Aller au contenu principal
Auteur
Loïc de KERIMEL


Dimanche 2 décembre 2017 – 1er dimanche de l’Avent – Lc 21, 25-28.34-36

Traditionnellement, le commencement et la fin de l’année liturgique nous invitent à méditer sur… le commencement et la fin. Et cela, à l’aide des paroles « apocalyptiques » de Jésus dans les évangiles synoptiques. Alors que débute la période préparatoire à la fête de Noël, celle où la nuit semble en passe de l’emporter sur le jour, il nous faut être particulièrement attentifs à « ce qui arrive », à « ce qui nous arrive », ce qui est le sens étymologique du mot Avent.
 
À cet égard, la fin du chapitre 21 de l’évangile de Luc est éloquente. Comme tout paysan sait le faire en familier de la nature qu’il est, entraînons-nous à déchiffrer les « signes des temps ». Dans les versets 29-33 que le lectionnaire romain, incompréhensiblement, ne reprend pas, nous lisons ces paroles attribuées à Jésus : « Voyez le figuier et tous les arbres : dès qu’ils bourgeonnent vous savez de vous-mêmes, à les voir, que l’été est proche. » « Vous savez de vous-mêmes » : l’Évangile n’est pas là pour nous dire ce qu’il faut faire, mais pour nous encourager encore et toujours à puiser dans nos ressources propres, dont il nous arrive souvent de méconnaître que nous les avons, pour faire face avec conscience et responsabilité à « ce qui arrive ».

Un philosophe contemporain, instruit, comme beaucoup aujourd’hui, de ce que divers phénomènes « naturels » laissent présager de plus en plus clairement quant à l’avenir de notre monde – « fracas de la mer et signes dans le soleil » –, a titré son dernier ouvrage Le mal qui vient. Il est en effet frappé qu’au moment même où, pour peu que chacun s’efforce de garder les yeux ouverts, le sentiment qu’« il y a urgence » devient de plus en plus vif, se déchaîne sous de multiples formes ce qu’il appelle la « tentation du pire ». Au vu et au su de tous, le responsable de la première puissance mondiale invite son pays à s’enrichir encore plus, à faire « traverser les terres quasi inviolées du pays à des hydrocarbures lourds, à les faire raffiner à l’autre bout du continent pour rejeter dans l’atmosphère commune des centaines de millions de tonnes de polluants, à payer des scientifiques menteurs pour nier l’impact à long terme de ces dégâts, etc. »

« Soyez sur vos gardes, que vos cœurs ne s’alourdissent dans l’ivresse, les beuveries et les soucis de la vie », dit Jésus. Le cynisme de l’« après moi, le déluge », l’érection privée ou publique de multiples « murs de séparation », diverses formes, plus ou moins raffinées, d’égoïsme « decomplexé » semblent en passe de devenir communs et banals. Contre les espoirs suscités un temps par les avancées de la démocratie et des droits de l’homme, tout indique que la nuit gagne, que la barbarie est de retour, que l’enfouissement de la disposition naturelle à la compassion et à la pitié relève de la « charité bien ordonnée ».

« Restez éveillés dans une prière de tous les instants pour être jugés dignes d’échapper à tous ces événements à venir et de vous tenir debout devant le Fils de l’Homme. » Comme le font encore trop souvent croire les discours qui privilégient une autre vie par rapport à la vie présente, « échapper à tous ces événements à venir » ne peut vouloir dire échapper à un avenir naturel de plus en plus probable, mais d’abord à « ce qui nous arrive » lorsque, la « tentation du pire » nous saisit, comme Satan au désert. « Nous tenir debout devant le Fils de l’Homme » n’est pas une possibilité offerte seulement dans un autre monde que le monde présent, c’est « le bien à faire » dans le monde présent à l’égard de tous ces « fils de l’humain » que nous devons être les uns pour les autres et pour l’humanité à venir.
 

Loïc de Kerimel