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Auteur
Christian et Nathalie MIGNONAT

Coordonnateurs nationaux des Équipes Reliance qui accompagnent des divorcés-remariés, Christian et Nathalie Mignonat qui ont été invités au synode sur la famille en qualité d’auditeurs nous invitent aujourd’hui à fêter le premier anniversaire d’Amoris laetitia.

Bon anniversaire, Amoris laetitia !

Il y a juste un an, nous étions à Paris pour accueillir cette exhortation tant attendue. Nous l’avions reçue la veille au soir et avalée en une nuit et en un voyage TGV Lyon-Paris pour être prêts à répondre à la question que les journalistes n’allaient pas manquer de nous poser : « Alors, les divorcés-remariés vont-ils pouvoir enfin communier avec cette exhortation ? » Et nous avions prévu notre réponse qui n’a pas beaucoup varié depuis la « Relatio finalis » d’octobre 2015. Avec Amoris laetitia, une porte s’ouvre vers les sacrements, pour les personnes divorcées engagées dans une nouvelle union qui en prennent sincèrement le chemin dans une démarche de discernement personnel et pastoral.

Que s’est-il passé depuis un an ? Comment Amoris laetitia a-t-elle été reçue ?

Ceux qui se sont littéralement jeté sur l’exhortation dès sa sortie ou même qui ont cherché à récupérer le texte avant le 8 avril ont sans doute commencé par le chapitre VIII pour voir comment était traitée la question sur l’accueil aux sacrements des personnes divorcées-remariées. Il y avait ceux qui souhaitaient des paroles sans ambiguïté de rappel fort de la doctrine et ceux qui voulaient des paroles claires d’« autorisation » enfin donnée aux personnes jusque-là « empêchées » d’accéder aux sacrements.

Dans un premier temps, tous ceux-là ont été déçus ! Mais peu à peu un chemin s’est faufilé en passant par les paragraphes 300 et 305, les notes 351 et la référence à Evangelii gaudium (n° 44 à 47) que manifestement personne n’avait bien lu à sa sortie en 2013 et qui était le projet de pontificat du pape François. Et au début pas grand-chose ne bougeait dans les hautes sphères. Mgr Jean-Paul Vesco parle d’un silence assourdissant !

Plus ces chemins de discernement se dessinaient au travers des prises de parole de cardinaux proches du pape et plus l’opposition à l’ouverture s’est manifestée, jusqu’au plus haut niveau pour certains cardinaux qui ont exprimé leurs « doutes » et même plus puisque certains se proposaient de « corriger » les erreurs du Pape ! Mais lentement, certes, et avec une certaine prudence, les évêques argentins les premiers, puis ceux de Malte, et plus récemment ceux d’Allemagne ont donné leur interprétation du nouveau paradigme de cette exhortation et, en particulier, de cette question des « chemins de discernement », chemins qui passent, pour certaines personnes divorcées-remariées qui sont déjà en route par « l’aide des sacrements de l’Eglise ». Plus près de chez nous, les lettres de Mgr Lebrun et son invitation aux personnes divorcées et divorcées-remariées, accompagnées de paroissiens et de personnes sensibles à cette question, a réuni 600 personnes aux vêpres de la Toussaint et a été pour les personnes des autres diocèses vivant ces situations une grande bouffée d’espérance.

Depuis un an, dans certains diocèses, on commence à travailler le texte, et des journées de réflexion et de formation pour les agents pastoraux se mettent en place. La CEF a fait paraitre, seulement quatre mois après la sortie d’Amoris laetitia, un guide de lecture remarquable qui permet à chacun, chaque groupe, chaque paroisse de travailler les différents chapitres dans un esprit d’ouverture guidé par des théologiens concrets et accessibles (édition présentée et annotée sous la direction du Service national famille et société de la CEF et de la faculté de théologie du Centre Sèvres – Lessius-Fidélité, 374 p., 13 €). Il y a bien entendu ceux qui se bornent à n’étudier que le chapitre IV et le chapitre V pour construire des super préparations au mariage, de véritables catéchèses qui parfois oublient les conseils du pape François de ne pas non plus « leur exposer tout le catéchisme de l’Église catholique » (A.L. 206) !

Mais il existe également un certain nombre de lieux où le chapitre VIII a soigneusement été évité, car on ne peut pas présenter la grande beauté du mariage chrétien et parler en même temps du divorce et surtout du remariage ! (Il parait qu’il y a des fidèles qui pourraient confondre !) Et pourtant le pape François avait bien engagé tout le monde à le lire (AL 7 ).

Plusieurs ouvrages ont vu le jour cette année sur les sujets de cette exhortation. Nous sommes sélectifs puisque nous ne citerons pas les ouvrages de ceux qui ont des réticences sur l’ouverture du chapitre VIII :

  • Christoph Schönborn, Entretien sur Amoris laetitia avec Antonio Spadaro s.j., Éd. Parole et Silence, juillet 2016, 134 p., 13 € ;
  • Catherine Legendre-Coutier, Chrétienne, divorcée, remariée, Éd. Médiaspaul France, sptembre 2015, 192 pages, 15€ ;
  • Synode sur la vocation et la mission de la famille dans l’Église et le monde contemporain – 26 théologiens répondent, éd. Bayard, août 2015, 16,90€ ;
  • Philippe Bordeyne, Divorcés- remariés – Ce qui change avec François, éd. Salvator, janvier 2017, 144 pages, 17€.

Nous ne connaissons pas toutes les initiatives locales car certaines restent encore très discrètes. Mais un certain nombre de prêtres qui accueillaient déjà des personnes divorcées, des personnes cherchant un temps de prière à l’occasion de leur nouvelle union, des personnes cherchant un réconfort auprès d’un prêtre dans un pardon exprimé, se sont sentis confirmés dans leur pratique et poursuivent avec « une certaine assurance » leur mission d’accueil et de « libération » en aidant les fidèles dans ces situations à éclairer leur conscience. La proposition des « cheminements Bartimée » cherche surtout à donner de la transparence et de la notoriété à un processus de « retour aux sacrements » pour que ceux qui cherchent « à mettre quelque chose en place » puissent avoir des jalons pour inventer et oser un chemin ensemble. Tout doucement, je pense que nous sommes en route.

Mais

Amoris laetitia, c’est bien plus qu’une possibilité offerte aux fidèles vivant une nouvelle union de cheminer vers une pleine et entière intégration dans leur paroisse et dans l’Église par leur incorporation au Corps du Christ (Lumen Gentium 7). C’est une obligation faite à chaque chrétien de prendre le chemin d’une conversion, de réaliser une prise de conscience de sa faiblesse et de son besoin de miséricorde afin d’être capable d’entrer dans le regard miséricordieux du Christ. Ce changement du regard ne peut pas se faire autrement car comment « ôter ses sandales devant la terre sacrée de l’autre » si on reste dans la condescendance ? Comment reconnaitre « les semences du verbe » dans la vie des autres si l’on juge des situations que l’on n’a pas vécues, ou que l’on ne se donne pas la peine de connaître ? Comment vivre soi-même la communion sacramentelle au corps du Christ si on exclut concrètement de la communauté ecclésiale et fraternelle certains fidèles (Benoit XVI Sacramentum Caritatis, Jean Paul II Ecclesia de Eucharistia) ? C’est donc aussi une obligation faite aux pasteurs de vivre en premier cette conversion du regard pour aider leur communauté. Le pape François a d’ailleurs beaucoup écrit pour définir « le profil » du prêtre de demain et pour rappeler également la place des laïcs dans l’Église et dans les paroisses. Il semble que « la pyramide » ne soit pas encore inversée !

Amoris laetitia, nous sommes donc bien tous concernés !

C’est exactement ce que Jésus annonce dans l’Évangile à longueur de pages : la loi d’Amour et l’attitude évangélique qui en découle. Amoris laetitia explicite cette bonne nouvelle, mais aussi cette exigence pour tous dans notre monde du IIIe millénaire. La loi d’Amour est à la fois 100% miséricorde pour celui qui a « raté son but » et 100% d’exigence pour celui qui s’efforce de la suivre.

Jésus a posé un regard aimant sur ceux qu’il a rencontrés : les exclus (Zachée, la Samaritaine, Bartimée, Marie-Madeleine, et tous les autres), mais aussi ceux qui étaient bien intégrés (Lazare et ses sœurs, Nicodème, le jeune homme riche…) pour les aider à poursuivre leur chemin. Comme le père de la parabole, il accueille son fils « qui était perdu » et le restaure totalement dans sa filiation tout en invitant avec amour son fils ainé à venir partager sa joie, et la joie du père ne sera pas complète tant que son fils ainé n’entrera pas dans la salle du festin.

Saint Paul à sa manière nous dit un peu la même chose dans sa première Lettre aux Corinthiens lorsqu’il parle du Corps du Christ : « Vous êtes le corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps » donc « si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie. »

Ce corps du Christ ressuscité, c’est la multitude des croyants qui marchent ensemble. C’est ainsi que le pape François nous décrit une l’Église synodale, celle du IIIe millénaire.

Alors, tous concernés par cette exhortation à vivre au plus près de l’Évangile, essayons de porter sur nous, sur nos frères et sur la vie en général, le regard bienveillant de Jésus qui nous offre sans cesse son Amour qui est : inconditionnel, immérité et gratuit