Aller au contenu principal
Auteur
Vianney DANET


Dimanche 17 octobre 2021 – 29e dimanche du temps ordinaire – Mc 10, 35-45

Le récit de Marc que nous venons d’entendre se situe après celui de la 3e annonce par Jésus de sa passion, et de sa résurrection. Luc, lui, situe la question de savoir « qui est le plus grand » pendant le dernier repas, après le lavement des pieds. Le dénouement est proche. Il y a urgence pour les apôtres à savoir ce qu’ils vont devenir sans la présence physique de Jésus à leur cotés. Quelle place vont-ils occuper ? Pour Jacques et Jean, c’est décidé, il leur paraît évident qu’ils peuvent demander à siéger à droite et à gauche de Jésus. Des places de premier plan, honorifiques, et qui inspirent le respect.

Re-situons-nous lors d’un repas important : qui sera à la droite du maître ou de la maîtresse de maison ? qui à sa gauche ? Choix parfois délicat ! Jésus ne dit pas que leur demande est impossible à satisfaire, mais il précise l’exigence et l’engagement qu’elle requiert : « Pouvez-vous boire la coupe que je boirai ? » Oui sans doute, car on sait que Jacques, frère de Jésus, sera dans les années 40 mis à mort, vraisemblablement par Hérode Agrippa. 

Mais tout en connaissant leur attachement et tout en sachant qu’ils ont la capacité de boire à la même coupe que Lui, Jésus va les décevoir. Ce n’est pas à Lui qu’appartient de désigner qui va siéger à sa droite ou à sa gauche, mais à Dieu, le seul Père. Autrement dit, le pouvoir et les honneurs n’ont rien à voir avec Jésus. Lui qui a pourtant le pouvoir de guérir n’a pas celui d’attribuer une place ou une autre, à côté de Lui, dans le Royaume.

Et ce pourrait être la fin de l’affaire. Mais il y a une suite, les autres apôtres réagissent et s’offusquent. Chez Luc, c’est le commencement de l’histoire. Marc, en précisant « les 10 autres », signifie que personne n’est indifférent à l’attribution des places, à la sienne comme à celle que le copain veut occuper. Qui en effet ne se soucie de la place qui lui est attribuée en classe, dans l’équipe de sport, au boulot, à table, et dans l’église aussi ? La recherche de la bonne place est source de division entre les apôtres. Aussi Jésus ramène-t-il tout le monde sur terre en précisant qu’ici-bas, être chef c’est être facilement dominateur. Et « Il ne doit pas en être ainsi parmi vous », met-il en garde. Dans l’enseignement de Jésus, le serviteur devient le modèle, l’esclave a plus de chance d’être le premier, proche de Jésus. Car « le fils de l’homme » lui-même est venu pour servir et jusqu’à donner sa vie en rançon.

Avoir une place, c’est aussi être statique, immobile, comme une place au cimetière. Alors qu’être serviteur, c’est être en perpétuel mouvement, en vie. Aller de l’un à l’autre, ne pas attendre qu’on vienne à soi. Pour l’Église, l’enseignement de Jésus indique qu’il n’y a qu’une alternative : être une Église figée, recroquevillée, à sa place qui attend que le monde vienne à elle, ou construire une Église vivante, ouverte, qui va dans le monde, sans peur des évolutions permanentes que cela implique pour elle. 

Aujourd’hui, dans le contexte actuel, des coïncidences : la remise du rapport de la CIASE, le lancement d’une démarche synodale à Rome, et ce récit – que l’on retrouve aussi chez Matthieu et Luc – prend ainsi une résonance terrible, et peut être bienfaitrice pour l’Église. « Quel est en effet le plus grand, celui qui est assis à table, ou celui qui sert ? » Quelle idée de mettre en concurrence pour la grandeur maître et serviteur ! C’est comme de se demander qui du lapin ou de la tortue va le plus vite ! Nous avons des réponses toutes faites et bien des a priori. Mais Jésus, en se mettant au milieu de nous comme celui qui sert, nous invite à sonner le glas du pouvoir et de l’emprise patriarcale si habituelle qu’on ne la voit plus. Il nous porte vers l’espérance d’une renaissance, ici par une démarche synodale construite par tous, sans place prépondérante, ni dominatrice, ni servile.
 

Vianney Danet