Je veux bien éviter toute ambiguïté : je constate que les deux présentations sont incompatibles, et plutôt que de chercher une vaine harmonisation, je considère que chacun des deux écrivains, Paul et Luc, compose son récit en fonction de la vision des événements qu'il veut donner (et certainement pour Paul en fonction de la façon très subjective et passionnée dont il a vécu les événements).
Paul a vécu sa seconde montée à Jérusalem comme une démarche nécessaire, indispensable même à la vérité de l'Evangile ("selon une révélation" ! Ga 2, 2), mais extrêmement difficile et risquée (voir le vocabulaire de combat des versets 4 et 5). Il est allé exposer sa façon d'évangéliser (sans imposer la circoncision) aux "notables" de Jérusalem et considère que, malgré un entourage très hostile, Jacques, Céphas et Jean ont reconnu l'authenticité de sa mission (v. 9). Sans exiger de lui rien de plus, et lui n'a rien exigé de plus d'eux !!! (voir le parallélisme des v. 7 et 8).
Luc situe beaucoup plus tôt l'accord de Jérusalem, juste au retour d'un premier voyage missionnaire de Paul (sur lequel il reste flou ou muet : Paul a-t-il baptisé des païens ?), et met en scène l'accord solennel de l'assemblée des anciens sur la proposition de Jacques ("l'Esprit saint et nous avons décidé que" Ac 15, 28). Il sait que l'avenir de la mission chrétienne dépend de cette décision, et qu'à l'époque où il écrit les païens sont en passe de devenir majoritaires.
Il introduit les "restrictions" ou "décrets" pour honorer la possibilité d'une commensalité, dont il sait que finalement Paul l'a souhaitée aussi. Même s'il est clair que ces restrictions ont été mises en place à Jérusalem en l'absence de Paul (historien honnête, Luc le rappelle au chapitre 21, 17 des Actes.

J'espère avoir été aussi claire que possible....