Nous avons terminé en équipe le 1er livre d’André Wénin sur la Genèse. Parcours passionnant mais qui nous laisse un peu sur notre faim.
En effet, Wénin analyse, décortique le texte avec beaucoup de rigueur mais ne prend pas de distance. Si nous suivons l’hypothèse que Dieu se révèle à l’humanité à travers ce texte (et l’ancien testament en général, ce qui est nécessaire pour que Jésus n’arrive pas au milieu de nulle part), nous ne pouvons croire aux caractéristiques “négatives” sur Dieu: il se fâche, il dit qu’il s’est trompé sur l’homme, il envoie un déluge pour liquider l’humanité… On ne peut pas en principe ne garder que les caractéristiques “positives”, comme l’attention, la sollicitude de Dieu pour l’humanité, et son respect pour la liberté des humains… et dire que c’est bien et laisser de côté le reste comme si cela n’existait pas.
Certains membres de l’équipe auraient aimé que Wénin prenne de la hauteur, au moins dans sa conclusion. Et nous dise voilà ce que nous avons appris sur Dieu et pourquoi il faut écarter le reste ou ce qu’il faut en penser (à la lumière de ce que Jésus nous dit de Dieu).
D’autres se demandent si dans ces premiers chapitres de la Genèse, on ne découvre pas un Dieu « ajustant » son attitude en fonction du comportement des humains qu’il a créés. On pourrait dire un dieu assez anthropomorphique comme dans les peuplades primitives.
Equipe de l'Hay
Créé par : Christine pour l'équipe de l'Hay
Date de création :
Un Dieu anthropomorphe
Chers amis,
Votre question est immense, elle est double, la question de Dieu et celle de la Révélation, et c’est en partie la même. Vous savez bien que je ne vais pas vous donner de réponse ni complète ni définitive., mais je vais essayer de vous dire ce que je pense (au moins aujourd’hui) en avançant par petits pas.
D’abord le fait que Wénin ne « conclut » pas : sur Dieu, heureusement, il se garde bien de dogmatiser comme s’il avait la vérité, je lui en suis reconnaissante. A chacun de se frayer un chemin dans la jungle des interprétations ! Mais vous verrez au début du second livre qu’il se résume de façon plus claire et plus incisive sur ce qu’il a voulu dire dans le premier.
Ensuite quel est le « Dieu » de la Bible ? Faut-il s’indigner des anthropomorphismes, d’un Dieu parfois partial, vengeur, jaloux… et tellement humain ? J’essaie de prendre un peu de distance (et je simplifie à l’excès) : la Bible, pour moi, c’est la bibliothèque d’un petit peuple qui, à plusieurs reprises dans son histoire, s’est penché sur son passé, a rassemblé toutes ses vieilles légendes et traditions orales, contes, poèmes, corps de lois, proverbes… et les a retravaillées (plusieurs fois ? à un ou deux siècles de distance chaque fois), pour en faire une sorte de « récit national », et découvrir le « dieu » qui l’accompagne, ou plutôt qui le précède, qui l’attendait et lui propose son alliance.
La découverte a évidemment été multiple et différente selon les époques et les groupes, et on a une multiplicité de noms de « dieu » dans la Bible , depuis la « Terreur d’Isaac » (Gn 31, 53) et le « Fort de Jacob » (Gn 32, 29), le grand dieu du ciel mésopotamien El (devenu Elohîm, les dieux ou un pluriel de majesté), et le Dieu du Sud, YHWH, un dieu guerrier, dieu de l’orage (voir le Psaume 18), qui a fini par intégrer tous les autres.
A partir de quand ? la fin de la royauté ? l’exil ?, Israël affirme le Dieu unique, YHWH ou YHWH Elohîm, ou Elohîm, ou El. Mais je trouve génial d’avoir conservé toutes ces traces de la diversité des divinités, pour montrer que Dieu se révèle aussi chez les autres…. Et en Allah (dont le nom vient de El !).
Surtout Dieu se révèle (et se dit) à la mesure de humains qui le découvrent et le disent. Donc de façon contextuelle, partielle, partiale etc. A notre minuscule mesure à chacun. Les Egyptiens avaient des dieux zoomorphes, ce qui est une horreur pour les Juifs (voir Paul Romains 1, 19ss.). Très tôt, l’idée se fait du refus des images (le « veau d’or »), car elles tirent toutes vers l’idolâtrie.
Il faut pourtant parler de Dieu ; l’anthropomorphisme n’est-il pas le meilleur moyen ? On dit Dieu à l’image de l’homme puisqu’il a fait l’homme à son image. Et peut-être les anthropomorphismes valent-ils mieux que les concepts qui leur ont succédé…Pour ma part, j’aime mieux un Dieu Père amoureux et follement jaloux qu’une Trinité en triangle équilatéral !
Oui, bien sûr, on a l’impression que Dieu « ajuste son comportement en fonction des humains qu’il a créés », mais il faut vraiment renverser la proposition ; car on est dans de la littérature, pas dans la vérité qui tombe du ciel comme la Pravda ou le Coran. Et les auteurs montrent bien que, dans la mesure où les humains sont toujours dans la volonté de puissance, la méfiance, le soupçon et le refus de la dépendance, l’image qu’ils se font de Dieu est un Dieu jaloux de son pouvoir, qui les maltraite et finit par les exclure de « son » jardin ! A la fin de Genèse 3, on a une image de Dieu vue par le prisme de ceux qui ont peur de la puissance divine qu’ils imaginent aussi perverse qu’ils les sont eux-mêmes et même un peu plus.
Les hommes font Dieu à leur image, ou lui reprochent de ne pas correspondre à ce qu’ils souhaiteraient. Oui, Dieu reste incompréhensible. Et plus que jamais, on ne peut plus dire après Auschwitz Dieu tout puissant, il faut le dire autrement, il faut revenir avec Paul au Christ crucifié, folie et scandale, au Dieu des faibles, au Dieu qui se tait et auquel nous ne comprenons plus rien. Et tenter de tendre l’oreille au cri et à la souffrance des hommes, la regarder et tenter de voir au-delà du visible…
La suite sur la question d’après !