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Commentaires

Posté par Roselyne

mar 09/05/2023 - 18:57

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Merci de ce beau commentaire emprunté à Camus, et tellement éclairant :

"Un homme, ça s'empêche"... Au fond c'est ce que Dieu dit à Caïn : "la faute (ratée) est tapie à ta porte et elle te convoite, toi, domine-la !" (Genèse 4, 7).
C'est la liberté de l'homme de refuser de céder à l'avidité qui le menace, un homme, ça s'empêche !

Posté par Claire (visiteur)

ven 19/05/2023 - 12:04

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"Encore sur la violence...
La violence est une spirale infernale ( la vendetta...)
Roselyne , vous posez la question de savoir si Dieu tente d'y mettre fin en épargnant Caïn, tout en disant que c'est bien incertain mais que si l'humanité est violente, néanmoins, Dieu ne lâche pas Caïn ( donc ne lâche pas l'humanité).
Nous nous sommes interrogés sur le "chant de Lamek": pourquoi le narrateur place ce passage à cet endroit du récit sur la descendance de Caïn? Quel sens cela peut-il avoir? Ses paroles semblent "défendre" la violence :" Oui, j'ai tué pour ma blessure ( c'est mystérieux :quelle blessure?), oui, sept fois sera vengé Caïn, mais Lemek septante fois". A. Wénin n'est pas très explicite : il évoque le souhait du narrateur d'attirer l'attention du lecteur sur les risques de croissance exponentielle que la violence fait courir, Tout en rappelant que Dieu n'intervient pas et laisse l'humain, libre et responsable assumer ses actes. Qu'en pensez-vous?.

Posté par Roselyne

ven 19/05/2023 - 16:42

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Claire,
Votre question est effectivement très pertinente, difficile pour moi, mais je pense qu'elle met un peu en cause la méthode Wénin. Non pas dans sa perspective narrative qui est passionnante, mais dans son refus de l'articuler avec un soupçon d'historico-critique, autrement dit avec le fait que le texte est construit à partir de plusieurs traditions anciennes, pas nécessairement complètes et surtout pas toujours cohérentes. Et chacune a sa part de vérité ou en tout cas de lucidité et de perspective sur la vision de l'humanité et de son avenir. Du coup, pour moi, elles se superposent plus qu'elles ne s'enchaînent.
Il me semble qu'il y a un premier fil qui est celui du constat de la violence des rivalités entre tribus, et des vengeances. La vendetta est clairement signifiée par le chant de Lamek en 3, 23, peut-être une vieille ritournelle tribale, et déjà le Seigneur l'avait envisagée en 3, 15 ("si l'on tue Caïn, il sera vengé sept fois") ; du coup, le signe devrait éviter l'enclenchement du cycle de la vengeance, en interdisant de tuer le meurtrier. Evidemment la violence se déploie et s'amplifie tout de même : Lamek contredit d'avance la loi du talion en majorant chaque fois la réplique : pour une meurtrissure on tue un enfant, pour une blessure un homme.
Au contraire le talion essaiera de limiter en trouvant des équivalences (voir Exode 21, 12-27 et suivants : la liberté de l'esclave pour un oeil abîmé ou une dent cassée !).
De fait une autre tradition vient se greffer sur celle-ci, la descendance d'Adam par Seth. Elle semble commencer en 5, 1, en redoublant ce qui était déjà ébauché en 4, 25. Une vision nettement plus sereine des générations humaines. La violence n'en est pas exclue, mais elle n'empêche pas l'humanité d'avancer. Probablement cette tradition (sacerdotale) est celle qui considèrera que l'alliance et la loi doivent être le moyen de réguler au moins la violence (d'où le talion que j'évoquais).
Mais la visée qui interroge la possibilité pour l'humanité de survivre malgré sa propre violence, prend ensuite le dessus au chapitre 5. Pour trouver un peu autrement une façon de contenir ou de gérer  la violence humaine (jusqu'où ?) :  la loi et le rite.