Aller au contenu principal


-- décédé en janvier 2018 --

Comment voyez-vous l’Église d’aujourd’hui, la situation des chrétiens dans le monde ?
L'Église institution va de travers. Rome voulait se mêler de tout. A titre d'exemple, je cite l'anecdote de l'évêque de Vendée, Mgr Cazaux, dénoncé à Rome au sujet du petit séminaire des Herbiers, parce que j’avais, avec d'autres prêtres, en tant que surveillant chargé de l'animation pastorale, aidé les jeunes à prier avec la vie, et en particulier, avec le livre du Père Michel Quoist, Prières. Dans les années 1957-1958, l'évêque avait été accusé à Rome de laisser faire n'importe quoi aux Herbiers. Nommé à ce poste comme jeune prêtre, je me suis senti peu préparé pour exercer ces responsabilités auprès de jeunes, et j’ai demandé, et obtenu, de faire une licence de psychologie clinique. Le bénéfice de ces études a été une ouverture pour moi ainsi qu'une aide dans la connaissance des jeunes, au plan pastoral.
 Je me suis attelé à mettre en place une expérience où les jeunes pouvaient avoir une activité apostolique, en rencontrant les gens chez eux, en partageant aussi leur vie, en travaillant avec eux. Ce fut la période des camps mission, soutenue par le cardinal Suenens, archevêque de Malines qui venait de publier le livre l’Eglise en état de mission auquel succédera, en Vendée, Séminaires en état de mission.
L'Église d'aujourd'hui se situe dans une évolution. Elle doit impérativement tenir compte de ce monde tel qu'il est. Elle doit aider les gens à s'y retrouver, à discerner et à rejoindre la réalité dans un monde où on nous raconte aussi n'importe quoi.
J’attends beaucoup du pape François qui doit réformer la Curie qui fait obstacle à la véritable mission de l'Eglise. Un seul pape pouvait faire cette réforme qui attend depuis longtemps, Paul VI devait la faire et avait fait venir à Rome des gens comme le Cardinal Garronne, mais il est mort trop tôt. Jean-Paul II préoccupé avant tout d'évangélisation, a laissé faire la Curie.
Il faut remettre en vigueur la collégialité à l'intérieur de l'Eglise. Toutes les décisions ne peuvent pas être prises par un seul, à Rome, pour tous les pays du monde, qui ont chacun leur culture et leur configuration propre. Je suis très intéressé par les décisions actuelles du pape François concernant la prochaine rencontre début octobre avec les cardinaux qu'il vient de nommer pour l'entourer, et je pense que ce sera un signe très fort de sa gouvernance et de la mission de l'Eglise. La Curie a peur actuellement.
J’observe autour de moi une évolution de la paroisse, où je suis invité pour des célébrations, où se fait une très bonne animation, grâce à une véritable responsabilisation des laïcs, et je m'en réjouis. J’y étais préparé depuis longtemps, ayant été jadis adjoint de Mgr Albert Rouet, avec lequel j’étais tout à fait en phase.
 
Beaucoup de choses se font et se préparent actuellement, doucement, les JMJ qui brassent du monde, l'expérience de Diaconia, la manière dont les gens sont capables d'être solidaires lorsqu'une catastrophe ferroviaire survient, leur intérêt pour ce qui se passe dans l'Eglise, même s'ils ne sont pas pratiquants et n'y sont pas engagés. J’ai beaucoup vécu au sein de la société civile, notamment comme responsable des Chantiers du Cardinal, j’ai discuté avec des chefs d'entreprise qui se sont montrés intéressés par mon langage direct, clair, sans langue de buis, j’ai fait beaucoup de rencontres et noué des relations durables et vraies avec des responsables, notamment lors de la construction de l'église de Notre-Dame de Pentecôte dans le quartier de la Défense.
Attention, car des jeunes ont tendance à voir l'Eglise avant tout comme une institution.

Qu’est-ce qui a préparé votre engagement dans l’Eglise ?
 Je suis né dans une famille croyante; je me souviens de ma grand- mère qui avait compris la nouveauté du concile Vatican II, disant qu’on est passés de la crainte de Dieu à l'amour de Dieu, c’est plus sympathique, mais plus exigeant ! A 10 ans, je fais ma communion et me dis que j’aimerais être prêtre, très attiré par la liturgie. Je fus élève comme l’a été plus tard le cardinal Louis-Marie Billé au collège Saint Joseph de Fontenay- le- Comte, où je fus enfant de chœur et gravis avec plaisir tous les degrés des responsabilités. Mon père étant absent, je reste au collège et je ne fréquenterai pas le petit séminaire. En terminale, c'est l'année intermédiaire préparatoire à l'entrée au grand séminaire; parallèlement, je fais du scoutisme et garde le souvenir des messes au camp scout que j’aimais beaucoup: ainsi sont réunis les deux ingrédients majeurs de la vie du prêtre: la liturgie et le service des autres. Mais les revues du scoutisme sont interdites au séminaire. Là, j’apprécie certains cours, d'autres sont nuls. Je serai ordonné à 23 ans, en 1952 et demanderai à mon évêque de me nommer de préférence en ville car je ne connais rien à la campagne!

Les passages préférés de l'Écriture
- Job : 19, 23-27a
 - Jean 21: après la Résurrection, la pêche miraculeuse. Les apôtres accomplissent leur travail de pécheurs, et reconnaissent Jésus qui les invite à venir manger les poissons qu’il leur a préparés. Le Christ est serviteur, nous aussi.

Quel a été votre engagement dans l’Eglise ?
 C'est jeune, au contact de mes professeurs, que j’ai été marqué par la vie, l'expérience et les ministères de prêtres que je voyais vivre de près, puis par mon évêque. C'est ainsi que dès mon premier poste, au petit séminaire des Herbiers, je m'inspire de l'exemple entraînant d'un prêtre très novateur et influent, bien décidés tous deux à faire vivre aux jeunes que nous accompagnions des expériences de prière éloignées du volontarisme ambiant, en lien avec leur vie.
Comme préfet des élèves de terminale au petit séminaire de Conflans, à Charenton, je les mets en contact en 1968, avec le P. Chenu, Pierre Emmanuel, J.-L. Barrault.
A la Direction de l’enseignement catholique de Paris, auprès du P. Michel Coloni, en responsabilité auprès des enseignants et des directeurs de l'enseignement primaire et secondaire, je me montre attentif et ouvert à toutes ces personnes qui ont la responsabilité de bon nombre d'élèves, de leur formation.

Pour moi, qu'est-ce qu'être prêtre?
Être prêtre, c'est être au service des gens auprès desquels je suis envoyé. Le prêtre est ordonné aux sacrements et à l'évangélisation, ce qui ne veut pas dire promener Jésus dans les rues! Mais il ne faut surtout pas dissocier ces deux aspects fondamentaux du ministère presbytéral: évangélisation et sacrements.
Oui, ma vision du prêtre a changé, avec l'expérience, mais elle n'a pas changé de ligne. Avec le P. Michel Coloni et le P. Xavier de Chalendar, j’ai été confronté à la pédagogie et à la gestion, afin de permettre à des enseignants de se former eux-mêmes.
Pour moi, le prêtre, en toutes circonstances et en tout milieu, est amené à parler en employant les mots de tous les jours, à des gens, aussi divers soient-ils, qui sont là, sur les lieux mêmes de sa mission; par exemple, les journalistes, les directeurs de banque et d’entreprise, durant la construction de l'église Notre-Dame de Pentecôte, très heureux de me poser des questions sur le Christ et l'évangile au cours de repas de travail.
Le prêtre doit se tourner vers les gens qu'il rencontre et les amener à saisir ce qui dans leurs comportements exprime l'amour de Dieu, même si certains d'entre eux ne le reconnaissent pas comme tel. A titre d'exemple, l'amour de Dieu qui vous est transmis par Jésus, la tendresse qu'il vous manifeste, c'est celle que vous aussi transmettez à vos enfants et petits-enfants lorsque vous les embrassez. Je suis très heureux que le pape François ait réhabilité le terme de tendresse de Dieu, ce qui témoigne que l'amour de Dieu dont on parle beaucoup, n'est pas quelque chose d'abstrait ou d'intellectuel, mais s'enracine et se communique dans et par le nôtre.
Au sujet des différents postes que j’ai occupés: je n'ai jamais rien demandé, et dans tous ces postes, j'ai toujours été heureux.
- 1947-1952 Grand Séminaire de Luçon et ordination
- 1952-1960 Animateur au petit séminaire des Herbiers
- 1960-1961 Aumônier au Collège Saint-Gabriel à Saint Laurent sur Sèvre
- 1961-1971 Attaché au centre national des Vocations et préfet des terminales au petit séminaire de Paris
- 1971-1983 Sous-Directeur de l’enseignement catholique des 4 diocèses centraux de Paris, chargé de la formation des enseignants et de la direction des écoles primaires
- 1983-2004 Secrétaire général des Chantiers du Cardinal

 Et Vatican II, qu’a représenté ce concile pour vous ?
 Je suis très heureux des textes du Concile sur lesquels il est possible de s'appuyer.
L'œcuménisme, en particulier a beaucoup progressé depuis ces 50 dernières années, des rapprochements très importants avec les luthériens ont pu avoir lieu, que j’ai expérimentés avec un de mes cousins lors de célébrations.
Surtout, Vatican II a humanisé le christianisme, prenant en compte la vie des hommes. J’ai vécu le concile au moment où j’étais au Centre National des Vocations.
J’ai modifié ma façon de célébrer depuis le Concile: avant, j’étais face au mur, depuis, je regarde l'assemblée et essaie d'être en communication avec elle durant la liturgie. Je ne veux pas être de ces célébrants qui ont l'air d'enterrer leur père. Présider l'assemblée, ce n'est pas être assis sur un fauteuil, c'est la faire vivre.
L'homélie, en particulier, doit être un moment fort de cette communication avec l'assemblée, par laquelle le prêtre s'efforce d'expliquer le texte d'évangile, de l'adapter et de faire poser des questions. Exemple, le texte du 15 août, la Visitation : Je mets en évidence la rencontre d'Elisabeth et de Marie, qui est la première rencontre de Jean- Baptiste et de Jésus. Le salut de Marie à sa cousine, sa bénédiction, invitent à poser la question de savoir ce que sont nos propres rencontres, quelle relation nous y engageons. Les gens d'aujourd'hui peuvent ainsi être amenés à se retrouver dans cet épisode de la Visitation. Dieu fait pour nous des merveilles: quelles sont ces merveilles dans nos vies? Nous sommes tellement intoxiqués par les mauvaises nouvelles que nous entendons chaque jour, qu'il nous faut relire notre vie pour y retrouver les choses fortes qui l'ont transformée, les merveilles à portée de nos mains et de nos cœurs.
Mais, avouerais-je, cela est épuisant et suppose qu'on y mette de ses tripes!
De même, le geste de paix, représente un moment de vraie rencontre, comme si on se souhaitait bon appétit, de bien profiter de ce repas que nous allons partager et auquel nous sommes invités.

Quels changements passés et actuels voyez-vous dans la société ?
 Les gens ne disposent pas de critères suffisants pour évaluer les informations que nous recevons en aussi grand nombre. Ces critères de discernement doivent se situer sur tous les plans, éthique, sociétal, technique, il faut que le monde des adultes retrouve une certaine stabilité. L'Eglise a un rôle à jouer dans ce repérage car internet coupe de la réalité, certains jeunes ne savent plus où est le bien, et ne distinguent pas toujours le réel du virtuel. On a vu en direct l'homme marcher sur la lune, et beaucoup d'autres événements de cette importance, maintenant c'est la révolution de la communication via internet, tout cela ne peut pas ne pas modifier les têtes, les esprits.

Qu’est-ce qui a changé, qu’est-ce qui est entrain de changer dans l’Eglise ?
L'Église aujourd'hui se situe dans une évolution. La paroisse proche de mon domicile, et d'autres de Vendée où je suis invité évoluent dans le bon sens car les paroissiens y sont responsabilisés. L'animation des messes ainsi que les différents postes de la paroisse sont vivants.
 Je suis tout à fait au clair sur la non pratique de bon nombre de chrétiens, grâce, notamment à des personnes de ma famille, chez qui j’observe ces phénomènes répandus: absence de pratique, toutes générations confondues: une sœur médecin qui a quitté l'Eglise en 68 et s'est engagée en politique. Je pense et affirme que le critère autour de la pratique religieuse est à présent complètement dépassé, par contre, on voit les valeurs de solidarité, de fraternité, de service aux autres apparaître, notamment à l'occasion de circonstances douloureuses.
Prenant acte de cette situation et de cette analyse, il faut donc préférer et valoriser les rencontres, avec, ou non, eucharistie, comme lors des manifestations de Diaconia.
Beaucoup de signes de rajeunissement de l'Eglise, et donc d'espérance; de nouvelles pousses, qu'il ne faut pas négliger, et qui sont significatives d'une jeunesse de l'Eglise.
Entre enfouissement et visibilité, il faut trouver un équilibre, qu’il n'est pas aisé de maintenir.