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La visioconférence, à l’initiative de New Ways Ministry – 3 avril 2022, intitulée « La Synodalité, chemin de Réconciliation » était annoncée comme un « événement historique » : un membre de la Curie Romaine s’adressait pour la première fois à la communaut

L’Église de France veut-elle une Église synodale alibi ou une Église synodale dont le corollaire est le partage à tous les niveaux du pouvoir, entre clergé et laïc-que-s pour donner cet élan décisif à l’évangélisation qui lui a été confiée au matin de la Résurrection ?

La visioconférence, à l’initiative de New Ways Ministry – 3 avril 2022, intitulée « La Synodalité, chemin de Réconciliation » était annoncée comme un « événement historique » : un membre de la Curie Romaine s’adressait pour la première fois à la communauté LGBTQ de manière officielle. Plus de 1000 personnes de 37 pays y étaient inscrites. L’événement était modéré par Francis DeBernardo, Executive Director of News Ways Ministry, mouvement catholique nord-américain qui milite pour une réconciliation entre la communauté LGBTQ catholique et l’Église et avec le monde civil1.

La présentation de 45 minutes de Sr. Nathalie Becquart n’a comporté qu’une explication « basique » du processus synodal. Elle a passé en revue l’historique des Synodes des Évêques, depuis Paul VI, a montré une vidéo, produite en Inde, sur ce qu’est « un synode », suivi de ses propres commentaires, sans aucune référence… à la communauté LGBTQ.

Focus de son intervention : « une Église qui écoute et marche ensemble » comme processus spirituel au bout duquel le Magistère seul prend les décisions2, écoute, où processus spirituel est synonyme d’écoute du Saint Esprit. Par ce mécanisme-là, conformément à Episcopalis Communio3, les décisions prises par le Magistère sont des décisions synodales : « Ainsi, quand il s’agit de vérifier la même foi, le consensus Ecclesiae n’est pas donné par le nombre des voix, mais il est le fruit de l’action de l’Esprit, âme de l’unique Église du Christ. » Dès lors, le vote des Pères synodaux, « s’il résulte moralement unanime, assume un poids qualitatif ecclésial qui dépasse l’aspect simplement formel d’un vote consultatif ».

D’où quelques paradoxes dans l’exposé de Sr. Nathalie Becquart. Si elle déclare que l’Église est bel et bien dans son ensemble un SUJET et que TOUS sont responsables (voir diapo 15 à 33’ et 30’’), à la diapo 19, les laïc-que-s cessent d’être sujets, les évêques votant à leur place. En somme les fidèles sont priés de croire que les votes du Synode des Évêques exprimeront bien leur vote à eux et à elles. Cela peut donner l’impression que le Synode des Évêques se situerait « hors communion » de tous les baptisés. Est-ce bien cela que le pape François souhaite ? Est-ce bien de cette manière qu’il faille interpréter le paragraphe cité plus haut, tiré d’EC ? Bien sûr ce n’est pas le nombre des votants qui compte, mais la manière dont les fidèles font partie des votants au Synode des Évêques. Ici, le Chemin Synodal de l’Église d’Allemagne pourrait indiquer une bonne voie à suivre dans sa façon d’associer des fidèles à un vote commun avec la Conférence épiscopale allemande !

Sa conférence terminée, vient le temps des questions, posées par Francis DeBernardo. Y répond-elle ou « noie-t-elle le poisson » ?

Par exemple, à la question cruciale « Comment la communauté LGBTQ peut cette fois-ci vraiment croire qu’elle sera entendue ? » elle redit comment le processus synodal s’est mis en route lors du Synode de la famille, des Jeunes et de l’Amazonie, comment les évêques ont écouté les jeunes et tous les autres, explique que le processus synodal est une affaire qui n’est pas tracée d’avance ! En d’autres termes, l’idée de grande inconnue lui permet de ne pas ouvrir de perspectives.

À la question : comment l’Église entend-elle exprimer une réconciliation avec la communauté LGBTQ, elle reconnaît que l’Église n’a pas assez écouté les jeunes et les exclus, sans rien dire de spécifique sur une réconciliation de l’Église et des LGBTQ. Ramenant finalement tout à une question de foi, elle affirme : « Si vous croyez vraiment en Jésus Christ, la réconciliation est possible. » 

Francis DeBernardo qui lui rappelle que « Rome » lui a confié la tâche de s’adresser à la communauté LGBTQ, demande si cela signifie que l’Église veut mettre des femmes en position de « leaders », évitant le terme « ministre ordonné ». Elle répond par un éloge de la récente admission des femmes au lectorat et à l’acolytat et reconnaît ne pas avoir de réponse sur le synode, chemin qui comporte… de grandes inconnues.

À la question sur ce que la communauté LGBTQ pourrait faire afin de contribuer au Synode dans des diocèses américains dont les évêques n’offrent aucune possibilité en ce sens, elle nie globalement cette réalité, se fondant sur ses rencontres personnelles avec quelques évêques américains à Rome et renvoie ses auditeurs aux « magnifiques » pages Web des diocèses américains et de la Conférence épiscopale nord-américaine.

En conclusion, Francis DeBernardo lui demande de donner, dans une perspective vaticane, un ou plusieurs exemples des meilleures actions ou pratiques de contributions au processus synodal. Elle loue les initiatives d’un évêque américain, rencontré à Rome, parle longuement des contributions des handicapés, des dessins des enfants d’Afrique pour le Synode, sans dire un mot d’autres initiatives, ni même du Chemin Synodal d’Allemagne.

Jamais ne sort de sa bouche le terme « réformes [de l’Église]. », ramenant tout à un processus spirituel dans lequel le Synode des évêques est et sera le seul organe autorisé à discerner et à légiférer, avec bien sûr in fine les ultimes arbitrages du pape.

Francis DeBernado n’a commenté aucune des réponses données par Nathalie Becquart, a laissé l’auditoire juger par lui-même et s’est tenu aux compliments de circonstance et à des annonces internes au mouvement. Qu’a-t-il vraiment pensé ? Pour l’instant, cela est impossible à dire.

Côté auditoire, de nombreuses questions restent ouvertes. Sr Nathalie Becquart a-t-elle compris pourquoi cette mission de réconciliation « historique » lui a été confiée ? Alors que le titre de sa conférence est « La Synodalité, chemin de Réconciliation », elle ne donne aucune piste sur la manière dont cette réconciliation pourrait advenir avec la communauté LGBTQ au point que l’on se demande si une telle piste existe. Le Vatican lui aurait-il confié cette délicate mission seulement afin de pouvoir dire que le Synode des Évêques écoute « même » la communauté LGBTQ ? S’agit-il aussi de décharger les évêques ou prêtres du Secrétariat du Synode de toute erreur de communication de l’Église concernant notamment « la théorie du genre » ? L’item « écoute des fidèles » serait-il le grand moyen, choisi par le Magistère, pour maintenir le modèle hiérarchique, monarchique et patriarcal de l’Église, avec tous les abus que ce modèle contient et induit ? Sommes-nous partis pour un synode « Canada dry », avec « la participation » de quelques laïc-que-s alibi ayant droit de vote au même titre que les évêques, comme lors des précédents synodes ?

Alors que faire, si ce n’est élargir les perspectives par une large mobilisation de groupes ou d’assemblées au niveau national et international qui réunissent des baptisés de toute condition (laïcs, hommes et femmes, et bien sûr religieuses, religieux, diacres, prêtres et évêques), tous en quête de dialogue et donc d’altérité, dans une détermination commune à identifier impasses et remèdes sur un chemin synodal commun ? Leur tâche : assumer le travail de veilleurs et de sentinelles dont parle déjà Isaïe (Is 21, 11) pour que la nuit ne devienne jamais le destin des catholiques qui persévèrent au sein de l’Église comme de ceux qui ne collaborent plus avec elle mais qui ont le cœur plein d’espérance.

Plus que jamais la question de la relation entre « autorité et participation » est au centre du dysfonctionnement systémique dont souffre l’Église où le Magistère cherche à tout prix à maintenir le cumul des fonctions de veilleur, législateur et pasteur entre ses seules mains. Même si apporter sa voix de veilleur ou son analyse théologique ne suffira pas, cela est pour l’instant la seule manière offerte aux fidèles, avec ou sans soutien de certains évêques et prêtres, de montrer que l’Église n’est ni monochrome, ni une somme d’assujettissements divers.

L’Église catholique de France, à l’image du Chemin Synodal de l’Église d’Allemagne, de la Pfarrer-Initiative de l’Église d’Autriche, de l’Australasian Catholic Coalition for Church Renewal, et de tant de mouvements de réforme portés courageusement par des laïc-que-s au niveau national et international, devra à son tour se poser sérieusement la question suivante : veut-elle une Église synodale alibi ou une Église synodale dont le corollaire est le partage à tous les niveaux du pouvoir, entre clergé et laïc-que-s, pour non seulement prévenir tout abus spirituel et physique, mais surtout pour donner à l’Église cet élan décisif à l’évangélisation qui lui a été confiée au matin de la Résurrection ? L’Église de France dispose désormais d’un atout considérable : le rapport de la CIASE qui contient de quoi la faire avancer à grandes enjambées. Que va-t-elle en faire ?

Karin Heller

1 https://www.newwaysministry.org/

La conférence, suivie d’une série de questions-réponses : https://www.newwaysministry.org/synod-reconciliation/

2 Cf. sa diapositive n°19 à la 36è minute : « To build a culture of consensus »).

3 Cf. Episcopalis Communio 7 qu’elle cite sur la diapositive n° 19.

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