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-- décédé le 3 mai 2017 --

Racontez-nous votre jeunesse.
« Ma famille est de la région bordelaise et j’ai fait mes études chez les marianistes à Bordeaux.
J’ai 2 sœurs et 1 frère.
J’ai fait de la JEC et du scoutisme, avant la guerre. Dans notre équipe de JEC nous sommes 4 à être devenus prêtres.
Après le bac je suis venu à Paris en hypotaupe à Louis-le-Grand en 43-44.
En 42, un officier anglais avait été parachuté pour chercher des renseignements sur le plan de défense des Allemands (le mur de l’Atlantique). C’est le frère d’un ami qui m’a fait participer à un groupe de Résistance chargé de continuer le travail. J’avais 17 ans, nous étions par équipe de deux, nous ne connaissions pas les autres. Fin mai 1944, on me demande de rentrer à Bordeaux pour le débarquement. Même ma mère ne savait pas que je faisais partie de la Résistance.
Nous étions tous des étudiants, nous faisions du renseignement et les Allemands surveillaient les jeunes, donc nous devions prendre le maquis (il fallait le créer). Ma mère me dit : « Tu as bien réfléchi, alors tu fais ce que tu penses. » On a fondé le maquis de Saucats, au sud de Bordeaux. Le 14 juillet nous avons été attaqués et je suis le seul survivant.
Un bouquin, Demain dès l’aube de Vincent Rivasseau, raconte tout cela.
Les Allemands renseignés par un Français pensaient qu’il y avait un survivant et ont fouillé le village. Après quelques jours difficiles, mais aidé par ma famille et des amis, j’ai rejoint le maquis d’Armagnac, dans le Gers.
J’ai participé à la libération de Toulouse et de Bordeaux, à l’attaque de Royan et de l’ile d’Oléron. J’ai été démobilisé et j’ai fini l’année 44-45 en préparant la licence de math à Bordeaux.

Comment est venu votre projet d’être prêtre ?
Avant-guerre, l’empire colonial français ça existait, je voulais aller dans les pays neufs où l’Évangile n’était pas annoncé et l’Afrique m’attirait.
Un oncle dominicain me conseille de rencontrer le directeur de l’École Coloniale à Paris. Celui-ci me parle de 3 groupes importants : les Pères Blancs, les Missions Africaines de Lyon et les Spiritains.
J’opte pour les Spiritains.
Je rentre au noviciat en 46 près de Clermont-Ferrand, puis je fais 2 ans de philosophie à Mortain (dans la Manche) et 2 ans de théologie à Chevilly-Larue, près de Paris. Je suis ordonné en 1952.
À la consécration apostolique je suis nommé à Yaoundé au Cameroun.
Mais, suite au décès d’un professeur d’écriture sainte que je suis appelé à remplacer, je suis envoyé à Rome pour des études (il faut une licence de théologie à la Grégorienne). Je deviens professeur d’exégèse à Chevilly où toute l’équipe de professeurs, vieille de pensée et d’âge, a été renouvelée.
À ce moment-là, à la veille de Vatican II, un nouveau supérieur général doit être élu.
Marcel Lefebvre avait été nommé, par le Pape, délégué apostolique de l’Afrique francophone et archevêque de Dakar, mais il était trop lié à l’Action Française. Le pape Jean XXIII l’a déplacé et nommé évêque de Tulle. Voulant devenir supérieur général des spiritains, il fait sa campagne dans les autres pays que la France surtout en Allemagne.
On ne peut pas élire un évêque, sauf s’il est démissionnaire, ce qui était le cas de Mgr Bernard de Brazzaville, qui a donc été proposé comme supérieur. Mais quand le chapitre a été réuni, la première chose qu’ils ont faite, c’est d’élire Mgr Lefebvre (1962 – Voir le livre que j’ai écrit Vers Écône). Il fallait repenser le rapport entre Église de France et Église d’Afrique.

Après les spiritains ?
J’ai passé 2 ans à Vaucresson chez les religieuses.
En fonction des prises de position de Mgr Lefebvre, nous avons été une dizaine d’opposants à réfléchir à une éventuelle exclaustration.
Trois solutions s’offraient à nous : quitter, rester, ou continuer un groupe Église de France / Église d’Afrique.
Après une réunion très importante, quelques-uns ont décidé de quitter les spiritains. La question se posait : si nous quittons les spiritains, quels diocèses nous accueilleront ?
Aidé par Madeleine Delbrel et Mgr Veuillot, je suis autorisé à quitter la congrégation, et Mgr Veuillot me dit : « Demain vous allez à Saint-Jacques-du-Haut-Pas avec le père Pezeril. » Celui-ci fit appel aux paroissiens pour demander un lit « si vous voulez un prêtre de plus ».
En 1966, suite à plusieurs voyages d’études et des rencontres avec les pères de l’École Biblique, nous avons écrit avec J. Tournus et D. Auscher Itinéraires Bibliques (guide de Terre Sainte).
En 1970, le catéchuménat fonctionnait en doyenné pour les classes de cinquième et sixième. En France, aucun diocèse n’avait une direction de pastorale sacramentelle. Le père Renaudin m’a recruté et nous nous sommes installés rue Jean Bart, d’où le nom de centre Jean-Bart donné au centre pastoral. J’ai beaucoup appris, car je n’avais jamais été en paroisse ; Mgr Veuillot m’a nommé pour la liturgie et m’a envoyé me former chez les bénédictins.
Quelques années plus tard, je suis nommé au CNPL (Centre National de Pastorale Liturgique).
C’est un secrétariat francophone pour que les pays de même langue aient les mêmes textes. En lien avec le De Culto Divino à Rome pour un nouveau missel.
Le renouveau liturgique avait été initié par les aumôniers des étudiants allemands : Hitler interdisant toute autre activité que la messe, ils avaient voulu que la messe intelligemment célébrée nourrisse la foi des chrétiens.
Après le CNPL, fidèle à mon ancienne orientation vers l’Afrique, je prends contact avec Mgr Zoa, archevêque de Yaoundé. L’une de ses phrases m’avait interpellé : « C’est toujours vous, les blancs, qui rédigez les questions, et nous, les noirs, nous devons prendre notre temps pour savoir ce que nous pensons de ce que vous pensez. Quand prendrez-vous votre temps pour savoir ce que vous pensez de ce que nous pensons ? » Donc je suis parti à Yaoundé trois ans de 1976 à 1979.
Au retour, en 1980, je suis nommé curé à Saint-Séverin. Ayant hérité de la belle commode d’une tante, j’ai pu faire aménager un nouvel autel (réalisé par le sculpteur Georges Schneider) dans la chapelle Mansart. Mais je vais un mois par an au Nord-Cameroun pour accompagner le catéchuménat du diocèse de Maroua. Par la suite, le père Michel Guittet m’a fait venir à Saint-Lambert où j’ai principalement travaillé au catéchuménat.
Depuis 2003 je suis ici à la maison Marie-Thérèse. Je ne le regrette pas et je continue à travailler sur la Bible. Des livres nouveaux paraissent que je suis content d’avoir le temps de lire.

 

L’entretien s’est déroulé en plusieurs rencontres à cause de sa grande fatigue et a été interrompu par son décès.