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Dimanche 17 mars 2024 – 5e dimanche de Carême – Jn 12, 20-33

Philippe et André disent à Jésus que des Grecs[1], venus à Jérusalem pour se prosterner pendant la fête de la Pâque, demandent à le voir. Celui-ci leur annonce que l’heure est venue pour que soit glorifié le fils de l’homme. Et il ajoute « amen[2], amen », ce qui souligne l’importance de ce passage dans l’évangile de Jean, juste avant les discours d’adieu et les récits de la passion et de la résurrection. 

Il s’adresse d’abord aux disciples, ceux présents autour de lui ce jour-là – juifs et gentils – et nous, lecteurs ici et maintenant : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt, il reste seul. Mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Qui aime son être (psuché) le perd ; qui hait son être en cet univers le garde pour la vie en pérennité. Si quelqu’un me sert, qu’il me suive ! Là où je suis, là sera aussi mon serviteur. Qui me sert, le Père l’honorera.[3] »

La vie, présente dans le germe, est métaphore du souffle divin que Adonaï a insufflé dans l’Adam qu’il venait de former (Gn 2, 7). En filant la métaphore, l’être (psuché) – celui qui peut être aimé ou haï, celui de Jésus qui se trouble à l’approche de l’heure du supplice – est notre « enveloppe charnelle », notre vie, physique et psychique, de créature. 

Si le grain ne meurt… Qui aime son être le perd… Mais le grain qui porte du fruit entre dans un cycle de vie en se transformant pour permettre à la vie, présente en lui dans son germe, de s’épanouir et de donner du fruit. Perdre son être serait alors privilégier notre vie dans l’univers matériel au détriment de la Vie qui est en nous. Nous sommes ainsi invités à laisser notre être se transformer afin que s’épanouisse la « Vie en pérennité » portée par le souffle divin.

Pour y parvenir, Jésus nous invite à faire route avec[4] lui et à suivre son enseignement, chemin qu’il nous propose pour établir entre nous des relations d’agapé[5] (Jn 13, 34). dont le lavement mutuel des pieds (Jn 13, 1-16) est métaphore. Celui qui se met ainsi en chemin sera honoré par le Père, un Dieu qui accompagne l’homme en chemin avec d’autres vers l’accomplissement de son humanité – tout comme il a invité Abraham à le faire [« Va vers toi ! » (Gn 12, 1)].

« Maintenant mon être (psuché) est troublé, et que dirai-je ? Père, mets-moi à l’abri de cette heure-ci ? Mais du fait de cela je suis venu au moment de cette heure-ci. Père, glorifie ton nom[6] ! » J’y entends l’écho du terrible combat intérieur de Jésus (p. ex. Mc 14, 32-42) à l’approche de son supplice, conséquence ultime de ses actes et de son enseignement. S’en mettre à l’abri serait renier son identité divine, sa relation avec le Père : inconcevable pour lui. Signe pour moi de son absolue fidélité à ce qu’il est, ainsi qu’il le dira à ceux venus l’arrêter [« Moi, je suis. » (Jn 18, 5)].

Nous sommes ainsi invités à transformer notre être et à vivre pleinement – vivre en pérennité – notre humanité habitée du souffle du Père.


 

[1] Des « craignant Dieu » (Ac 10 2, 35 ou Ac 13, 26)

[2] Adverbe hébreu qui signifie « vraiment, en vérité »

[3] Traduction Chouraqui

[4] Le verbe grec porte la notion de « faire route avec » sans être devant, ni conduire

[5] agapé est utilisé par Jean pour désigner l’amour que Jésus porte à son Père et à ses disciples

[6] Traduction au plus près du grec

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Petra de Pixabay
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