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Auteur
Louis-Michel RENIER

Le titre de cet article reprend l’argument que certains utilisent souvent pour rejeter la possibilité de mettre en place des célébrations dominicales de la Parole, là où il n’est plus possible de célébrer l’eucharistie. Pourtant cet argument ne peut tenir.

En effet lorsqu’elles sont proposées :

  • elles permettent de maintenir le rassemblement dominical. Tout chrétien a droit à pouvoir rencontrer ses frères le dimanche. Orienter tous les chrétiens d’un territoire vers l’eucharistie centrale, c’est délibérément empêcher certains qui ont plus de difficultés à se déplacer sur d’assez longues distances d’y participer. N’oublions pas : les célébrations de la Parole sont des célébrations dominicales dans des églises privées d’eucharistie. Célébrer la Parole de Dieu ne résulte pas d’une sous-estimation de l’eucharistie, mais consiste tout simplement à répondre à l’exigence pastorale de célébrer, en assemblée, le jour du Seigneur ;
  • elles doivent pouvoir s’articuler à l’eucharistie qui n’est célébrée qu’au lieu central de la paroisse. A nous d’inventer cette articulation pour que la communion apportée à la suite de l’eucharistie centrale permette de percevoir l’appartenance ecclésiale commune. De même il semble opportun de prévoir, aux grandes fêtes une seule  eucharistie  qui  rassemble  plusieurs  de  ces  communautés  locales.  Il suffira  de  choisir  une  heure suffisamment avancée pour permettre le rassemblement du maximum de chrétiens habitant sur le territoire ;
  • elles participent, spécialement en milieu rural au lien social à soutenir, là où progressivement disparaissent les commerces, les bars, la poste…etc. Les villes ne vivent pas la même situation, car la plupart du temps plusieurs messes y sont proposées, du fait de la plus nombreuse présence de prêtres en ces lieux ;
  • elles nécessitent de former des laïcs (ou les diacres) pour la présidence de ces célébrations.

Tout ceci s’appuie sur les recommandations du Concile Vatican II. Dans la Constitution de la liturgie, les pères conciliaires  ont écrit  (SC  n°35)  :  «   on  favorisera  la  célébration  de  la  Parole  de  Dieu,  surtout  dans  les  localités  privées de prêtre ; en ce cas, un diacre ou quelqu’un d’autre délégué par l’évêque, dirigera la célébration. »

Désormais, ces rassemblements s’appelleront « Célébrations Dominicales de la Parole ». Il y a quelques décennies eut lieu l’expérience des A.D.A.P. (Assemblées Dominicales en l’Absence ou en l’Attente de Prêtres). Cette formule fut abandonnée par les évêques pour diverses raisons, spécialement celle évoquée par le titre de cet article. Sans doute faut-il se réjouir de ce changement de nom. Car ce n’est pas d’abord la question des ministères qui se trouve ici en jeu, même si l’on en perçoit les conséquences pastorales, c’est d’abord la priorité du rassemblement le dimanche. Paul VI disait aux évêques de France en 1977 : « vous abordez la question des assemblées dominicales sans prêtres dans les secteurs ruraux où le village forme une unité naturelle pour la vie comme pour la prière, qu’il serait périlleux d’abandonner ou de disperser »… N’oublions pas que c’est la communauté chrétienne qui est « le sujet intégral de l’action liturgique » et que la participation des laïcs n’est pas au choix, mais demandée par la nature de la liturgie elle-même. » (SC n°14)

D’autre part, n’oublions pas le SC n°7 de la même Constitution qui insiste sur la diversité des modes de présence réelle du Christ : l’assemblée, la présidence, la Parole et les espèces eucharistiques. Certes, il est meilleur que les quatre modes soient rassemblés, mais permettre aux célébrations de la Parole d’exister, c’est faire vivre des communautés, peut-être restreintes mais réelles, c’est affirmer que le Christ est véritablement présent » là ou plusieurs se rassemblent en son Nom. ».

Car il y va de la vie spirituelle des chrétiens. Il suffit de penser aux expériences de la Russie, de l’Afrique ou de l’Amérique Latine marquées par le manque de prêtres ou l’interdiction de se rassembler dans les églises, pour se rendre compte combien les célébrations de la Parole ont permis à beaucoup de chrétiens de vivre de l’Evangile et de célébrer.
Oui, « acclamons la Parole de Dieu ». Ce disant nous acclamons, non pas un texte, mais bien la présence de Celui qui nous rassemble. Ce disant, nous ne dévalorisons pas l’Eucharistie, nous mettons en valeur la possibilité decélébrer la présence du Christ, là où l’eucharistie ne peut être assurée. Car c’est le Christ qui parle tandis qu’on lit dans l’Eglise les saintes Écritures. » (SC n°7)
 
Louis Michel Renier
 
Note : les extraits cités proviennent de la Constitution sur la Sainte Liturgie, Sacrosanctum Concilium, publiée lors du Concile Vatican II, le 4 décembre 1963