Un grand merci de cette belle mise face à face des deux figures de Pierre et de Paul dans cette confrontation d'Antioche qui a quelque chose d'exemplaire.

Une remarque d'abord : Paul ne dit pas comment l'affaire s'est terminée, car après sa mise en cause publique de Pierre, il arrête net son récit pour rentrer dans son argumentation. Et il évite de dire si Pierre a répondu et ce qui s'est passé. Comme je suis très "méchante", je pense que si Paul l'avait emporté sur le champ, il l'aurait raconté, et s'il ne le dit pas, c'est que finalement, au moins momentanément, Pierre a repris la main et calmé le jeu entre les groupes pagano-chrétiens et ceux venus d'auprès de Jacques ! Avec Barnabé, ils ont accepté de manger casher avec ces derniers et ont dû expliquer la situation aux autres...
Mais à long terme, bien sûr, vous le rappelez, nous devons à Paul de connaître l'Evangile, et dans les décennies qui vont suivre, les pagano-chrétiens vont former le gros des troupes des chrétiens ! Il a donc aussi gagné.
Toutefois, il a su aussi adoucir sa position et faire les compromis nécessaires : en1 Corinthiens 8 et 10, il dit clairement que la seule chose qui compte est de ne pas scandaliser le frère faible, celui qui a peur des nourritures impures. Il faut tout accepter pour ne pas perdre ce frère-là ! C'est au fond la pratique choisie par Pierre !

Ceci dit, en prenant du recul comme vous le faites, il est tout à fait passionnant de voir en Paul et Pierre deux figures en tension mais complémentaires (et nécessaires) du christianisme : la radicalité paulinienne pour préserver la "vérité de l'Evangile" (tous sont sauvés sans discrimination et par pure grâce), et la souplesse pétrinienne pour préserver l'unité entre les chrétiens, au prix de compromis (qui ne sont pas des compromissions !).
Il y a eu quelque chose de cela dans la séparation entre Réformés et Catholiques, mais toujours de façon plus nuancée et  plus partagée... Nous devons tenir les deux : la radicalité de l'Evangile, le souci du frère plus faible !

Un dernier mot : pourquoi n'avoir pas gardé le nom araméen de Jésus ? Parce que ce nom hébreu et araméen qui est aussi celui de Josué (IoShuah) avait déjà été traduit en grec dans la traduction juive des Septante  Ièsous, traduit ensuite Iésus en latin. 
La question serait plutôt : pourquoi n'avons nous pas gardé le nom "Jésus " (du grec Ièsous) pour Josué ?
En Hébreux 4, 8, le grec et le latin parlent de Ièsous/ Ièsus... et nous traduisons "Josué" !
Je me demande si cela n'apaise pas les chrétiens de distinguer Josué et Jésus, mais ce serait vraiment intéressant et riche de rappeler que c'est le même nom (Josué est celui qui fait entrer le peuple dans la terre que Dieu a préparée pour lui) !
 

Pleins de compassion les uns pour les autres ! A condition de donner au mot toute sa noblesse, je trouve que vous proposez un magnifique mode de vie pour toutes les communautés chrétiennes. Et si nous arrivions à le vivre entre tendances et courants dans l'Eglise catholique ... et entre différentes Eglises chrétiennes.... You have a dream !

Et voilà que Paul lui-même s'y est mis. Si vous lisez  (et nous le lirons) 1 Corinthiens 8, vous découvrirez un Paul qui décide de devenir vegan pour ne pas scandaliser le frère plus faible que la consommation de viande sacrifiée aux idoles terrifie ! Paul à nouveau y va très fort : "et le frère qui est faible (comprenez scrupuleux) périt à cause de ta connaissance, le frère pour lequel le Christ est mort" (1 Co 8, 11).
Finalement il rejoint Pierre quand il le faut, mais il sait être intransigeant quand il le faut aussi !