A mon avis, pour nous aujourd'hui, cela n'a pas beaucoup d'importance. Il me semble que sur le fond il s'agit de bien comprendre que, pour les païens,le passage par la Loi juive n'est pas nécessaire pour vivre de l'Evangile! Je remarque quand même que Paul est renvoyé en "mission" accompagné de Judas et Silas, "personnages en vue parmi les frères" V22, garants d'une certaine orthodoxie?
Si Luc se fait "plus théologien qu'historien" n'est-ce pas parce que d'une part les données dont il disposait n'ont rien à voir avec ce dont dispose ceux d'aujourd'hui, mais surtout parce que son but est de montrer le "parcours de Paul en utilisant les faits qu'il connaît.
Merci pour les éclairages sur les mots "église" et "modèle".
Créé par : Michard Geneviève
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Je vous remercie non…
Je vous remercie non seulement de votre question, mais de la façon très nuancée et juste dont vous répondez !
Evidemment l'historien, heureux d'avoir au moins deux sources différentes sur les mêmes faits est tenté d'harmoniser et D. Marguerat essaie de le faire. Car le but est toujours de tracer une chronologie paulinienne !
Je suis d'accord avec vous : cela a-t-il tant d'importance ? D'autant qu'un même événement peut être très différemment vécu et raconté, mais aussi qu'il y a probablement eu plusieurs moments et étapes dans cette affaire.
Comme vous le dites, l'essentiel est ce passage de l'Evangile aux païens, qui a définitivement fait sortir les chrétiens de la sphère du judaïsme, même si certains lui restaient très liés, et que, dans tous les cas, la matrice du christianisme est juive.
Mais il est intéressant aussi de voir que cela ne s'est pas fait sans douleur, en tout cas, sans débats et sans hésitation, et que le consensus n'a pas été du tout évident (tous probablement n'ont pas été convaincus). Et les deux textes témoignent chacun à leur façon de ce difficile accouchement. Chacun le fait dans une visée théologique bien particulière.
Luc reste un historien, à la façon dont on pouvait l'être dans l'Antiquité. Mais le prologue de son évangile montre qu'il a enquêté, composé, reconstruit, etc (Lc 1, 1-4). Il avait des sources orales et écrites, il semble qu'il connaissait quelques "bonnes pages" de Paul qui circulaient déjà (vers 85/90), mais aussi le début de la "légende dorée" paulinienne à laquelle d'ailleurs il participe ! Les historiens de l'Antiquité ont souvent à l'arrière plan une sorte de philosophie de l'histoire (pour les Grecs, après Thucydide, l'idée que ce sont les passions humaines qui conduisent l'histoire), pour le juif Flavius Josèphe (contemporain de Luc), c' est la Providence divine, pour Luc, c'est la marche de l'Esprit qui conduit la Parole de Jérusalem à Rome (du monde juif au monde païen), grâce aux apôtres et notamment à Paul ! Et il organise les faits qu'il connaît dans le cadre de cette avancée qu'il veut unifiée, mais en bon historien, il laisse entendre que les choses n'ont pas été si simples. En même temps, il construit la figure de Paul adaptée à cette mission, et met en place un schéma un peu rude : rejeté par la majorité des Juifs, Paul passe chez les païens (les Gréco-romains). Luc reste honnête, chez les païens le succès est très mitigé (voir Actes 16 et 17, mais aussi 19) ! Il n'empêche, même prisonnier, Paul arrive à Rome !
Paul, lui, défend sa mission (l'authenticité de sa vocation) et sa conviction que l'Evangile est pour tous et a d'emblée dimension universelle. Et il prend les moyens d'échapper aux opposants trop liés au judaïsme, et de convaincre (ou de forcer la main à) ceux de Jérusalem (Pierre, mais aussi Jacques... qui consent enfin !).