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Gonzague Chatillon est un ami de longue date, depuis 60 ans. Nous sommes à Saint-Augustin à Paris, dans son appartement.
Tu m’as dit tout à l’heure que tu as 80 ans. Ça permet de situer pour les lecteurs.

Oui, 80 depuis quelques mois. Je suis issu d’une famille qui était installée à Asnières. J’y suis né en 1938, de la paroisse Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours, où il y a eu les grandes étapes de ma jeunesse qui sont inscrites dans cette paroisse. Je suis le cinquième de six et, ça a une grosse importance pour moi, je suis l’enfant qui est né 2 ans après la mort de ma sœur ainée. Je ne l’ai donc pas connue. Ça a une grande influence, je pense, sur l’avenir de l’organisation de ma vie et de mon sacerdoce.
Très ballotté pendant la guerre à cause de l’arrivée des Allemands sur Paris : un peu de nomadisme. On est allé à Riom, en Loir-et-Cher, puis Paris, enfin bref ! Et au terme de la guerre, j’ai repris mes études dans plusieurs écoles du quartier, jusqu’au moment où, pour des raisons internes et peut-être ma paresse notoire, on a cru bon de me mettre en pension, ce qui a été, je pense, la pire des choses. Je n’avais jamais quitté ma famille. Une année de galère !
À la suite de cela, je pensais depuis longtemps au sacerdoce, puisque en fait, ma famille était très engagée sur le plan de la foi. J’ai eu une éducation chrétienne tout à fait classique. J’ai même fait le catéchisme aux petits quand j’étais en cinquième. On m’avait intégré là-dedans. J’avais un parrain qui était prêtre, ce qui m’a marqué aussi et un clergé local très présent et dynamique… de vrais témoins. À tel point que la question du sacerdoce s’est posée à moi dès l’âge de 9-10 ans. Et je me souviens très bien que c’est le jour de ma profession de foi, j’étais en sixième, que l’appel s’est manifesté, très fort. Je resitue les lieux et le moment de façon extrêmement précise.
Ça n’a pas enclenché un enthousiasme fou pour un travail supérieur à fournir. C’est la raison pour laquelle, après une année déplorable de pension, sur les conseils du responsable des études de l’époque, au collège Sainte-Croix-de-Neuilly, je suis rentré au petit séminaire de Paris, où j’ai passé 4 années merveilleuses. Nous étions extrêmement épanouis. J’en ai gardé des liens, qui nous valent le plaisir de retrouver Jean-Michel aujourd’hui pour cette rencontre.
Je n’étais pas très en avance. Après avoir longtemps « approfondi » mes études, on n’a pas pensé bon que je m’engage dans une formation universitaire ou autre, ce qui ne m’aurait pas d’ailleurs passionné. Je suis rentré directement au séminaire d’Issy-les-Moulineaux, où j’ai passé 2 ans, plus 3 ans, entrecoupés de 2 années de service militaire, qui ont été aussi des années absolument passionnantes, pour la simple et unique raison que, ayant été embarqué dans la marine (sans embarquement pour des raisons internes à l’aumônerie militaire), on m’a envoyé en mission en Algérie, dans une des bases maritimes proche d’Alger. J’ai passé 8 mois dans cette base pour y vivre la fin de la guerre d’Algérie et le moment du cessez-le-feu du 19 mars 1962.

Mais tu y avais quoi comme activité ?
J’étais « matelot troisième classe sans spécialité » – je suis très fier de ce grade – au service de la formation des jeunes recrues et au service d’un bureau dont l’officier était chargé de cette formation. J’ai fait moi-même cette formation, avant d’en assurer le secrétariat, où j’ai vécu des échanges, que ce soit avec la troupe, que ce soit avec le corps des officiers et sous-officiers, de façon tout à fait passionnante. Et j’étais bien situé comme séminariste avec un accueil excellent de la part des officiers, pour des raisons que je passerais volontiers, mais pour faire la liaison entre la troupe et les gradés officiers et sous-officiers. Je suis resté 18 mois au service militaire, en partie en Algérie, en partie à Toulon, en partie à Lorient.
Libéré fin janvier/début février, que faire pour terminer l’année avant de reprendre le séminaire ? Il s’est avéré que je connaissais bien le professeur de philo du petit séminaire de Paris, qui était devenu supérieur de Saint-Jean-de-Passy, et qui avait été mon père spirituel pendant 4 ans, le chanoine Marcel Nibault. Je me suis présenté à lui. Il m’a dit : « Mais tu tombes très bien. J’ai un poste de préfet adjoint à te confier car il y a un trou béant qui vient de se produire. » J’ai donc assuré pendant 4 mois cette charge, qui m’a mis le pied à l’étrier. C’était au niveau des cinquièmes, un moment assez passionnant. Je faisais la catéchèse, j’assurais l’encadrement, etc. Bref, avant de reprendre mes activités estivales, qui étaient très centrées sur les colonies de vacances, les camps d’adolescents, etc.
J’ai donc repris mon séminaire en septembre 1963 et j’ai été ordonné prêtre le 25 juin 1966 à Notre-Dame, autrement dit dans la foulée. Et là, à cette époque où il y avait déjà un peu d’agitation dans les séminaires, j’ai cru bon de laisser la liberté à mes supérieurs de choisir ma 1ère affectation. Je n’ai pas un souvenir absolument enthousiaste de mon séminaire. J’ai suivi consciencieusement le cursus. J’étais très heureux, beaucoup plus passionné par les activités adjacentes qui étaient la catéchèse, l’encadrement des jeunes, etc. Pour cette raison, et après mon petit séjour à Saint-Jean-de-Passy (auparavant), on a envisagé de m’y nommer.
Je suis donc arrivé (le 28 juin je pense) à Saint-Jean-de-Passy pour directement prendre en charge l’aumônerie des louveteaux et des scouts. Et pendant 2 ans, le Père Nibault m’a confié la responsabilité d’aumônier auprès des petits (huitième et sixième), ce qui correspond déjà à 350 gamins et puis, par la suite – c’est l’époque où il y avait encore 12 prêtres dans cet établissement, ce qui faisait un peu scandale par rapport à certains lieux –, après ces 2 années d’aumônerie, j’ai été nommé préfet des cinquièmes. Là j’avais 180 gamins en responsabilité : accompagnement des études, catéchèse, rencontre avec les parents, etc. Quelle mouche avait piqué le chanoine Nibault, je n’en sais rien, deux ans après il m’a nommé responsable du cycle d’observation, c’est-à-dire l’ensemble de la moitié du premier cycle. Ce sont les relations avec les professeurs et les relations avec les adultes, ce qui m’a passionné. Je n’avais aucune préparation pour cela ; mais n’en ai pas moins beaucoup aimé cette mission d’éducation.
Pour la petite histoire, la première fois où j’ai fourni officiellement les bulletins de notes aux élèves de sixième, ou cinquième, je ne sais plus, je me souviens très, très bien du cérémonial de l’époque. On mettait sur le bureau un paquet de bulletins et on appelait les élèves en commençant par les derniers. Et j’appelle Ernest Dubois (nom anonyme). Je vois se lever du fond de la classe un pauvre petit gamin, tête basse, les cheveux tombant sur les yeux, avançant vers moi pour prendre son bulletin. J’ai été pris à ce moment-là d’un fou rire épouvantable, parce que j’ai eu un flash-back. Je me suis retrouvé dans ce que j’étais 15 ans avant, impossible d’ouvrir la bouche. Je n’allais quand même pas engueuler ce pauvre gamin. Ça, c’est un souvenir extrêmement précis, qui me fait toujours sourire. Je connaissais toutes les ficelles pour en faire le moins possible. Il ne fallait pas que ces gamins me racontent des bobards ! Cela m’a permis d’en aider beaucoup. Ceux qui avaient des difficultés, je savais les reprendre. Je savais accompagner. J’allais voir les parents, les mettre devant leurs responsabilités. J’en ai sauvé plus d’un. Ça, c’est une de mes gloires et une de mes joies.
Au terme de ces 6 années, à Saint-Jean-de-Passy, il y avait eu pas mal de mutations. On était passé de 12 prêtres à 6, dans cette période-là. Des laïcs commençaient à prendre des responsabilités. Le chanoine Nibault m’a demandé de prendre en charge l’aumônerie du second cycle. C’est assez amusant, car je me suis retrouvé à ce moment-là avec des adolescents que j’avais eu en huitième ou en sixième et cinquième et que je retrouvais en seconde, première ou terminale. J’ai tissé des liens extrêmement forts avec des quantités de jeunes.
En tous cas, il fallait donner corps à cette aumônerie, où j’ai dû inventer des choses, qui m’ont valu parfois quelques algarades de mes confrères un peu tradis. Je pourrais en dire long sur d’excellents moments où on inventait la pastorale. J’ai organisé des week-ends de fin d’études pour les terminales, j’ai organisé des pèlerinages ici ou là, Chartres ou ailleurs, avec les premières et terminales, etc. Et puis, on s’est ouvert à des réalités, avec Jean Vannier. Une aumônerie qui était très vivante au sein même de l’école. Avant, ça n’existait pas. Il a fallu créer : une première étape de créativité. C’est ça qui m’a beaucoup intéressé.
Au terme de ces 9 années – il y en aura en fait une dixième –, on n’a rien trouvé de mieux, en accord avec le nouveau curé de Notre-Dame-de-l’Assomption et l’évêque de l’époque chargé de notre secteur, qui était Monseigneur Frossard, que de me nommer, à mi-temps, à la paroisse de l’Assomption pour m’occuper de la pastorale des jeunes et coordonner l’ensemble de la pastorale des jeunes du 16e arrondissement. Tout en conservant, l'autre mi-temps, les premières et les terminales de Saint-Jean-de-Passy (j’ai donc lâché les classes de secondes).
Je me suis donc retrouvé, à la rentrée suivante, en charge toujours des premières et des terminales, avec une structure d’accueil qu’il a fallu mettre sur pied, parce que je ne pouvais plus assurer l’ensemble des classes, autrement dit des équipes de catéchèse animées par des parents, avec des activités parallèles. Ça a été tout à fait novateur. Ce qui me console un tant soit peu, c’est que depuis cette époque-là, c’est-à-dire 1974, disons de 72 à 75, la mise en place de cette structure demeure. Et aujourd’hui encore, l’aumônerie de Saint-Jean a conservé (je crois) des équipes de premières et de terminales. J’en suis heureux.
Je termine cette période avec mon passage à l’Assomption, dans une situation difficile, car il y avait eu un aumônier extrêmement dynamique, en la personne du Père Alain Michaud, qui était un de mes anciens compagnons de classe de troisième à Sainte-Croix-de-Neuilly. Il quittait 6 années (ou plus ?) de présence à l’Assomption et il cherchait quelqu’un pour pouvoir prendre la suite. Mais il avait eu une telle aura qu’il avait emmené le bébé avec l’eau du bain, c’est-à-dire la structure d’accueil existante.
J’avais tout à recréer. J’ai eu une première année difficile. Seule demeurait la messe des jeunes. Là encore j’ai dû inventer parce qu’il n’était pas facile de réunir l’ensemble des jeunes de la paroisse, en intégrant l’aumônerie du lycée Molière, à proximité avec le Père Pierre Lochet, un ami fidèle… et ce qu’on essayait de faire naître au sein de la paroisse de l’Assomption, avec le scoutisme et les quelques étudiants qui restaient. Petit à petit la mayonnaise a pris. La messe du samedi soir commençait par la liturgie de la Parole, réunissant en 3 lieux différents les jeunes correspondants à leur âge, chaque groupe animé par des jeunes. Et à l’heure dite, tout le monde se rassemblait pour la liturgie eucharistique. J’avais quand même vérifié que la chose était acceptable auprès de l’évêque accompagnateur. Et il m’a dit oui. On réunissait 350 à 400 jeunes, à une époque déjà où ce n’était pas des plus faciles.
Là j’ai passé 6 années, avec entre autres l’animation d’une équipe pastorale (nommée à l’époque « Équipe B ») où il y avait aumôniers de lycée, aumônier du collège, Philippe Dumas un homme délicieux, Francis Corbière et d’autres, pour la coordination de la pastorale de l’ensemble du 16e. On se réunissait tous les 15 jours pour faire un point et prendre quelques orientations pastorales. On a fait beaucoup de choses, des camps-missions, des animations de semaines saintes, des pèlerinages, des camps de neige, etc. Beaucoup d’activités très mobilisantes, pour essayer de donner un peu de spiritualité à tout ça.

Tu as passé toute ta première partie avec des jeunes !
Ce n’est pas terminé, tu vas voir. Au terme de ces 6 années passées à l’Assomption, j’étais tellement épuisé que j’ai dit au Cardinal Marty : « Je ne peux pas aller plus loin, je vais me casser la figure. » Et j’ai demandé à ce moment-là à prendre une année sabbatique. J’avais pris contact déjà un peu avant avec une abbaye que j’aime beaucoup et que j’aime toujours, qui était la plus éloignée de Paris, pour faire une vraie coupure, l’abbaye de Landevennec, dans le Finistère. Je connaissais le Père Abbé. J’avais commencé à mettre un peu mes basques là-bas en 1978 et là, on était en 1980.
Donc j’y suis parti. J’ai passé une année excellente de ressourcement, une vie équilibrée, rythmée par les offices, le temps de travail intellectuel, scripturaire et les activités manuelles.
Une vie très différente, parce qu’avant tu avais plein de contacts et là rien.
Très heureux ! Ça a été un ressourcement absolument fabuleux ! Année au terme de laquelle l’évêque accompagnateur est venu me voir, me disant : « Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? » Il a fait un peu pression pour mon retour à Paris, période correspondant au changement d'archevêque : le cardinal Lustiger est arrivé en 81. J'ai reçu fin avril un coup de téléphone disant « Tu arrives à Paris demain ». Je suis arrivé le petit doigt sur la couture du pantalon. On avait déjà élaboré une mission. On envisageait de m'envoyer dans un secteur où le curé était en grande souffrance, parce qu'il avait eu une pastorale pas toujours très réaliste et les conséquences en étaient assez dramatiques. C'était en l'occurrence la paroisse Saint-Paul-Saint-Louis, dans le 4e arrondissement. Monseigneur Lustiger avait tout à fait d'autres vues et voulait me nommer curé in solidum avec le curé de Saint-Pierre-de-Chaillot, qui en même temps devait assurer la charge de Vicaire Général. C'est-à-dire qu'il ne serait pas sur place et qu'il fallait qu'il y ait un adjoint qui fasse le boulot. Je lui ai demandé réflexion, en lui disant qu'il aurait ma réponse sous 8 jours. Et je lui ai répondu : « Non. » Autrement dit, on est repassé à la mission précédente qui avait été préparée, à savoir Saint-Paul-Saint-Louis.
En septembre 81, je suis donc arrivé à Saint-Paul-Saint-Louis, pour m'occuper des jeunes. Je voudrais rajouter que, tout au long du temps passé à Saint-Jean-de-Passy, à l'Assomption, je m'étais beaucoup préoccupé de la pastorale des vocations. Il est vrai que j'ai eu l'immense grâce d'accompagner un certain nombre de jeunes se destinant au sacerdoce, y compris une équipe du GFU (Groupe de Formation Universitaire), que Jean-Noël Besançon, qui en était responsable, m'avait confiée sur le secteur du 16e. Aujourd'hui, parmi tous ces jeunes que j'ai connus, il y en a plusieurs qui sont prêtres et même évêques.
Ceci étant, j'ai continué, à Saint-Paul-Saint-Louis, ce que j'avais fait à l'Assomption. On a recréé d'une façon dynamique des activités pour les jeunes, grâce aussi à l'aide du curé bien aimé et bien connu, le Père Pierre Lochet, ancien aumônier de Molière quand j'étais à l'Assomption et qui en « suait des ronds de chapeau » par rapport au climat local. Ainsi est née une petite communauté de jeunes (dont l'un est évêque auxiliaire aujourd'hui) avec des activités locales du même style que ce que j'avais vécu à l'Assomption.
Au bout de 3 ans, l'archevêque, qui était devenu cardinal, a voulu me nommer dans ce qu'il venait de créer : l'année propédeutique pour le séminaire de Paris. C'était une année d'enseignement et d'accompagnement spirituel. L'accompagnement, je savais un peu faire, mais l'enseignement, ce n'était pas du tout ma tasse de thé. Je lui ai dit : « Non » !

Décidemment !
Ceci étant, il ne m'a pas laissé la paix puisque, l'année suivante, il m’a dit : « Ces jeunes qui ont fait cette première année de propédeutique, il faut bien les mettre quelque part. Je voudrais ouvrir le premier cycle du séminaire de Paris. Et j'ai pensé à toi comme responsable de cette maison. »

Mais je n'ai jamais très bien compris pourquoi Lustiger a créé ce séminaire, alors qu'il y a déjà Saint-Sulpice à Issy-les-Moulineaux.
Fondamentalement, c'est parce qu'il a vu, le peu de temps où il a été curé de Sainte-Jeanne-de-Chantal, puis évêque d'Orléans et ses premières années à Paris, que bon nombre de jeunes, entrés au séminaire, quittaient en cours de formation, voire même en cinquième année d’études. Il disait : « Il manque quelque chose. » Et ça, c'est quelque chose que l'on pressentait déjà quand moi j'étais à Issy-les-Moulineaux. On avait l’impression de manquer de formation spirituelle. C'est là où il a voulu inclure, avant l'entrée au séminaire, cette année de propédeutique, pour une formation biblique, spirituelle et quelques éléments complémentaires de discernement et d'engagements pastoraux, etc.
Il est vrai que le séminaire d'Issy-les-Moulineaux était une institution. Et je pense, et je me le suis fait confirmer, que les sulpiciens n'ont pas vu le vent venir. Ils n'ont pas su prendre le relais et proposer une formation ajustée à ce besoin spirituel.
Mais il était bien convenu à ce moment-là, quand le cardinal m'a demandé de prendre cette maison, que c'était en vue d'un premier cycle en lien avec une action pastorale dans la paroisse où ils étaient. Ça reprenait en fait l’intuition de Monsieur Olier, fondateur des sulpiciens, qui avait inscrit son séminaire au cœur même de la paroisse Saint-Sulpice. Ça m'avait paru une idée géniale. C'est la raison pour laquelle je lui ai dit : « Oui », acceptant de prendre en même temps en charge le poste de curé, en 1985, de Saint-Denis-du-Saint-Sacrement. Enthousiaste par cette initiative, j'ai dit : « Allons-y. »


Et tu avais combien de séminaristes ?
On était 2 prêtres responsables. J'étais avec un jeune prêtre qui arrivait tout droit de Rome, avec qui j'ai beaucoup sympathisé et avec lequel je garde toujours des liens très étroits, qui est aujourd'hui évêque de Blois, un homme d'une profonde intelligence et spirituel, on a fait vraiment de belles choses et je lui dois beaucoup. Les séminaristes étaient 8, à insérer dans la pastorale de cette paroisse, qui n'était pas du tout préparée pour cela. Pour la petite histoire, il y avait précédemment encore un curé et, je crois, 2 vicaires, dont un qui était chinois et faisait pousser du riz dans son appartement ! Ça donne l’idée de l’état intérieur du presbytère.
Et pour te dire un peu l'état des lieux ! Il a fallu tout aménager, de A jusqu'à Z. À partir du premier août, j'ai commencé à me mettre au travail et dès le 15 août, j'ai rameuté les séminaristes pour lessiver, nettoyer… Il a fallu acheter tout le mobilier, organiser l’intendance, bref tout créer. Creuser un oratoire dans la cave du presbytère. Les séminaristes de l'époque, qui sont aujourd'hui curés, il faut leur faire raconter les brouettées de gravats qu'on a pu hisser de cette cave pour en faire un oratoire, très simple et priant.
Ça a été une expérience unique ; on a vraiment beaucoup turbiné. Mais il y avait tellement de choses à faire. Aussi 2 ou 3 mois après, j'étais sur les genoux. En me disant : « Tu es incapable, ce n'est pas ta tasse de thé. Qu'est-ce que tu as été faire dans cette galère ? » Bref, tout était totalement obscur. Je le redis : on avait tout à créer dans l’équipe. Outre notre équipe de base, un troisième prêtre, un vieux sage, salésien, en la personne du Père René Gaudillère, près du bon Dieu aujourd'hui, à qui je dois aujourd'hui une action de grâce permanente, nous assistait de ses conseils et de sa sagesse pastorale et spirituelle. Un soir, je rentre chez moi, avec la perspective de téléphoner le lendemain ou le surlendemain à l'archevêque et lui dire : « Vous vous êtes trompé de bonhomme, ce n'est pas possible, je vous rends mon tablier, je ne peux pas continuer là, c'est beaucoup trop lourd pour moi. » C’est alors que je trouve sous ma porte une lettre. J'ouvre la lettre et, première des choses, je regarde qui me l'envoie : anonyme ! J'avais un vieux principe qui m'avait toujours été donné, c'est qu'une lettre anonyme, ça ne se lit jamais, parce que c'est du venin. Donc j'étais prêt à la déchirer, mais en la développant, je vois : « Saint François de Sales nous dit ». Ah ! Et je trouve un petit bijou de Saint François de Sales, disant en substance que, pour construire une maison ou réaliser une œuvre d’art, il faut du temps, et de la patience, et de l'abnégation, de la confiance et de l’abandon, etc.

C'était un texte de Saint François de Sales, que ce vieux prêtre t'avait passé.
Je ne savais pas que c'était lui qui me l'avait donné. C'était anonyme. Il m'avait glissé ce texte. Alors j'ai avalé ma gourme ! Et puis j'ai dit : « Eh bien oui, c'est une fois de plus ton orgueil qui a pris le dessus. On va prendre le temps nécessaire, remonter les manches. Et on va marcher, non plus à 120 à l'heure, mais à 60 à l'heure tout simplement ! » Et on a démarré, avec des séminaristes, qui ne se sont pas rendu compte de grand-chose, sauf peut-être de ma fatigue, je n'en sais rien. Ils ne me l'ont jamais dit. Et en les intégrant petit à petit, à la fois aux activités du quartier et petit à petit aux activités de la paroisse, parce qu'elle prenait de l'essor. Ainsi, ils étaient eux en lien immédiat avec une réalité pastorale, une communauté, qu'il fallait animer, avec laquelle on priait quotidiennement. Et j'ai vu cette paroisse s'ouvrir, s'épanouir. Alors qu'il n'y avait que de rares activités, hormis l’eucharistie quotidienne, la Conférence Saint-Vincent-de-Paul et la catéchèse des enfants. On a formé des responsables, on a formé des gens qui s'y sont mis, qui venaient prier avec nous pour les laudes, les vêpres, participer à la messe des séminaristes. On a fait des veillées de Noël… On a fait un tas de choses… Moi, j'ai donné ma patte à cette équipe-là, mais je reconnais qu'au bout de 6 ans, la double charge de curé et d'animateur du séminaire, c'était particulièrement lourd. Et de ce fait, j'ai demandé d'être dégagé d'une des deux fonctions. Et pour des raisons internes d'organisation générale, ça ne s'est pas fait. J'ai été nommé ailleurs, je vais y revenir. C'est pour dire que ça a été une expérience tout à fait passionnante. Et je veux dire qu'aujourd'hui cette paroisse vit, ce n'est pas une grosse paroisse, mais elle est vivante. Petit détail : quand on est arrivé, le pauvre curé qui nous avait précédés avait tellement peu de monde qu'il avait descendu l'autel du chœur, pour le mettre au pied des marches pour réunir le petit troupeau. Il y avait moins de 150 pratiquants. « Faire refleurir le désert », pour moi, c'était un thème. Et je dois dire que j'ai beaucoup aimé cette période-là. J'ai été très heureux après, mais le début a été très, très difficile.
Après, plus classique, j'ai été nommé curé de Saint-Philippe-du-Roule, dans le 8e arrondissement. Une paroisse très particulière, parce que c'était une communauté de 12 000 habitants, mais 100 000 personnes qui venaient travailler sur le quartier. Ce qui nous a fait créer 2 pôles d'activités : un, la pastorale classique d'une communauté paroissiale, qui était très vivante, où j'ai récupéré quelques jeunes dont, entre autres, l'ancien vicaire de Saint-Denis-du-Saint-Sacrement, qui devait faire sa thèse de doctorat et qui est venu habiter chez nous. Il a été obligé de quitter au bout de 3 ans, pour aller faire sa thèse de doctorat, en théologie dogmatique. Quand nous sommes arrivés, c'était une communauté qui était un peu fatiguée, parce que le cher curé qui me précédait était handicapé et âgé. Donc ce n'était pas très difficile de donner un peu corps et vie.

Vous étiez nombreux en prêtres ?
Ils n'étaient pas tous à plein temps, mais on a été 4, et jusqu'à 5, plusieurs anciens à mi-temps. Et puis j'ai continué aussi à m'occuper des vocations de loin en loin. Au terme de ces 9 années à Saint-Philippe-du-Roule, l'appel du désert s'est refait sentir, non pas que je n'étais pas heureux. J'ai été très heureux à Saint-Philippe-du-Roule. J'ai même beaucoup aimé. Mais l'appel au silence, l'appel à la vie de communauté… Landevennec. Mais là, j'y suis parti avec la volonté d'y rester.
Là encore, je ne peux pas dire que je n'y ai pas été heureux. J'ai passé 2 années, à 20 ans de distance. Je ne regrette en rien ce que j'ai vécu, mais quand je relis un peu mon histoire, je pense qu’un certain discernement aurait dû être fait à Saint-Sulpice. Je veux dire par là, si tu veux, qu'il y avait un discernement à faire pour savoir quel était l'appel de l'Esprit-Saint, l'appel du Seigneur, en fonction de mon histoire… C'est vrai que j'ai toujours été attiré par la prière liturgique et toujours très attiré par la vie communautaire.

Donc tu te poses la question : « J'aurais pu vivre dans un monastère. » ?
Peut-être. Quoiqu'il y avait toujours l’influence de l'expérience de mon parrain, qui était prêtre en Creuse et qui tous les ans m'invitait à passer 8 jours avec lui, dès l'âge de 10-11 ans, ça probablement marqué cette période-là, parce que je le voyais vivre dans la réalité pastorale de la Creuse, qui était un grand désert. Ce qui m'a valu d'ailleurs d'organiser un camp-mission avec Conflans (le petit séminaire de Paris) et les premières ou terminales.
J'ai donc passé une deuxième année à Landevennec, au terme de laquelle l'appel de la pastorale, du contact avec la réalité du terrain s’est fait plus fort… Je m'étais forgé un peu l'idée que, compte tenu de la communauté monastique, je pourrais avoir un rôle au sein de l'accueil et de l'hôtellerie. Je veux dire que l'ensemble de mes 50 années, le cœur de ma mission, ça a été l'accompagnement des personnes. J'ai toujours donné une place importante à l'accompagnement des jeunes et des adultes.

En fait, tu t'es dit : « Si je reste au monastère, ce serait à l'accueil. »
Je m'étais fait un peu cette idée-là ! Autrement dit, j'avais défini moi-même ma mission. Et là, je me suis rendu compte que c'était illusoire. J'ai donc décidé de revenir sur Paris, pour être nommé à ce moment-là… Toujours avec le cardinal Lustiger. C'est d’ailleurs lui qui m'appelle. « J'ai une mission pour toi. Devine. Dans le 16e, tu connais. » Je lui dis : « Oui, je connais, mais je ne vois pas quel est le curé qui s'en va. Ils sont tous là depuis peu de temps et ils n'ont pas fait leurs 6 ans. » C'était Notre-Dame-d’Auteuil.
J'y ai donc été nommé : paroisse sympathique avec de multiples champs d’action. Ce qui m'a toujours paru important, c'est de pouvoir travailler en équipe avec des gens avec lesquels on s'entendait, faire communauté, faire communion. Et puis élargir cette communion à d'autres, bien évidemment, mais avec laquelle on pouvait réfléchir et travailler ensemble. Ça pour moi, ça a toujours été premier. C'est une chose qui me fait un peu souffrir aujourd'hui, c'est que je ne suis pas certain que le jeune clergé soit très attentif à cette vie communautaire et à cette communion de réflexion. C’est peut-être un jugement téméraire.

Oui, on peut peut-être terminer ton exposé, mais c'est un sujet qui m'intéresse, l'évolution de l'Église, du clergé. Comment tu le vis, toi ?
Je te répondrai peut-être après. Bon. Je suis donc resté 9 ans. J'y ai été heureux. Et ce qui m'a fait grand plaisir, c'est que ce qu'on a semé, ça a été poursuivi. Ça a été continué, amélioré, ce qui n'a pas toujours été le cas, en particulier à Saint-Philippe-du-Roule.
Voilà. J'avais dépassé largement l'âge de la retraite. C'était en 2010. J'avais 72 ans. Ayant subi 2 opérations aux genoux, puisque je me balade avec 2 prothèses aujourd'hui, on m'a demandé 2 choses.
La première (je n'ai pas bien compris. J'étais encore sur mon lit d'hôpital) : lorsque le Vicaire Général m’a demandé : « Est-ce que tu n'irais pas à La Commission d'Art Sacré ? Ça ne demande pas grandes compétences (Il s'agit d'avoir quelques connaissances liturgiques et pastorales) ». Je me dis : « Si c'est ça, je peux m'en tirer. » C'est comme cela que, sans le savoir, en ayant répondu oui, j'ai été nommé, non pas membre de l'équipe, mais responsable de cette équipe. Bon sang ! Il a fallu que je constitue, pour l'animation de cette commission, qui demandait des compétences artistiques, des relations avec la Ville de Paris, qui demandait de s'occuper des inventaires, etc. J'avais 1 ou 2 permanentes pour s'en occuper. Mais il a fallu élargir, constituer une équipe de personnes ayant fait Beaux-Arts ou l’école du Louvre. J'ai fait appel à 2 architectes. Il y avait une co-responsable avec moi qui était elle-même architecte. On a mis 2 autres compétences. J'écoutais et bénissais Je donnais un peu mon point de vue, s'il y avait quelque chose où je pouvais intervenir. Bon, c'était d'animer cette équipe.
À ce moment-là, je suis venu ici (à Saint-Augustin, lieu d’habitation proche de cette Commission) et comme service pastoral, j’étais à la paroisse Saint-Louis-d’Antin.

Et là, c'était bien ? Tu as travaillé sur des beaux projets ?
J’ai ainsi participé à un certain nombre de restauration d'églises, de chœurs liturgiques, à l'aménagement des lieux de culte, des liens avec la Ville de Paris, etc.
Depuis maintenant 2 ans à peu près, j'ai quitté cette Commission d'Art Sacré et je continue à faire ce que j'ai toujours fait : l'accompagnement spirituel de prêtres, diacres, laïcs. Et ça se passe ici. Autrement dit, j'ai bouclé la boucle. J'essaie d'écouter un peu, voilà. Et de rejoindre les gens dans leurs préoccupations, dans leur recherche, dans leur quête de Dieu. Bon, avec ma pauvre expérience et mes grandes limites.

Et justement, l'évolution de la société et l'évolution de l'Église, que certains vivent bien et d'autres moins bien, comment ça se présente pour toi ?
Cet accompagnement m’apporte aussi un regard élargi sur la vie de l’Église ; j’ai des liens avec des diocèses de province, ou de banlieue, diocèse de Versailles, plutôt coté agricole et diocèse de Meaux. C'est intéressant de voir ce qui se passe dans ces lieux-là, comment l'Église se met en place. Je pense à un prêtre du diocèse de Meaux : ils sont 2 pour 48 clochers. Il faut voir la façon dont ils travaillent la formation des chrétiens, mettent en place des structures de coresponsabilité. Moi, ça me parait très intéressant. À Paris, nous sommes riches !

La différence que je fais entre ma paroisse de Chevreuse, diocèse de Versailles, mais plutôt riche, et ma paroisse au bout de la Bretagne dans le Finistère, ce sont 2 mondes différents.
Deux mondes différents ! Ma grande préoccupation, si tu veux, c'est – et peut-être que je me trompe, je ne suis pas assez au clair pour cette question-là – : a-t-on suffisamment pris en compte pour la France le fait que, dans 10 ans, il restera 5 000 prêtres actifs en France, contre 12 000 aujourd'hui. Et que c'est urgent, de préparer les communautés chrétiennes à s'assumer, avec, et je vais même très loin, des ministères, je ne dis pas forcément ordonnés, il y en a oui... Mais. Peut-être revaloriser ce qu'on appelait autrefois les ordres mineurs, avec des responsabilités, et masculines, et féminines.
C'est un point de vue personnel, qui peut choquer un certain nombre de gens. Je ne dis pas de faire comme ça à Paris. Je mettrais davantage de nuances. Mais je pense que c'est quelque chose qu'il faut prendre en compte. Ça m'est arrivé, pas plus tard qu'au dernier conseil qui a eu lieu hier, de soulever le voile sur 2 ou 3 questions, pour dire : « Et ça, est-ce qu'on y pense ? » Des baptêmes individuels, bien ; mais communautaires, ce serait bien d'y réfléchir. Pour la question de l'animation de la catéchèse, forme-t-on des responsables ? Est-ce qu'il ne serait pas nécessaire d'appeler tel ou tel au diaconat ? J'essaie, tout doucement.
Voilà mon grand questionnement sur la période actuelle. Le cardinal Lustiger le disait déjà à l'époque, En 2030, il n’y aura plus qu’un 1 prêtre par paroisse, maximum 2 ! Est-ce qu'on se prépare à ça ? J'ai une assez grande confiance dans notre archevêque actuel.

Aupetit ? Tu le trouve plus ouvert sur ces sujets-là ?
Oui. Si tu veux. J'ai beau aimer André Vingt-Trois, que j'ai bien connu. Mais il a eu à prendre la succession avec Lustiger, et ce n'était certainement pas facile. Et il a bien porté la « barque » pendant les 10 ou 15 ans qu'il a passé comme archevêque de Paris. Mais je pense que c'est un style totalement différent avec Michel Aupetit. Moi, je le sens très bien, parce qu'il a une parole forte et il saura peut-être bousculer un certain nombre de choses.

Du fait qu'il ait vécu avant dans le monde professionnel ?
Bien sûr. Il a été médecin pendant 10 ans. Au diocèse de Nanterre, il a marqué son passage.
Ma sœur l'aimait beaucoup. Elle est dans une paroisse à La-Garenne-Colombe. Elle dit : « Je ne peux plus aller à la messe là. » L'église est pleine, mais c'est invivable pour elle : la lourdeur des liturgies, le sacré, la sacralisation de tout.
Ça manque un peu d'incarnation. Alors on se réfugie… C'est un refuge. D'ailleurs, ça va nous faire la transition, parce que j'en avais assez de ces jeunes prêtres qui sont en soutane et surplis à l'église, quand ils ne sont pas en soutane toute la journée. Je rentre de 4 jours de silence dans une abbaye, où j'ai retrouvé 3 prêtres parisiens, dont 1 en soutane. Je le connais assez pour lui dire : « Écoute, je te vois en soutane, j'ai confiance en toi, ça me brule depuis longtemps de poser la question à un prêtre – il a 50 ans, pas vraiment jeune. Ça veut dire quoi ? Explique-moi. »
Là il m'a dit simplement ces deux choses. C'est amusant parce que ça rappelle des choses qu'on pensait quand on avait 20 ans. Un, c'est d'abord pour marquer la différence, qu'il y ait un espace entre toi et moi. Tu vois, il y a une volonté de se protéger. Je ne sais pas ce qu'ils mettent derrière. Puis, deuxièmement, c'est ainsi que je le traduis, il m'a dit, c'est aussi au nom de la charité, parce que c'est un habit de pauvre. Au même titre que nous, pour nous adapter à notre époque, on avait « dégrafé ». C'est vrai que, au 19e siècle, c'était un habit de pauvre, mais ça ne l'est plus. Mais il le ressent comme ça. Je retraduis ce que j'ai perçu. Ce sont les 2 éléments qu'il m'a donnés. Je n'ai pas creusé plus loin.

On n'a pas parlé de Vatican II. C'est trop ancien. Tu l'as toujours vécu en fait, toi.
Moi, j'ai beaucoup travaillé surtout l'engagement des chrétiens et la liturgie. J'ai toujours aimé la liturgie. Et surtout, avec les séminaristes de Saint-Denis-du-Saint-Sacrement, on avait une liturgie simple, qu'on voulait belle mais participante et créatrice. Les veillées de Noël ou les temps de carême étaient préparés entièrement par nos moyens. Il y avait une recherche de créativité. Je ne sais pas si ça leur a servi ou pas. Je n'ai pas gardé de documents de cette période-là. On a fait vraiment beaucoup de choses.
Vatican II ! Lorsque j'ai quitté Saint-Jean-de-Passy et suis passé à Notre-Dame-de-l’Assomption, je suis rentré dans une équipe peu banale qui, de fait, a été la première ou la deuxième équipe B : une structure élaborée par Monseigneur Marty et Monseigneur Gilson, où il y avait un curé avec 2 ou 3 prêtres et toute une équipe de laïcs. L'ensemble de l'équipe, sous la responsabilité du curé, était chargée de la pastorale de la paroisse. Donc tout à fait dans le style de Vatican II. J'étais moi-même à mi-temps, chargé de la pastorale des jeunes pour la paroisse, l'autre mi-temps pour le secteur… On se réunissait, pour réfléchir à la pastorale, 2 fois par semaine, L'ensemble de l'équipe était composé de 3 prêtres, 1 religieuse, 3 couples, dont 1 permanent et un autre laïc Des chrétiens ayant de hautes responsabilités dans le monde professionnel, capables de dégager, quasiment toutes les semaines, 1 heure ou 1 heure et demie, de 19h à 20h30, pour penser la pastorale locale, et en plus un samedi matin par mois.
Ça nous a permis de lancer des grands thèmes de réflexion et d’action pastorale chaque année. La première année, l'année où je suis arrivé, où j'étais encore peu participant, j'ai plutôt recueilli ce qui avaient été fait. La première année, le thème avait été « Tous responsables dans l'Église », document élaboré par l'ensemble de l'épiscopat français. On avait cherché à sensibiliser l'ensemble de la communauté, pendant une année, à travers les homélies, à travers des conférences. Résultat de l'opération – je suis arrivé à ce moment-là –, les gens ont dit : « C'est bien gentil, mais on n'est pas formé pour prendre des responsabilités. » Alors, deuxième année, le thème retenu fut : « Formez-vous. » Pour ce faire, on s’est appuyé sur « les cahiers bleus », documents élaborés par les dominicains de la Tourette, formation théologique, adaptée. On a réuni 800 personnes.

Et qu'est-ce que tu penses du pape François et de sa sortie sur le cléricalisme, justement ?
Tu vois, c'est le thème d'une réflexion. J'ai relu quelques paragraphes de Gaudium et Spes, sur le sacerdoce commun des baptisés. Et avec quelques chrétiens de ma génération – ils ont 80 ans et plus – nous nous interrogeons sur l'avenir de l'Église. Moi, j’en suis très heureux. Mais est-ce que les jeunes générations sont soucieuses de cette question ? Je ne sais pas, je ne suis plus dans le coup.

Et ce que raconte Moingt ? Tu as dû regarder un peu ses livres, ses conférences.
Le Père Moingt ? Non très peu. Les cellules d'évangélisation. J'ai été voir un peu ce qu’elles étaient… mais il y a 30 ans ! C'était à Milan, Je ne suis pas allé beaucoup plus loin. Je n'ai pas eu le temps.


Bon, Gonzague, on va arrêter. Et tu ne regrettes rien ?
Non à part quelques erreurs ! On a quelques boulets accrochés aux talons qu'on traîne avec soi !

Et tes dernières années de vie, tu les vois comment ?
Je suis très heureux du service que je rends aujourd'hui. Je rends encore de temps à autre un petit service à Notre-Dame et pour le reste j’assure quelques services à la paroisse Saint-Augustin et surtout me concentre à l’accueil et l’accompagnement d’un certain nombre de frères et sœurs.

Tu vas rester à Paris ?
Tant que je peux rendre ce service d'accompagnement, je le ferai. D'ailleurs je leur dis toujours : « Vous me lâchez quand vous voulez. Je n'en prendrai aucun ombrage. » Mon idée serait de rentrer dans une maison des Petites-Sœurs-des-Pauvres, comme aumônier ou aumônier adjoint, pour rendre quelques services locaux ou extérieurs. Ce serait un peu mon idée. Parce que les infirmités s'installent, les genoux, et lombaires un peu esquintées, Parkinson s'est installé et, pour l'instant, je n'ai plus d'ascenseur !

Donc tu es plutôt content ?
J'ai eu 52 années de sacerdoce merveilleuses. Je peux dire que je ne regrette pas un seul instant ce que j'ai vécu. Je suis heureux d'être prêtre, heureux d'être à l'écoute des gens. Et surtout d'être l'instrument de la miséricorde de Dieu. Ce que je ne t'ai pas dit, tout à fait au début, c'est que l'appel du Seigneur, quand j'avais 10 ou 11 ans, et ce que j'admirais chez le prêtre, c'était, un : donner le Corps du Christ à ses frères, avec l'eucharistie, et deux : que le prêtre était l'instrument du pardon du Seigneur. Qu'est-ce que je fais aujourd'hui ? C'est cela et cela fait mon bonheur !