Synthèse du projet ARPPE
Constat général :
Aujourd’hui en France, moins de 2% des personnes qui se disent catholiques assistent régulièrement à la messe du dimanche. Nombreux sont ceux qui se sont éloignés des paroisses pour des motifs variés : les regroupements paroissiaux (éloignement des églises et rareté des messes dans le monde rural), un langage et des rites de célébrations qui n’ont plus vraiment de sens de nos jours, des postures autoritaires et cléricales, etc.
En même temps, des catholiques désirent se retrouver ensemble, en communautés fraternelles, ouvertes, pour échanger sur leur foi, le sens de la vie, se former et célébrer le Christ de manière vivante et attractive.
Là où les chrétiens ne se rassemblent pas et ne célèbrent plus, là où il n’y a plus de vie de communauté d’Église, lorsqu’il est coupé du monde, son environnement naturel, le christianisme s’étiole et disparaît. La Conférence des baptisé-e-s ne se résigne pas à cette lente désagrégation, aussi poursuit-elle son appui aux groupes locaux pour « célébrer autrement ».
Cette synthèse reprend les points essentiels du texte initial, et partage des orientations offertes à la réflexion de chacun, afin « d’inventer » des célébrations dans des lieux divers. Il ne s’agit pas d’un mode d’emploi et encore moins de consignes pour de pseudo-messes. Face à des formes de pratiques passives, la CCBF a conscience de l’urgente nécessité de réagir et d’aider les communautés locales à se réunir pour vivre une large fraternité dans la suite du Christ. En respectant la diversité des attentes et en associant à celles de la messe des pratiques renouvelées, les initiatives locales, diffusées dans le réseau CCBF, pourront ainsi se multiplier !
Puisque rien n’interdit aux laïcs de célébrer : qu’est-ce que Célébrer ? Célébrer quoi ? Y a-t-il un art de la Célébration ? Et enfin, comment repenser les habitudes en adultes-acteurs, en tenant ensemble la primauté du sens et un vocabulaire compréhensible par tous, afin de développer l’envie et le goût de célébrer… sans exclusives.
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Historique du projet ARPPE
- Lors des Assises 2019 de la CCBF, Gabriel Ringlet qui avait intitulé sa conférence « L’art de célébrer » nous avait partagé son expérience (livre L’éloge de la célébration)
- RDV CCBF # 1 de la CCBF (5-12-2020 YouTube « La voix des baptisés ») intitulé : « Confinement, célébration(s), communauté(s) » :
- - 1re partie
- - 2e partie
- apprendre à célébrer ensemble et partout en France, un défi heureux pour les baptisé.e.s que la CCBF décide d’accompagner.
- RDV CCBF # 5 (19-3- 2022 YouTube) : comment inventer de nouvelles communautés célébrantes ?
- La démarche synodale proposée par le pape François (thème IV du questionnaire pré-synodal adressé à tous les baptisés et intitulé « Célébrer ».) Les contributions CCBF sur ce thème ont été fort nombreuses.
Une célébration de baptisés, dans l’esprit de ARPPE, rassemble un certain nombre de personnes qui souhaitent vivre une expérience de communion, dans la fraternité́ et l’ouverture au monde « tel qu’il est et non pas comme on le rêve ». Ce type de célébration souple n’est pas formaté, n’est pas un « entre soi », ni une adaptation plus ou moins heureuse de la messe. C’est un moment de liberté́ et de créativité́ organisée qui s’adapte aux besoins et à l’hétérogénéité du groupe préexistant ou formé à l’initiative de quelques-uns qui en sont les animateurs ponctuels.
Quelques premiers repères :
- Écouter et être écouté sans jugement et avec discernement est primordial, comme aussi s’exprimer en toute liberté dans le respect des autres, différents socialement, culturellement et spirituellement.
- Il s’agit de rassemblements (le plus souvent en l’absence de prêtre) pour célébrer ; chaque fois différents, avec la nouveauté du moment comme un parfum de l’imprévu de Dieu. C’est en principe une expérience de communion.
- La célébration ne remplace pas et ne concurrence pas une célébration eucharistique ; mais la vie de foi se résume-t-elle à l’Eucharistie ?
- La célébration contient des fondements scripturaires (Ancien et Nouveau Testament, ce qui induit des formations), spirituels qui fondent sa pertinence. S’interroger ensemble sur le sens des Écritures participe d’une attention aux possibles dérives, notamment sectaires.
- La célébration qui est l’expression collective de la foi des baptisés soutient et dynamise un groupe éphémère, aide une communauté qui se délite ou qui est isolée.
- La célébration propose, en toute liberté et sans emprise, des repères, des paroles qui donnent sens à l’action éthique dans la vie quotidienne.
- La célébration est simple, modulable et donc adaptable à des « publics » différents et aux multiples occasions de célébrer les événements de la vie. Elle ne présente aucun caractère contraignant, et ne prétend pas répondre à toutes les situations.
- Chanter (choisir des textes connus de la majorité, mais qui ne soient pas des ritournelles pieusardes, parfois théologiquement caduques) – Prévoir aussi un moment de répétition avant la célébration. Des temps musicaux (enregistrements ou instruments). Prier et rendre grâce ensemble oralement ou en silence, le but étant de faire advenir calmement « une Présence », etc.
- Peut-être, dans la suite de la célébration, « débriefer » les expériences de célébration, l’actualité, etc.
La célébration peut avoir aussi un caractère œcuménique.
Accueil et rencontre :
- Une célébration est d’abord conviviale : chacun est invité et attendu. Ceux qui en ont eu l’initiative ont, en amont, communiqué amplement et de façon attractive, incitant les participants à inviter largement autour d’eux. Il s’agit d’abord de trouver un lieu agréable (idéalement bien situé) pour se retrouver, ponctuellement ou régulièrement. Il existe de nombreuses possibilités : chapelle, église, maison particulière, en pleine nature.
- Quel que soit le lieu choisi, veiller à l’esthétique de l’espace de célébration, car la beauté est en soi spirituelle (lumière, fleurs, objets symboliques, etc.).
- Les organisateurs « ouvrent » la célébration, en demandant aux participants qui se connaissent d’aller vers ceux qu'ils ne connaissent pas. Ils les présenteront ensuite à l’ensemble du groupe, de façon chaleureuse, informelle et non intrusive. La qualité de ce temps d'accueil est déterminante pour l’intégration des nouveaux venus : elle leur donnera envie de revenir et, pourquoi pas, de prendre l’initiative d’accueillir à leur tour. Ce « faire ensemble Église » est ce que demande, sans succès le plus souvent, une grande partie des catholiques, qui vont à la messe ou pas.
Accueillir chacun dans de bonnes conditions
Quelques suggestions :
- Préciser le déroulé de la célébration en fixant un timing souple avec un temps assez long pour l’accueil-rencontre.
- On peut aussi désigner à voix haute les organisateurs, afin qu’ils entrent facilement en contact avec les nouveaux venus. Proposer à celle ou celui qui vient pour la première fois (visiteurs, membres inhabituels des familles, vacanciers, etc.) de se nommer et de se présenter pour ensuite échanger et faire connaissance. Il importe de pouvoir dire qui l’on est, ce que l’on fait, pourquoi l’on est venu, voire ce qu’on attend de cette assemblée, et avec toute la liberté requise.
- Proposer de fêter ce qui peut l’être : fêtes, anniversaires... demander en amont les nouvelles à partager, etc.
- Faire une vraie place aux enfants et adolescents, sans les éloigner de l’ensemble du groupe, car ils sont partie prenante et représentent l’avenir ; cette inclusion des enfants est par ricochet un signal d’accueil fait à leurs parents.
- La convivialité et la chaleur fraternelle créent des « rencontres » simples et fluides, tous attentifs à celles et ceux qui semblent isolés.
PARTAGE et ÉCOUTE de textes bibliques ou autres
- Choisir des textes de la liturgie du jour ou dans la Bible, (attention aux traductions ! surtout pour l’Ancien Testament), mais aussi des textes profanes riches de sens (voir notamment les propositions du Lectionnaire de la CCBF ⇒ https://baptises.fr/lectionnaire-des-baptises).
- Tenir compte des circonstances et de la typologie de l’assemblée.
- Lire ces textes à haute voix, attentif à en dégager le sens (cela peut demander de se former et/ou de s’entraîner) afin que chacun puisse se les approprier.
- Écouter le commentaire éventuel, préparé par l’un des animateurs de la célébration ou pris sur le site de la CCBF. Il ouvrira des pistes de réflexions. Ce commentaire court, laisse ouvert des perspectives.
- On peut aussi simplement dégager « la pointe » du texte, sans paraphrases inutiles ou digressions ennuyeuses et des contextualisations peuvent, bien sûr, être faites. On peut aussi instaurer un dialogue avec les participants.
- Réagir et partager sur le sens de ces textes ;
- la compréhension de chacun varie selon les personnalités et l’histoire de chacun, avec les joies ou les souffrances du moment. On peut laisser chacun (sans raconter sa vie !) dire ce que le texte lui a fait découvrir et l’écouter sans a priori, ni jugement.
- Éviter les réponses toutes faites, style « catéchétique » ou prescriptives, même si certaines personnes sont en demande.
- Parfois, répondre à une question par une autre question fait avancer la réflexion personnelle.
- Partager un apéritif, un buffet, un repas donne toujours corps au plaisir d’être ensemble et renforce le processus de rencontre. D’ailleurs, écouter et parler en préparant et en partageant le buffet fait partie de la célébration ou la prolonge (dans la Bible et les Évangiles, on ne compte plus le nombre de repas préparés et partagés ensemble, sans oublier la Cène-repas pascal de Jésus avec ses apôtres).
PRIÈRE ET ENVOI
Des prières adaptées aux circonstances et aux personnes réunies :
- des prières collectives traditionnelles ou originales qui signent l’existence, à un moment donné, d’une communauté ;
- des prières « libres » – expression des baptisés en termes d’action de grâce, de demande, etc.
- idéalement courtes et ajustées à la célébration ;
- des moments de méditation silencieuse, respiration dans les soucis du quotidien, accompagnés ou pas de musique ;
- des psaumes psalmodiés ou lus, textes qui relient la communauté du moment aux générations qui l’ont précédé et se sont adressés à l’Éternel.
La célébration se termine par un envoi, vers le monde, pour agir en témoins du Christ.
« … Je m’élèverai par-dessus les symboles jusqu’à la pure majesté du Réel […] Cette multitude agitée, trouble et distincte dont l’immensité nous épouvante, cet océan humain dont les lentes et monotones oscillations jettent le trouble dans les cœurs les plus croyants, je veux qu’en ce moment, mon être résonne à son murmure profond. Tout ce qui va augmenter dans le monde au cours de cette journée, tout ce qui va diminuer, tout ce qui va mourir aussi, voilà, Seigneur, ce que je m’efforce de ramasser en moi pour vous le tendre, voilà la matière de mon offrande, la seule dont vous ayez envie ! »
Teilhard de Chardin, La messe sur le monde.