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tiepolo la cene

« Célébrer » est un acte essentiel de l’existence chrétienne : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. » (Mt 18,20). Les chrétiens aspirent donc à se rassembler, à s’adresser à Dieu, à écouter sa parole et à recevoir son Corps. Dans ces différentes actions, l’eucharistiea a une place particulière et privilégiée. « L’Église fait l’Eucharistie, l’Eucharistie fait l’Église. » Une communauté chrétienne ne peut donc exister sans la célébration de l’eucharistie. Ceci est clair. Mais aujourd’hui, particulièrement en monde rural, il n’est plus possible pour les communautés chrétiennes de village de la célébrer chaque dimanche. Si tout est mis en œuvre pour le permettre, force est de constater que de nombreuses communautés ne se rassemblent que tous les mois, voire tous les deux ou trois mois pour certaines, faute de proposition eucharistique chaque dimanche. Les expériences de regroupement dans une paroisse plus grande, mais éloignée, laissent penser que ce n’est pas une solution satisfaisante.

Une communauté chrétienne peut-elle vivre sans se rassembler et célébrer chaque dimanche ? Déjà en 1986, Jean Lebon rappelait que « L’absence de rassemblement dans l’église du village risque de tuer la vie ecclésiale des chrétiens. »[1]

Devant ce péril, ne convient-il pas de déployer des célébrations dominicales de la Parole et de privilégier l’eucharistie à un autre rythme que celui de chaque dimanche ?

En effet, « n’importe quelle assemblée chrétienne, nombreuse ou restreinte, riche ou pauvre en moyens, est la manifestation du corps du Christ en un temps et un lieu donné ». La Constitution Lumen Gentium (Vatican II) n’hésite pas à affirmer que : l’assemblée « est dans le Christ, en quelque sorte le sacrement » de l’Église, « c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain ». Si cette conviction de foi est, bien sûr, au cœur de la célébration de l’eucharistie, n’est-elle pas vraie de toute assemblée chrétienne ?

Saint Paul, quand il parle du corps du Christ, désigne toujours le corps que forment les chrétiens. Dans toute célébration chrétienne, le Christ se rend présent et agissant dans la communauté au moyen de la foi qu’il suscite en elle.

Encore faut-il que la célébration soit signifiante et renvoie à l’existence chrétienne, dans l’esprit de la Constitution sur la liturgie de Vatican II qui a remis en valeur la nécessaire articulation entre culte, mission et vie chrétienne. Dans cet esprit, une célébration ne se conçoit pas sans une dimension fraternelle d’accueil de tous, en particulier des exclus et des souffrants.

Qu’est-ce que célébrer ?

Célébrer, nous savons tous ce que c’est ! Ou plus exactement, nous en avons la pratique « humaine », au sens le plus large : on célèbre un anniversaire, le retour d’un être cher, l’ouverture des jeux Olympiques ou de la coupe du monde de football, etc. Il est peut-être moins aisé de définir ce que cela signifie. L’acte de célébrer fait référence à des faits, des évènements, des situations précises, mais aussi à tout un univers symbolique qui, par nature, nous dépasse : le cosmos, la nature, la République, Dieu…

Alors, qu’est-ce que célébrer ? Est-ce mettre en relation des personnes avec des idées communes à l’occasion d’évènements ? Est-ce faire certains gestes, dire certaines paroles à des moments particuliers, selon « ce qui convient » ? Est-ce un rituel, en somme ? Est-ce faire la fête, comme le font nombre de jeunes… et de moins jeunes ? Sans doute, un peu tout cela à la fois !

Il importe donc de savoir ce qui différencie une célébration d’une fête, d’un rassemblement, d’un groupe de partage. Célébrer a pour vocation de nous mettre en lien avec plus grand que nous. Nous allons vers lui avec nos joies, nos peines, nos demandes, notre désir de communion. La célébration répond toujours à une attente des corps et des cœurs. C’est en partie pour l’exprimer et un peu « canaliser » nos émotions que les célébrations sont l’objet de règles, en particulier de rites.

La dimension sociale des rites est importante. Les rites permettent de cimenter un groupe, de mettre en scène son identité et ses valeurs, de partager un moment particulier de fête, parfois solennel. De la naissance à la mort, toute vie est ponctuée par des rites : prière, vœux de Nouvel An, remise de prix, discours de promotion ou de fin d'année, rite de la table etc… Les rites nous précèdent toujours : on n’invente pas un rite, on s’y conforme, car le rite est ordre,  il dessine « un être ensemble codifié et ordonné, qui ne supporte ni l’improvisation, ni le laisser-aller. Qui met de l’ordre à la place du chaos [2] ». Une célébration, si elle est un rite, nécessite donc d’obéir à une séquence d'actions stéréotypées, chargées de signification (« action symbolique »), et organisées dans le temps. Le rite n'est pas spontané : au contraire, il est réglé, fixé, codifié.

Le rite est un moyen et il n’a de valeur que si ceux qui l'accomplissent le font en esprit et en vérité, dans une attitude de cœur conforme à ce que le rite cherche à exprimer. Il doit être, bien évidemment, compréhensible de tous. C’est au cœur de contraintes, qui font que ce rite a du sens, que nous sommes libres, d’inventer, d’innover pour vraiment célébrer !


La célébration chrétienne :

Elle est structurée en quatre temps :

  1. le rassemblement ;
  2. le temps de la Parole ;
  3. le temps du signe et de l’action de grâce ;
  4. l’envoi.

Elle obéit à un rite, à des codes dont nous ne sommes pas propriétaires, car ils sont avant tout anthropologiques. Nous sommes donc invités à bien mettre en œuvre ces quatre temps dans nos célébrations chrétienne si nous voulons qu’elles aient du sens, qu’elles fassent sens, autant pour les célébrants que pour les fidèles. « La célébration est un tout, et les quatre parties (…) sont liées les unes aux autres. Ces moments ne sont pas simplement juxtaposés, mais c’est leur lien même qui contribue à donner un dynamisme, un souffle, à l’assemblée qui célèbre. » [3]

Nous pouvons tous et tout célébrer : il faut simplement », pour atteindre l’effet visé, définir ce que nous célébrons, pourquoi et avec qui...La célébration chrétienne « célèbre Jésus-Christ, en même temps que nous célébrons l’Alliance que Dieu scelle aujourd’hui avec son peuple, en faisant mémoire d’un évènement passé, la mort et la résurrection du Christ ». [4]

La parole de Dieu dans la liturgie [5]

L’un des acquis les plus visibles de Vatican II est, sans aucun doute, la place reconnue à la parole de Dieu. Le renouveau de la liturgie voulue par le Concile a, en effet, fait la part belle aux Saintes Écritures : dans les rites liturgiques eux-mêmes et, plus encore, dans la proclamation des Écritures au cours de la messe et lors des célébrations sacramentelles.

La grande place donnée à la proclamation de la Parole dans une langue comprise par tous vise d’abord la rencontre du Christ présent. Car, c’est lui qui parle. Lui, le Verbe fait chair qui se donne dans sa parole Par lui et en lui, le « Père entre en conversation avec ses amis » comme le dit l’admirable expression de Dei Verbum (n°2). Et, comme dans tout dialogue, avant même le contenu du message échangé, l’adresse de cette parole permet aux deux parties de se reconnaître comme interlocuteurs. Ainsi, en écoutant Dieu qui nous parle, nous sommes situés devant lui : reconnus comme disciples reconnaissant le maître. Ce faisant, nous posons un acte de foi qui nous permet de lui répondre. « En effet, dans la liturgie, Dieu parle à son peuple ; le Christ annonce encore l’Évangile. Le peuple, de son côté, répond à Dieu par les chants et la prière. » [6] (SC n° 33). Et le partage de la Parole peut ainsi devenir partage de vie.

C’est même à la mesure de la reconnaissance du Christ présent dans sa parole, à la mesure de l’intensité de cette « conversation », que le message de la Bonne Nouvelle peut habiter en nous et que la Parole semée peut y fructifier sous l’impulsion de l’Esprit.

Une proposition

La Conférence catholique des baptisé-e-s francophones a décidé de prendre à bras le corps cette préoccupation si essentielle pour les communautés chrétiennes. Elle est prête, avec d’autres, en particulier avec le CMR (Chrétiens en monde rural) et les Fiches Dominicales à soutenir ceux qui, dans le secteur rural, souhaitent les organiser.

Pour cela, elle vous demande de nous faire connaître les expériences de célébrations dominicales de la parole déjà en cours afin d’en faire bénéficier le plus grand nombre en les mutualisant (via les sites des partenaires de cette action). S’il vous plaît, merci de nous les communiquer.

À toutes celles et ceux qui souhaiteraient se mettre en marche, nous sommes prêts à rencontrer les communautés et à organiser avec elle deux ou trois soirées de formation pour les aider, en dialogue bien évidemment avec les responsables de paroisses.

Le chantier est ouvert pour que les communautés chrétiennes isolées puissent célébrer la Parole chaque dimanche dans leur lieu de proximité, sans que cela nuise aux regroupements paroissiaux pour célébrer l’eucharistie à un rythme propre à chaque lieu.

N’oublions pas qu’il n’y a jamais de problème sans solution.
 

La CCBF, www.baptises.fr

Les CMR, www.cmr.cef.fr

Les Fiches Dominicales, www.fiches-dominicales.com 

Contact : Claude Besson, bessoncl@numericable.fr

 

 

Auteur

CCBF, CMR, Fiches dominicales