Aller au contenu principal
Thèmes / Paul de Tarse / Vos questions, vos remarques / Sur la conclusion : réformer le judaïsme ?

Sur la conclusion : réformer le judaïsme ?

Arrivée au terme de cette lecture si riche, je suis admirative de l’érudition et de la profondeur de réflexion de Daniel Marguerat. Quelques points d’interrogation :
DM page 404 : « Nous savons maintenant de façon claire que l’homme de Nazareth a voulu réformer la foi ancestrale du judaïsme sans l’intention de fonder un mouvement qui s’érigerait en religion autonome ». Réformer le judaïsme, d'accord, mais lorsque le Christ donne mission à Pierre de bâtir son Eglise, que devenons-nous entendre ? L’annonce d’une simple réforme du judaïsme ? Plus loin DM évoque Paul, interprète du Christ, notamment à travers le thème de l’universalité. Le Christ pouvait-il ignorer la portée universelle de sa propre Parole et du don consenti de sa vie ? pas recevables pour la plupart de ses contemporains juifs, il le savait, mais recevables ailleurs, par d’autres, pour être transmis.
Il a pressenti les loups qui s’introduiraient au milieu des disciples pour dévoyer sa parole et les déchirements qu'elle provoquerait. Comment n’aurait-il pas entrevu que si cette parole « tenait bon » dans la transmission elle exploserait le cadre du judaïsme et irait bien au-delà de la Judée et de la Galilée, et de la seule oralité ?

Créé par : Cécile Jeanne

Date de création :

Commentaires

Posté par Roselyne

ven 06/06/2025 - 18:22

Permalien

Pour revenir sur votre belle question, je voudrais d'abord m'interroger sur cette espèce de parallélisme proposé entre Jésus et Paul. Je comprends très bien la démarche de DM, mais elle a pour moi un véritable inconvénient, celui de créer justement un faux parallèle. Car nous connaissons Paul (au moins partiellement) par ses lettres, et par le travail de Luc dans les Actes (à critiquer), et nous pouvons nous faire une idée de son universalisme ; mais nous ne connaissons Jésus qu'à travers des textes (les évangiles, les lettres de Paul) qui témoignent de Jésus Christ Fils de Dieu ressuscité. Et ce témoignage qui est une relecture toute  entière éclairée par le phare de la Résurrection est déjà une interprétation (ou des interprétations) de la portée de sa vie et de son message. 
Autrement dit, jusqu'où pouvons-nous atteindre, comme semble le faire DM, le projet, les options, et l'attitude de Jésus de Nazareth, envers son peuple, les Juifs, les non-Juifs, les autorités du Temple et les autorités politiques. Il est clair que le travail a été fait avec une acuité remarquable par des exégètes comme JP Meier ( 4 tomes), ou plus simplement de J.A. Pagola, mais Pagola le reconnaît lui-même, notre point de vue est toujours plus ou moins teintée par l'événement mort-résurrection.
Ayant dit cela, on peut tout de même tirer des éléments très intéressants de la "comparaison" ou du "parallèle" ébauchés. Sur l'universalisme, la question que vous posez très justement, voilà ce que je peux essayer de dire :

L'évangile de Matthieu souligne de façon très claire qu'en quelques années de mission publique (3 ans ?), Jésus, comme il le dit lui-même à ses disciples, n'a "pas eu le temps de faire le tour de toutes les villes d’Israël avant que vienne le Fils de l’Homme » (Mt 10, 23). A deux reprises, Jésus rappelle qu’il n’a été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël : « n’allez pas vers le chemin des païens et n’entrez pas dans la ville des Samaritains » (Mt 10, 5-6 et 15,24).
D’ailleurs, dans les évangiles synoptiques, Jésus sort peu des frontières d’Israël, même s’il rencontre quelques païens exemplaires : la femme Cananéenne (Mt) ou syro-phénicienne (Mc 7, 24) absente de Luc, les ou le possédé de Gadara/Gérasa. Et Luc en fait même un ressort majeur de son double livre : l’évangile et les Actes.
La scène de Luc 4, 16ss, Jésus dans la synagogue de Nazareth, qui met en perspective la mission mieux accueillie par les païens que par les Juifs, est programmatique pour les deux livres : d’abord l’évangile, où Luc ne fait pas sortir Jésus des frontières d’Israël, ensuite les Actes, dont l’enjeu est bien le passage de Jérusalem à Rome, des Juifs aux nations païens. Le nœud des Actes, au chapitre 15, est bien l’accord difficile et flou à Jérusalem d’une mission aux païens, sans leur imposer la circoncision, une mission dont Paul s’est fait le héros.
Ce qui est magnifique et extrêmement fort et juste chez Luc, c’est la façon dont Pierre, puis Paul sont convertis par l’Esprit saint pour passer le pas et baptiser des païens (conversion de Saul, baptême par Pierre du centurion Corneille). Pierre s’en explique longuement en Actes 10, 46-48 et 15, 7-11.
Et le raisonnement est admirable : Jésus est allé sans cesse aux périphéries du monde Juif, vers les malades, les handicapés, les lépreux, les collabos (publicains) : les impurs et les exclus. Il a cassé le système fermé des cercles de pureté du Temple. 
Pierre et Paul, inspirés par l’Esprit de Jésus, considèrent qu’il faut désormais aller aux plus impurs et aux plus exclus, aux païens. Et Jacques de Jérusalem prend le relais : « L’Esprit saint et nous avons décidé que… » (Actes 15, 28).
Et c’est bien l’Esprit de Jésus qui ne cesse d’animer Paul, et de lui faire écrire : « il n’y a plus ni Juif  ni Grec, ni esclave ni homme libre, il n’y a plus masculin et féminin, mais tout vous êtes un en Christ Jésus » (Ga 3,28) ; suit le passage central des Galates sur l’envoi du Fis et de l’Esprit du Fils en 4, 4-6.


Excusez-moi d’avoir été si longue, mais je pense qu’il est important de clarifier  autant qu’il se peut ce « parallèle ».

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.