle qui répond à cette vocation » humaine.

Quand il aborde la question des vocations particulières, C . Theobald met en évidence la tension presque inévitable entre la manière dont l’Institution ecclésiale perçoit les appels et les besoins, et ce qui s’exprime dans les personnes qui éprouvent un appel. Le théologien montre que cette tension peut se lire dans les textes mêmes de Paul. Cela signifie que doit s’opérer un ajustement et l’auteur n’en cache pas les difficultés. Plus encore, il rappelle que dans l’histoire de l’Église, à quelques reprises, les figures institutionnelles de la vocation et les réalités du moment ont été en décalage, et qu’il a fallu du temps pour faire apparaître de nouvelles formes qui répondaient aux nécessités de l’annonce de l’Évangile. Clairement, C. Theobald affirme que nous sommes aujourd’hui dans ce type de situations qui demandent du discernement, de la patience, du courage, de l’audace autant que de la fidélité. Ce processus ne va pas sans épreuve, voire sans souffrance. Cela nous invite à nous donner les moyens de tenir – prière, lecture de la parole, liens fraternels, engagements humains, discernement…

Dans la situation qu’il décrit, C.Theobald examine ensuite « comment trouver sa vocation aujourd’hui », reprenant la démarche de la première partie, en l’approfondissant et en la spécifiant aux conditions présentes. Puis il termine en interrogeant la communauté chrétienne – et donc pas simplement l’Institution, car c’est la responsabilité de toute la communauté qui est engagée – sur la manière dont elle appelle. Il invite là encore à un discernement et à un travail qui permette que s’opère l’ajustement évoqué plus haut. Plus fortement encore, il appelle à une conversion, de façon à être attentif non seulement aux besoins identifiés, mais à l’inventivité même de Celui qui appelle. Cela suppose à la fois engagement et ouverture, accueil de la nouveauté.

Le propos de Christoph Theobald est articulé selon une double perspective personnelle et ecclésiale qui peut dérouter, puisqu’on se trouve tantôt sur le registre de l’accompagnement et du conseil, tantôt sur celui de la théologie et de l’ecclésiologie (sans pour autant que cela soit dans un langage réservé aux spécialistes). Mais cette gymnastique intellectuelle et spirituelle n’est pas inutile, puisque la vocation pose précisément le problème de l’accomplissement personnel au service d’un corps plus vaste, social, politique, ecclésial, si bien qu’il faut s’efforcer de penser l’articulation du la personne et du corps, dans une dialectique d’autonomie et de service.

Jean-François Bouthors

Vous avez dit vocation ? Christoph Theobald, Bayard, 2010. 256 p. 19 €