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La réciprocité dans l'alliance

Trois questions imbriquées sur le thème de la réciprocité dans l'alliance :
- A. Wénin semble distinguer l’alliance unilatérale (Gn 15,6.18-21) de l’alliance bilatérale qui émerge peu après dans le récit (Gn 17). N’est-il pas préférable de considérer une seule alliance dont Dieu a l’initiative mais qu’Abraham ne découvre que progressivement ? Il ne comprend pas au départ la réciprocité inhérente à la proposition de Dieu (celle de considérer YHWH comme le Dieu de son peuple), mais l’alliance ne suppose-t-elle pas, par nature, cette réciprocité ? Pour moi, la circoncision n’est que la marque qui rappelle au « circoncis » que c’est tout son agir, vis-à-vis de Dieu et vis-à-vis des autres humains, qui doit traduire son adhésion à cette alliance, comme la Torah l’expliquera dans les récits de l’Exode autour de Moïse (mais il est vrai que cela n'est pas dans le Livre de la Genèse). Qu’en pensez-vous ?
- Comment penser le rapport entre cette alliance conclue entre YHWH et Abraham, dont la circoncision est le signe et qui ne concerne que le clan d’Abraham, et celle que YHWH a déjà conclu avec Noé après le déluge, ouverte à l’humanité ?
- Peut-on établir un parallèle avec les écrits de Paul qui met vigoureusement en avant l’idée de la grâce et du salut par la foi (cf. votre réponse du 10/11/2023 sur 'L'élection et le peuple élu : pure gratuité de Dieu ?'), sans insister beaucoup, selon les interprétations habituelles des écrits pauliniens, sur la réciproque qui s’impose, à savoir la transformation de la vie du croyant – « qui oblige » selon cette même réponse ?

Créé par : Claude Laval

Date de création :

Commentaires

Posté par Roselyne

lun 04/12/2023 - 21:47

Permalien

Merci de cette réflexion sur l'alliance, qui est une notion qu'on emploie trop vite, alors qu'elle est multiple et difficile.
L'hébreu n'a qu'un mot BeRiT,  à la fois contrat, traité, alliance.  Mais il y a des expressions différences : donner l'alliance, couper l'alliance, qui ne doivent pas être classées systématiquement, mais qui montre que les traditions et les sources sont diverses.
Dans tous les cas, pour les auteurs bibliques, Dieu, et lui seul, a l'initiative. Il n'empêche, je crois que Wénin (avec toute la communauté actuelle des exégètes) a raison de distinguer plusieurs formes d'alliance. Vous avez-vous même évoqué l'alliance noachique, qui ne ressemble guère à Genèse 15 ou 17.
En gros, il me semble qu'il faut distinguer au moins trois façons d'envisager l'alliance proposée par Dieu :
-L'alliance deutéronomique, très caractéristique du livre du Deutéronome, mais qui a essaimé dans beaucoup d'autres livres : elle est pensée sur le modèle du contrat hittite entre le seigneur suzerain et ses vassaux. Le suzerain propose son alliance, il s'engage à protéger, nourrir, défendre ses vassaux ; en échange ceux-ci doivent remplir un certain nombre de condition : servir dans son armée, payer un tribut etc... Cette alliance est conditionnelle. Si les vassaux ne respectent pas les termes de l'alliance, celle-ci est rompu et le suzerain retire sa protection. D'où souvent une liste de bénédictions et de malédictions attachées à la conclusion de l'alliance.Lisez les chapitres 28 ou 30-31 du Deutéronome.
Une alliance de type assez identitaire, un peuple attaché à son Dieu, avec une haute exigence éthique.

-L'alliance sacerdotale (sur le modèle peut-être des "concessions royales" dans les empires environnants). Le suzerain fait don à son vassal ou sujet d'une terre, et s'engage ainsi envers lui de façon perpétuelle et inconditionnelle. Evidemment cela implique aussi des obligations de la part du bénéficiaire.
C'est plutôt le type d'alliance que Dieu fait avec Abram au chapitre 15 (avec un très archaïque rituel, correspondant peut-être à l'expression "couper l'alliance" ?), et en Genèse 17. La circoncision est la marque (normalement indélébile) dans la chair de cette alliance.
Une alliance plus largement offerte, avec une obligation de type plus rituel peut-être qu'éthique.
Voyez aussi l'alliance conclue entre Dieu et Moïse en Exode 24, avec un repas céleste assez époustouflant !
Alors, l'idée d'une alliance noachique qui vaut pour tout être humain a pu se dessiner, et être donc située avant toute circoncision... un engagement définitif de Dieu de ne pas détruire, et un essai pour contenir la violence humaine.

-Et puis on entrevoit chez les prophètes Jérémie et Ezéchiel une autre possibilité : ils sont très marqués par le courant deutéronomiste, l'exil, et donc un pessimisme très marqué vis-à-vis de l'incapacité pour les humains d'être fidèles à leurs engagements, et donc à l'alliance avec Dieu.
Alors se dessine l'espoir (eschatologique ) que Dieu, qui ne change pas et ne renonce pas, va changer le coeur humain (Paul dira "créer l'homme nouveau), et le rendre spontanément complice de sa volonté et du bien, en lui donnant son propre esprit. Lisez Jérémie 31, 31ss. Ezéchiel 36, 25-26.

Clairement Paul s'inscrit dans la mouvance de Jérémie/Ezéchiel et condidère que l'homme nouveau, au coeur accordé à la volonté de Dieu, c'est le Christ. Et que tout le travail du don de Dieu (la grâce) en nous est de nous faire entrer dans la foi du Christ, de nous conformer à lui, pour nous transformer/transfigurer en une création nouvelle ! (voyez Romains 12, 1 ; Philippiens 3, 10 et 21 ; Galates 4, 19) !

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