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Auteur
Anne SOUPA

Il est tout de même étrange que l’on ne veuille pas résoudre le problème de l’accès aux sacrements des divorcés remariés. Voilà des personnes qui ont été liées, déliées, puis reliées par des liens d’amour multiples, qui sont chaque jour au croisement du bien et du mal, prêtes à l’un comme à l’autre, selon qu’elles pardonnent, font la vérité en elles, ou au contraire prennent leurs enfants en otages de leurs querelles, et l’Église ne se précipiterait pas à leurs côtés pour accompagner cet amour qui se donne, se cherche, et finit par se trouver ?

Pour chacun de nous, une famille, la sienne, a été le lieu primaire d’éclosion de l’amour, même si parfois celui-ci échoue à se donner. Comment ne pas vouloir que l’Église puisse apporter à toute famille, quelle qu’elle soit, une parole de soutien, d’encouragement et de réconfort ? Au nom de ce que Dieu est amour, tout simplement. Et que Ubi caritas est, ibi Deus est. Il n’est pas pensable, pour un chrétien, de ne pas être là quand l’amour est en jeu.

Est-ce que l’institution Église se rend compte qu’elle a totalement abandonné le suivi de ces couples remariés à la société civile ? Est-ce que Jésus – comme c’est déjà le cas pour la question de la place des femmes – sera bientôt mieux entendu dans la société civile que dans sa propre Église ? Monseigneur Vesco est vraiment fondé à dire que priver des sacrements de la réconciliation et de l’eucharistie est un acte grave !

Et pourtant certains préfèrent s’écarter de ce devoir primaire et essentiel. Quelles stratégies y a-t-il derrière leur « non » ?

D’un côté du spectre, il y a les enfumeurs, qui vous entortillent dans un tourbillon de mots doucereux et compliqués, qui s’arrangent pour vous faire perdre le sens de l’orientation dès leur 3e phrase (bien longue, aux mots compliqués), et ensuite vous baladent en pente douce jusqu’à ce que vous tombiez dans le piège qu’ils vous ont tendu.

De l’autre côté, il y a les artilleurs qui vous bombardent à tout bout de champ de : « Jésus a dit ! » alors que, justement, Jésus a dit bien autre chose de plus important que le petit verset tiré de son contexte qu’ils vous envoient à la figure comme un boulet de canon. Oui, la parole de Jésus se prête mal aux petites phrases en tire-boulettes. Sa parole est ample, elle est esprit avant d’être lettre. Jésus, c’est le contraire de l’obsession de séparation et de jugement. Il a donné sa vie pour que soit grand ouvert le manteau de l’humanité, en refusant d’exclure les impurs, les malades, les femmes, les publicains, les étrangers, les enfants… Même les possédés, il les a réintégrés ! C’est à eux aussi qu’il a annoncé la Bonne Nouvelle, et ce sont eux qui l’ont entendue les premiers.

Enfin, en bonne place parmi les tenants du « non », il y a les procureurs, qui requièrent au nom de la « puissance d’Église » : ceux-là vous parlent péché, vérité, exigence, volonté, prix à payer. Pas de relaxe, et jamais de circonstances atténuantes. La loi, toute la loi, rien que la loi, coule à gros bouillons de leur gosier…

Les enfumeurs, les artilleurs et les procureurs ont ceci en commun de vouloir des mérites, des catégories, des séparations. Leur idéal, c’est la frontière et le poste de douane, comme l’avait relevé le pape François. Ainsi, au nom de la loi, ils arrivent à ranger d’un côté les bons, de l’autre les mauvais. Ah, la méthode est éprouvée : rien de tel pour asseoir un pouvoir, et même pour s’assurer le soutien des bons afin de tenir à l’écart les mauvais. Diviser pour régner, ils ont tout compris. Entre leurs mains, les gens ne sont plus que des légions de soldats de plomb avec lesquels ils jouent…

Par son refus de l’exclusion, Jésus s’était déjà affronté à d’autres enfumeurs, d’autres artilleurs, et d’autres procureurs. Ils formaient le personnel du Temple, prêtres et lévites, installés dans de plantureux bénéfices, et acharnés à multiplier les préceptes qui étouffent, divisent, humilient, et mettent les consciences en servitude.

Preuve que le combat contre l’exclusion est toujours à reprendre. L’exclusion est une hydre qui renaît, en nous et entre nous. Sauf qu’aujourd’hui, c’est au nom même de Jésus que certains souhaitent continuer à exclure. Il n’est pas possible de se taire.

Anne Soupa

Cf : http://synode-famille.blogs.la-croix.com/les-enfumeurs-les-artilleurs-et...